| ROSEAU, subst. masc. A. − 1. Plante qui pousse au bord de l'eau, à feuilles étroites et élancées, à tige droite souvent remplie de moëlle, à fleurs disposées en panicule ou groupées en deux épis superposés dont l'inférieur se développe sous la forme d'un cylindre d'un beau brun foncé velouté. [Une eau] se perdant dans les tournants brumeux, sous des saules penchés et de grands roseaux aux panaches soyeux (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 172).L'étroit marais fleuri où (...) le tamaris [apporte] son brouillard rose, le roseau sa massue à fourrure de castor (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 26). SYNT. Roseau creux; roseaux minces, secs, verts; frêles, longs roseaux; les roseaux de l'étang, du fleuve, de la rive; forêt, touffe de roseaux; cabane, haie, hutte, lit, nid, toit de roseaux; flûte en roseau; claies en roseaux; couvert de roseaux; caché, couché dans les roseaux; au milieu des roseaux; entre, parmi les roseaux; les joncs et les roseaux; frêle, mince, souple comme un roseau; plier comme un roseau. ♦ Fauvette des roseaux. Synon. de phragmite* des joncs.V. fauvette A ex. de Colette. 2. BOTANIQUE a) Plante herbacée, aquatique, appartenant à la famille des Graminées, comprenant deux espèces principales dont les types sont respectivement le roseau commun ou roseau à balais (phragmites communis, arundo phragmites) et le roseau à quenouille ou canne de Provence (arundo donax), et caractérisée par des fleurs disposées en panicule. On sait la répartition du Roseau (Phragmites communis) soit sur les terrains humides (...) soit sur le bord même des eaux (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 293).On a coupé les arundo donax, ces immenses roseaux empanachés qui bordent les routes (Gide, Journal, 1943, p. 257). b) Roseau des étangs. Synon. de massette2.Le roseau, dit des étangs, ou Massette, sert à couvrir les toitures (Fén.1970). c) Roseau des sables. Synon. de oyat.Le roseau des sables seul a une utilité bien réelle, parce qu'on le cultive dans les dunes, pour les enchaîner et s'opposer à leur déplacement (Brard1838). 3. Loc. adj. De roseau a) Relatif à cette plante; qui est fait avec cette plante ou une de ses parties. Tige de roseau; flûte, sceptre de roseau. Elle l'emplit bien vîte [un nid] De feuilles de roseau (Florian, Fables, 1792, p. 152).Il tira de sa ceinture l'écritoire et la plume de roseau (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 366). b) Qui présente certaines caractéristiques (minceur, couleur, etc.) propres au roseau. Son regard perçant, son teint olivâtre, sa taille de roseau (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 31).Couleur (de) roseau. Brun jaunâtre ou verdâtre. Les chapeaux d'étoffe, couleur roseau, sont toujours de mode (Obs. modes, t. 9, 28févr. 1823, p. 96).Chevaux couleur de roseau (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 232). 4. P. méton. Plume ou flûte fabriquée avec un ou plusieurs morceaux de tige de roseau. Trempant son roseau dans l'écritoire attachée au flanc du casier qui renfermait les feuilles de parchemin (A. France, Puits ste Claire, 1895, p. 42).L'autre [Arabe] soufflait dans un petit roseau et répétait sans cesse (...) les trois notes qu'il obtenait de son instrument (Camus, Étranger, 1942, p. 1164). 5. ARCHIT. ,,Ornement en forme de bâton rond, de canne ou de roseau dont on remplit jusqu'au tiers de leur hauteur les cannelures des colonnes rudentées`` (Havard 1890). 6. P. allus. a) [à la fable de La Fontaine: Le Chêne et le roseau (Fables I, 22) où le roseau, sensible au moindre souffle, plie sous l'effet d'un vent violent mais ne rompt pas, contrairement au chêne] Sa haine avorte, sa colère échoue. L'ouragan qui voulait des chênes à briser ne courbe que des roseaux et va se perdre dans les hautes herbes (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 142).V. aquilon ex. 6. b) [à la Bible: Éz. XL, 3-9 et Apoc. XI, 1 et XXI, 15 où un roseau déterminé sert d'instrument de mesure] C'est au tour de Michaël (...) de prendre le roseau d'or, de tracer les limites et de leur désigner le lieu (Cocteau, Enfants, 1929, p. 137): Et voici que comme Ézéchiel autrefois avec le roseau de sept coudées et demie,
Je pourrais aux quatre points cardinaux relever les quatre dimensions de la Cité.
