| * Dans l'article "ROMPRE,, verbe" ROMPRE, verbe I. − Empl. trans. A. − 1. [Rompre implique l'idée d'une séparation brutale, d'une cassure causée par un choc, une torsion, une traction] Séparer d'un seul coup en deux ou plusieurs parties une chose solide et rigide. Synon. briser, mettre en pièces (v. pièce III B).Rompre une ampoule pharmaceutique, un bâton, la glace (v. infra 3), un mât, le pain. La lettre (...) était pliée de telle sorte, avec un tel luxe de losanges et d'angles, que pour la lire il eût fallu rompre le cachet: or, le cachet était parfaitement intact (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 321). ♦ Rompre le pain. Le partager à la main. L'entretien dura sur ce ton jusqu'au repas, qui fut mélancolique. Il y eut de grands silences pendant lesquels on entendait le bruit du pain que l'on rompt (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 133). ♦ Rompre qqn, rompre l'échine, les os à un condamné. Lui faire subir le supplice de la roue. [Un criminel] fut saisi par la justice, et rompu vif le 13 décembre 1782 (Chateaubr.,Lib. Presse, Opin. Police Presse, 1827, p. 179).Celui-là, lorsque le bourreau lui rompit les os, fut laid à voir et à entendre (Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 676). − P. anal. (souvent à la forme passive). Briser de fatigue. Léopold d'Auverney, dont les travaux de la guerre ne pouvaient rompre le corps, paraissait éprouver une fatigue insupportable dans ce que nous appelons les luttes d'esprit (Hugo,Bug-Jargal, 1826, p. 15).J'ai subi une crise des plus dures − crise de vingt-quatre heures − toute intellectuelle. J'en suis abîmé. Cette fois j'ai eu une peine de tous les diables à me f... de moi. J'en suis rompu (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1908, p. 415). − GRAV. Rompre une planche. La détruire pour empêcher un réemploi. (Dict. xixeet xxes.). 2. Empl. pronom. Se briser, se casser. Mon bambou se rompt sous le poids de mon corps (Borel,Rhaps., 1832, p. 101).Les piques trop faibles se rompaient (Flaub.,Salammbô, t. 1, 1863, p. 108). ♦ P. exagér. Se rompre le cou, les os. Se blesser sérieusement dans une chute. Les rues sont éclairées à l'huile, excepté les nuits où l'on compte sur la lumière de la lune. Si l'almanach se trompe ou si la lune se cache, il est permis à tous les Athéniens de se rompre le cou (About,Grèce, 1854, p. 402).Athanase Georgevitch (...) proposait que l'on se jetât tous par la fenêtre, quittes à se rompre les membres (G. Leroux,Roul. tsar, 1912, p. 135).Se rompre le corps. Se fatiguer à l'extrême. Elle s'est rompu le corps ce matin à la classe de danse, elle sort d'une répétition où les évolutions sont difficiles comme les combinaisons d'un casse-tête chinois (Balzac,Comédiens, 1846, p. 305). ♦ OPT., vx. La lumière se rompt. La lumière se réfracte. (Dict. xixeet xxes.). 3. Expr. fig. ♦ Rompre la glace. Faire les premiers pas dans une entreprise périlleuse; se décider à entrer en conversation avec quelqu'un. Sa femme est moins insipide qu'elle ne le semble. Elle a le cœur gros de l'abandon de son mari, et elle en dit du bien par le besoin qu'elle aurait d'en dire du mal, et l'impossibilité de rompre la glace (Constant,Journaux, 1804, p. 93).Notre hôte n'a pas fait la moindre allusion, et puisqu'il n'a pas rompu la glace, notre position est entière (Augier,Pierre de touche, 1854, p. 108). ♦ Rompre des lances pour qqn. Prendre la défense de quelqu'un. Le célèbre Spallanzani rompait des lances en faveur du « résurrectionnisme » (J. Rostand,La Vie et ses probl., 1939, p. 102): 1. S'il m'arrive encore de rompre des lances pour Musset, ce n'est pas seulement pour son théâtre, qui a le tort de ne nous laisser jamais oublier Shakespeare, et dont je ne suis pas fou (...) mais le Musset des Nuits me désarme encore...
