| RUDOYER, verbe trans. A. − 1. Qqn rudoie qqn.Traiter rudement, sans ménagement, avec brusquerie et plus particulièrement en montrant de la mauvaise humeur et en parlant avec brutalité. Synon. brutaliser, malmener.Le grand-père avait recueilli le petit, alors âgé de six ans. Il l'aimait bien; mais il avait sa manière de le lui témoigner: elle consistait à rudoyer l'enfant, à le nommer d'injures variées, à lui allonger les oreilles, à le claquer, du matin au soir (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1295): Ma mère, Mmede Courcils, était une pauvre petite femme timide, que son mari avait épousée pour sa fortune. Toute sa vie fut un martyre. D'âme aimante, craintive, délicate, elle fut rudoyée sans répit par celui qui aurait dû être mon père, un de ces rustres qu'on appelle des gentilshommes campagnards. Au bout d'un mois de mariage, il vivait avec une servante.
Maupass., Contes et nouv., t. 1, Testam., 1882, p. 663. ♦ Empl. pronom. réfl. Je me force au travail et je me rudoie. Mais le cœur n'est pas à la littérature (Flaub., Corresp., 1872, p. 377). − Qqn rudoie qqc.Manier, manipuler avec brutalité. Les parquets (...) craquaient sous le pas de Maria, qui entra en rudoyant la porte (Colette, Duo, 1934, p. 21). ♦ P. métaph. [Le compl. désigne une réalité intellectuelle] − Le possible se réalise toujours. − Pas toujours. Si l'on rudoie l'utopie, on la tue. Rien n'est plus sans défense que l'œuf (Hugo, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 248).Telle pensée qui a dormi vingt ans s'éveille, trouve en moi un nouveau maître qui la rudoie et la change (Valéry, Tel quel II, 1943, p. 300). 2. P. anal. Qqc. rudoie qqc.Malmener. Un long pont de bois, souvent rudoyé par le Rhin, qui n'a plus de piles de pierre que d'un seul côté (Hugo, Rhin, 1842, p. 376).Les sapinières que le vent rudoyait de l'autre côté de la lande aux gentianes (Pourrat, Gaspard, 1922, p. 217). B. − ÉQUIT. Rudoyer un cheval. Le mener brutalement (en utilisant les éperons, la cravache). (Dict. xixeet xxes.). REM. Rudoyeur, -euse, adj.,hapax. Il répondit, brutal: − J'en sais pus rien. R'gardez-y voir. Le gros homme qui l'avait interrogé machinalement se trouva suffoqué par ce ton rudoyeur (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 85). Prononc. et Orth.: [ʀydwaje], (il) rudoie [-dwa]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [1372 ds Bl.-W.1-5] 1557 (Dupuyherbaut, De penitence, 68 ods Fonds Barbier). Dér. de rude*; suff. -oyer*. Fréq. abs. littér.: 116. DÉR. Rudoiement, subst. masc.Action de rudoyer. Anthime peut essayer de l'exhortation, de la corruption, du rudoiement, de la menace, il n'obtiendra de lui que refus (Gide, Caves, 1914, p. 699).Un ton où il y avait une trace de hauteur et de rudoiement (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 196).− [ʀydwamɑ
̃]. Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Warn. 1968, Lar. Lang. fr., Rob. 1985: [-a-]; Martinet-Walter 1973: [-a-], [-ɑ-] (9, 8). − 1reattest. 1571 (F. de Belleforest, Du maniement et conduite de l'art et foi militaires, 204); de rudoyer, suff. -(e)ment1*. |