Claudel, Gdes odes, 1910, p. 240. c) [à la légende du roi de Phrygie, Midas, selon laquelle des roseaux poussèrent dans le trou creusé par son barbier qui y murmura: « Le roi Midas a des oreilles d'âne », secret que le roi cachait sous un bonnet phrygien et que ces roseaux répétèrent ensuite au moindre souffle de vent] Pauvre mère, tu n'as jamais pu aller seule dans la campagne et le crier [que tu le hais] aux roseaux. Tous les roseaux racontent que tu l'adores! (Giraudoux, Électre, 1937, ii, 7, p. 185). d) [à la Bible: Matth. XXVII, 29, scène de la Passion au cours de laquelle un roseau fut donné par dérision comme sceptre au Christ] Prêtre, j'ai le roseau de Jésus à la main; Roi, je n'ai plus qu'un sceptre (Hugo, Pape, 1878, p. 29). B. − [Dans des cont. métaph. faisant réf. à certaines caractéristiques du roseau: fragilité, vulnérabilité, inconstance, minceur, etc.] Ce royal enfant, doux et frêle roseau! (Hugo, Rayons et ombres, 1840, p. 1037).Elle était encore mince, et sa taille était un souple roseau qui semblait toujours balancé par quelque souffle mystérieux (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 212). − En empl. adj. Tu n'étais plus enfant, tu n'étais plus roseau (M. de Guérin, Poés., 1839, p. 79).En a-t-on une veine, d'être roseau comme elle! (...) on n'a pas besoin de faire des marches forcées pour maigrir, au moins? (Gyp, Passionn., 1891, p. 190). − Expr. Il s'appuie sur un roseau. ,,Celui en qui il met sa confiance, n'a pas la force, le crédit, l'autorité nécessaire pour le soutenir`` (Ac. 1835-1935). C'est un roseau peint en fer. C'est une personne de caractère faible sous une apparence ferme. Sous son énergie apparente, il cache un caractère irrésolu (...) C'est un roseau peint en fer (Dumas père, Henri III, 1829, ii, 5, p. 160).C'est un roseau qui plie à tous les vents. C'est une personne ,,qui n'a point de fermeté, qui cède à toutes les impulsions qu'on veut lui donner`` (Ac. 1835-1935). − P. allus. ♦ [à la Bible: Is. XXXVI où l'Égypte est comparée à un roseau brisé qui perce la main de celui qui se fie à elle] Vous [Dieu] percez la main du pêcheur avec le dernier roseau sur lequel elle s'est appuyée! (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 164). ♦ [à Pascal, Pensées, § 200, éd. du Seuil, 1963 [1662], p. 528: « l'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant »: l'homme est un être faible mais dominant la nature par la pensée] Il me faut l'orgueil d'un vaincu très fier, l'orgueil du roseau pensant (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 393).Plais. Une rechute (...) fait de moi un véritable roseau toussant (Verlaine, Corresp., t. 1, 1883, p. 186).V. dépenser rem. ex. de Renard. Prononc. et Orth.: [ʀozo]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. xiies. bot. (Gloss. Tours, 328 ds T.-L.); 2. déb. du xiiies. fig., symbole de la faiblesse, de la vulnérabilité de l'homme (Maurice de Sully, Sermons, éd. C. A. Robson, p. 172); 3. 1701 archit. (Fur.). Dér. de l'a. fr. ros « roseau » (fin du xes. raus, Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 246; ca 1140 ros, Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, 5502 ds T.-L.), lui-même issu d'un a. b. frq. *rausa (germ. occ. *rauza, cf. l'a. h. all. rōr, all. Rohr « id. »). Ros, rosa sont att. au ixes. ds les Gl. de Reichenau (éd. H. W. Klein et A. Labhardt, t. 1, 2007, 40a, 73a, 235a), rauso, rausus dans d'autres gloss. des viiie-xes. (ibid., t. 2, p. 151), pour gloser les lat. arundo et calamus « roseau ». Voir M. Raupach, Die Reichenauer Glossen, t. 2, pp. 110-113, 151-152, 181-183; Guinet, pp. 147-148. Fréq. abs. littér.: 1 300. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 421, b) 2 175; xxes.: a) 1 865, b) 1 174. Bbg. Quem. DDL t. 30. |