Mauriac,Mém. intér., 1959, p. 56. ♦ Rompre la paille (vx). ,,Rompre tout commerce d'amitié avec quelqu'un`` (Hautel t. 2 1808). Puisque la paille est rompue, puisque, vous et vos amis, vous êtes brouillés avec les juifs (A. France,Anneau améth., 1899, p. 357). ♦ Rompre le pain (avec connotation relig.). Partager son repas (rappelant la Cène). Il la voyait allongée sur le lit. Elle s'était signée. Elle joignait les pieds, et ses yeux, maintenant, étaient pleins de son âme. Elle sentait, elle, que Dieu était là, comme dans les maisons où il entrait pour rompre le pain avec ses amis, en Terre-Sainte (Pourrat, Gaspard, 1931, p. 289). ♦ Rompre la cervelle, le crâne, les oreilles. Importuner par un bruit trop fort, fatiguer. Finiras-tu, reprit Jacques et veux-tu ne pas me rompre la tête de tes sornettes? (Balzac,Annette, t. 2, 1824, p. 23).Ils éclatèrent simultanément d'un rire en cascade (...) guttural, fabriqué, faux (...) qui me rompait le tympan (Arnoux,Zulma, 1960, p. 328). ♦ À tout rompre, loc. adv. À grand bruit, avec grand enthousiasme. Applaudir à tout rompre. Et les dames de s'écrier, et moi d'appeler à tout rompre, et gens d'accourir, et chien d'aboyer (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1831, p. 321). ♦ À rompre la poitrine. (Le cœur, le sang bat) avec une extrême violence. Son cœur battit pourtant à lui rompre la poitrine, lorsqu'un agent de police se présenta à la porte de Berlin pour échanger quelques mots avec M. de Buddenbrock (Sand,Ctessede Rudolstadt, t. 1, 1844, p. 187). B. − [Rompre implique une notion d'arrachement] Briser tout ce qui retient, attache. Rompre un lien, ses amarres. Pascal, par distraction à son travail, venait de rompre la bande d'un journal oublié sur sa table, Le Temps (Zola,Dr Pascal, 1893, p. 9). − P. métaph. Rompre ses chaînes, ses fers, un joug, des nœuds. Calmez un emportement qui peut rompre le dernier fil qui la retient à la vie (Cottin,Cl. d'Albe, 1799, p. 220): 2. ... il fait tout ce qu'il faut pour qu'une ère nouvelle puisse apparaître, d'une manière presque mécanique, et qu'elle puisse rompre tout lien avec l'idéologie des temps actuels, malgré la conservation des acquisitions de l'économie capitaliste.
Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 113. ♦ Empl. pronom. Le chef-d'œuvre du démon est de nous faire tirer nous-même sur la corde jusqu'à ce qu'elle se rompe (Green,Journal, 1939, p. 178). C. − [Rompre implique la notion de destruction, de dislocation] Provoquer la rupture de tout ce qui constitue un obstacle, un dispositif, une position. Illustre serviteur de Marie, hâtez-vous de m'apprendre quel ordre souverain vous a fait descendre dans ces grottes mobiles. Les temps sont-ils accomplis? Faut-il rassembler les nuages? Faut-il rompre les digues de l'océan? Abandonnant l'univers au chaos, doit-je remonter avec vous dans les cieux? (Chateaubr.,Martyrs, t. 2, 1810, p. 234).L'empereur se croit décidément inférieur aux Français du côté des talents, et c'est par cette raison qu'il a imaginé de limer leur force au lieu de la rompre (J. de Maistre,Corresp., 1812, p. 152). − Au fig., fam. Rompre les ponts. Cesser toute relation avec quelqu'un. Sabin a tout lâché, rompu les ponts (Arnoux,Paris, 1939, p. 49).V. pont I A 2 b. − TECHN. MILIT. Rompre l'encerclement, le front, les lignes ennemies. Boursouq comprit qu'il ne pourrait rompre ce front. Il feignit de renoncer à son entreprise (Grousset,Croisades, 1939, p. 97). ♦ Rompre les rangs. Se disperser. Rompez les rangs! Rompez! (v. infra II B).Je croyais qu'ils [les fédérés] allaient tout casser (...) mais leur chef (...) leur fit ce petit discours: « Le premier cochon qui touche quelque chose, je lui brûle la gueule... Rompez les rangs! » (A. Daudet,Contes lundi, 1873, p. 180).On leur avait fait mettre l'arme au pied, avec défense de rompre les rangs et de s'asseoir (Zola,Débâcle, 1892, p. 123). − Empl. pronom. L'aumônier les bénit, leur donna l'absolution; puis l'armée se rompit en colonnes (Morand,Parfaite de Saligny, 1947, p. 172). D. − [Rompre implique la notion d'interruption, de cessation] Arrêter, faire cesser, mettre un terme à. Rompre le cours, l'effort, l'équilibre, la monotonie, la violence. [Edmée] résolut de décider son père à rompre un peu l'habitude de notre vie et à transporter notre établissement à Paris (Sand,Mauprat, 1837, p. 176): 3. Toutes ses illusions étaient perdues, qu'il [Sieyès] en nourrissait peut-être une encore: c'était qu'on adopterait enfin cette Constitution-modèle qu'il avait de longue main élaborée, qui devait rompre le flot de la démocratie en le divisant...
Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 5, 1851, p. 213. ♦ CHASSE. Rompre les chiens. ,,Faire cesser leur poursuite, les empêcher de suivre la voie empaumée`` (Burn. 1970). Au fig. Détourner, interrompre des propos. Il aurait voulu s'expliquer, il lui semblait que cette brouille ne serait vraiment liquidée que s'ils en parlaient à cœur ouvert; et il était tout prêt à reconnaître ses torts. Mais de nouveau, Dubreuilh rompit les chiens (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 485). ♦ ESCR. Rompre la mesure. Reculer en parant. Rompre la mesure à son adversaire. Empêcher son attaque. Chicot, tirant l'épée à son tour: Tenez, c'est là que je vous toucherai (...) Nicolas David, étonné, rompt quelques mesures: Ah! ah! vous ne vous attendiez pas à cela? (Dumas père, Dame Monsoreau, 1846, iii, 6, p. 232).Rompre la semelle. Reculer de la longueur du pied. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Rompre un dessein, un projet. On entrevoit même, à cet instant inespéré, un plan tout à fait grandiose et souriant (...) que les événements rompirent (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 2, 1842, p. 312). ♦ Rompre un entretien, la colère, le sommeil de qqn. Mademoiselle avait calculé cela peut-être pour piquer Gaspard, peut-être pour rompre une conversation trop difficile (Pourrat,Gaspard, 1931, p. 207). ♦ Rompre le silence. Mettre fin à un temps de silence en se décidant à prendre la parole. « On ne parle pas de la guerre, à Lunéville? » demanda-t-il, pour rompre le silence (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 210). ♦ Rompre l'équilibre, la monotonie, l'uniformité. Les jardins qu'il aménage sont beaux; mais pouraient l'être bien davantage. Le plus souvent il saccage, souille et rompt l'harmonie (Gide,Feuillets d'automne, 1949, p. 1085). ♦ PEINT. Rompre les couleurs. Atténuer l'éclat des couleurs en y mêlant d'autres teintes: 4. Les filles d'Arles s'habillent: toutes leurs harmonies sont assez bonnes. Ce sont des atténuations de couleur avec le noir. Les couleurs doivent être rompues et doivent dans l'harmonie ne pas lutter d'intensité avec le noir. Des verts atténués, des gris tourterelle et des bleus cendrés.
Barrès,Cahiers, t. 2, 1898, p. 80. ♦ Rompre une amitié, une liaison, des relations. Certains [pays riverains africains] ont été jusqu'à bloquer momentanément les avoirs français ou même rompre leurs relations diplomatiques avec la France (Goldschmidt,Avent. atom., 1962, p. 144). ♦ Rompre un accord, un traité, un pacte, un engagement, un serment, ses fiançailles, ses vœux; rompre un marché. Le résilier. Si demain, avant dix heures, je ne reçois point votre consentement, tremblez tous, un seul mot peut rompre le mariage que vous projetez, et ce mot je le dirai (Gilbert de Pixer.,Coelina, 1801, i, 17, p. 24).Empl. pronom. J'avais le délire et je disais, paraît-il, des choses si énormes, que le mariage se rompit pour de bon cette fois (Arène,J. des Figues, 1870, p. 145).Je n'ai pas appris d'elle [ma mère] qu'entre mères et enfants un amour indéformable et rigide, qu'on nomme sacré, ne se rompt qu'au prix de malédictions ou d'un grand bruit injurieux (Colette,Pays connu, 1949, p. 53). ♦ Rompre son ban (vieilli). Fuir le lieu de son internement; revenir au lieu de résidence où l'on est interdit de séjour. J'ai entendu le docteur Rambo dire qu'il n'a pas un an de vie; Dieu le punit d'avoir rompu son ban en se sauvant traîtreusement de la citadelle (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 472). ♦ RELIG. Rompre le jeûne. Ne pas respecter le temps du jeûne. Rompre le carême. Rompre le sabbat, c'est-à-dire aller à la campagne le dimanche, est un des plus grands péchés aux yeux des méthodistes (Stendhal,Corresp., 1826, p. 435). E. − Rompre qqn à qqc.; qqn à + inf.L'entraîner à. Je sors de chez MmePallard à minuit et demi, j'y ai perdu 9 livres et ne m'y suis guère amusé; mais