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ROUET, subst. masc.
A. − TECHNOLOGIE
1. Machine à roue mue par une pédale ou par une manivelle, servant à filer le lin, le chanvre, la laine, etc. Filer au rouet; filer son rouet; ronron, ronflement du rouet; rouet des Parques (v. déconcerté II A 1).Félicité (...) tournait son rouet dans la cuisine (Flaub., Cœur simple, 1877, p. 48).Assise, la fileuse au bleu de la croisée Où le jardin mélodieux se dodeline; Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée (Valéry, Alb. vers anc., 1900, p. 75).V. fusée ex. 1.
♦ P. méton. Ronronnement, bruit sourd et monotone. Rouet des guêpes. Bercé par le rouet d'une rauque éloquence, En songe, un magistrat s'endort à l'audience (Delille, Imag., t. 1, 1806, p. 51).Joseph se tourna tout d'une pièce et fit entendre un bruit étrange un peu comparable au rouet d'un félin qui regarde fixement une proie (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 23).
− Rouet de cordier. Instrument ,,composé d'un tourniquet mû par une grande roue à bras et qui tord la corde à mesure que le cordier lâche la filasse en marchant à reculons`` (Guérin 1892). Le long de ce mur est établi un rouet de corderie. Deux cordiers, marchant parallèlement à reculons et se balançant d'une jambe sur l'autre, chantaient ensemble (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 8).
2. Roue.
a) Cage à rouet. Cage munie d'un cylindre tournant. Synon. cage à roue (v. cage A 2 a).Celui-là (...) portait une cage à rouet avec un écureuil gris (La Varende, Cavalier seul, 1956, p. 245).
b) Anciennement, petite roue d'acier, à jante striée, mue par un ressort, qui tourne rapidement en frottant contre un silex et produit ainsi des étincelles. Le plus ancien [des procédés d'éclairage de sûreté est le] rouet à silex, imaginé à Whitshaven en 1760 (Haton de La Goupillière, Exploitation mines, 1905, p. 1004).Deux dessins de Léonard de Vinci (...) représentent deux systèmes d'allume-feu domestiques, à rouets mus par des ressorts (Duchartre1973).
− En partic. Ce dispositif monté sur la platine d'une arme pour enflammer la poudre à la place de la mèche. Platine à rouet; arquebuse, mousquet, pistolet à rouet. Le déclic du rouet joua avec un bruit sec, une lueur traversa l'obscurité, une détonation se fit entendre et une balle passa à deux ou trois pouces au-dessus d'Hérode (Gautier, Fracasse, 1863, p. 412).
c) Roue à gorge. Synon. réa.Sur le plat-bord de nos navires, il y a des trous qui sont percés à certaines places (...); c'est pour y planter des petits supports à rouet dans lesquels nous passons nos lignes (Loti, Pêch. Isl., 1886, p. 287).
− MAR. ,,Sorte de grosse poulie avec réa et caisse en fer, généralement portée par les mâts de charge`` (Gruss 1978).
d) Roue dentée d'un mécanisme. Ici, comme un taureau, la vapeur prisonnière Hurle, mugit au fond d'une vaste chaudière, Et, poussant au dehors deux immenses pistons, Fait crier cent rouets à chacun de leurs bonds (Barbier, Ïambes, 1840, p. 218).
− En partic. Roue dentée qui placée sur l'arbre d'un moulin à eau ou à vent, communique le mouvement à tout le mécanisme. Pour arrêter le moulin [à vent] on se sert d'un frein en bois qui vient serrer intérieurement le rouet (Champly, Nouv. Encyclop. prat., t. 16, 1927, p. 3).
e) ,,Turbine utilisée dans une exploitation saline pour élever l'eau et la faire circuler`` (Clém. Alim. 1978). Les marais salants mettent à profit les fortes marées de l'océan Atlantique (...). L'installation est donc affranchie de la servitude des pompes et rouets en usage dans les salins de la côte méditerranéenne (Stocker, Sel, 1949, p. 29).
3. Objet en forme de roue ou en arc de cercle.
a) CONSTR. Assemblage de pièces de bois.
− Assemblage à peu près circulaire de madriers sur lequel on bâtit un puits. On fonce généralement [un puits] sur rouets. On commence tout d'abord par dresser le terrain sur lequel on établit un rouet en fortes charpentes. Ce rouet est formé par une première couche de madriers réunis par des boulons aux madriers d'une deuxième couche dont on a soin d'alterner les joints avec ceux de la première. Ceci fait, on construit la maçonnerie sur ce rouet (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 287).
− ,,Enrayure de charpente, ronde ou à pans, qui est posée à la base d'une flèche de clocher ou d'une lanterne de dôme`` (Chabat 1881).
b) SERR. Pièce concentrique à la broche d'une serrure et s'opposant à l'introduction d'une clé dont le panneton ne comporte pas de fente appropriée (d'apr. Barb.-Cad. 1963).
B. − [P. réf. à un mouvement circulaire]
1. VÉN. Se mettre en rouet. ,,Courir en rond pour un lièvre sur ses fins`` (Vén. 1974).
2. ICHTYOL. Rouet (de mer). Poisson. Il y en a de ronds [des poissons] qui voguent en tournant avec les vagues, comme un rouet dont ils portent le nom (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 193).
3. Au fig. [P. réf. à Montaigne, Livre II, chap. XII] Être au rouet. Être dans un cercle vicieux, être dans l'embarras. S'il a péché, c'est donc qu'il l'a voulu; mais s'il l'a voulu, c'est donc aussi que sa volonté était mauvaise. Et rien ne sert d'objecter que sa volonté est devenue mauvaise parce qu'il l'a voulu, car il fallait qu'elle fût déjà mauvaise pour le vouloir. Nous sommes au rouet (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931, p. 124).
Prononc. et Orth.: [ʀwε]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoit. xiiies. « roue pour monter l'eau » (Pean Gatineau, St Martin, 4114 ds T.-L.); 2. a) 1371 rouwet « petite roue qui porte une gorge à sa circonférence et qui fait partie d'une poulie » (Lille, ap. La Fons, Gloss. ms., Bibl. Amiens ds Gdf. Compl.); b) 1660 « garde de la serrure pour empêcher qu'on ne crochète » (Oudin Fr.-Esp.); 3. ca 1393 « machine à filer le chanvre » (Ménagier de Paris, éd. G. Brereton et J. Ferrier, I, 9, p. 113, 26); 4. 1555 « rondelle destinée à battre sur le silex, dans une arme à feu » (Ronsard, Meslanges, éd. P. Laumonier, t. 6, p. 211, 122). Dér. de roue*; suff. -et*. Fréq. abs. littér.: 163.