cela me rompt à la société; j'y suis encore bien loin du sang-froid désirable (Stendhal,Journal, 1806, p. 263).Empl. pronom. [Gibbon] se rompit à écrire correctement tant en français qu'en latin (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 8, 1853, p. 442). − [Le compl. d'obj. dir. désigne un être vivant] Faire, façonner en vue d'une pratique, d'un exercice particulier. − Que pensez-vous de mon alezan, mon cher marquis? demanda Mehlen (...). − Il manque peut-être un peu d'étoffe (...) Il n'a jamais chassé? − Il s'y fera, dit Mehlen, comme eût dit d'un adversaire: je le romprai (Vialar,Bien-aller, 1952, p. 93). II. − Empl. intrans. A. − Se séparer d'un coup en deux ou plusieurs parties. Et si les échelons rompent, est-ce donc à dire que nous soyons rompus? (Barrès,Amit. fr., 1903, p. 253). − Expr. proverbiale. [P. allus. à la fable de La Fontaine: Le Chêne et le roseau, livre I, XXII] Plier mais ne pas rompre. P. antiphr. Je ne plie pas, mais je romps (Renard,Journal, 1906, p. 1057). B. − Abandonner un certain ordre, céder du terrain, refuser le combat. Rompez! (v. rompre les rangs, supra I C).Comme Levraut s'approchait, il lui adressa seulement un coup de pied (...) Le chien para en rompant (Renard,Lanterne sourde, 1893, p. 112).À dix heures, alors que rompre, c'eût été avouer la victoire des Français, il ordonnait de ne pas accepter le combat (Barrès,Scènes et doctr., t. 2, 1902, p. 135). − ESCR. Rompre d'une semelle. Reculer en plaçant un pied derrière l'autre; p. ext., reculer. Inutiles efforts de Julien pour faire rétrograder son siècle: le temps ne recule point, et le plus fier champion ne pourroit le faire rompre d'une semelle (Chateaubr.,Ét. ou Disc. hist., t. 1, 1831, p. cxii).J'y crèverai! (...) mais, les cent mousquetaires y fussent-ils ensemble, je ne romprai pas d'une semelle (Dumas père, Jeunesse Mousquet., 1849, i, 2, p. 42). ♦ P. anal., BOXE. Reculer devant l'adversaire. (Ds Petiot 1982). C. − Mettre brusquement un terme (à des relations, un propos, un entretien, etc.). Et moi je sais aussi dissimuler sans doute? Monsieur Alfred n'est pas un rival qu'on redoute? Mais j'entends quelque bruit; − (et rompant là-dessus): Vite, séparons-nous de peur d'être aperçus (Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr., 1828, p. 107). − [En parlant d'amants, d'amoureux] Mettre fin à une liaison, se séparer. Rompre avec qqn. Il ne faut pas croire que de rompre avec une femme dont l'inconséquence est notoire et qui ne veut pas m'épouser, puisse former le sujet d'une accusation positive (Constant,Journaux, 1803, p. 48).C'était la fin. Elle le savait. Elle voulait rompre (A. France,Lys rouge, 1894, p. 71).[Plus gén. en parlant d'amis] Synon. se brouiller, couper les ponts (v. pont I A 2 b).« Gérard de Nerval n'était pas de sa nature assez fort pour avoir le goût de la solitude, le plus fier plaisir des âmes fortes. » Rompre avec ses adversaires, puis sans les rejoindre, rompre encore avec ses amis (Barrès,Cahiers, t. 5, 1906, p. 43). − Rompre avec qqc.Rompre avec ses habitudes, avec les traditions. Que serait-ce donc s'il pouvait (...) renaître pour l'avenir sans rompre avec le passé! (Staël,Corinne, t. 1, 1807, p. 95). D. − Au fig. Rompre en visière à, avec qqn ou qqc. Prendre violemment à partie quelqu'un ou quelque chose. D'ailleurs, Diane rompit en visière aux projets de la reine [Catherine de Médicis], en coquetant avec les Guise et donnant sa fille au duc d'Aumale (Balzac,Cath. de Médicis, Introd., 1843, p. 43): 5. Pendant des jours entiers, après avoir si longtemps cherché à se concilier son quartier et ses relations, il rompait en visière avec eux. En apparence, au moins, il se retirait alors du monde et, du jour au lendemain, se mettait à vivre dans la sauvagerie.
Camus,Peste, 1947, p. 1445. REM. Rompeur, -euse, adj. et subst.[En parlant d'une chose] (Celui, celle) qui peut rompre. La providentielle peau de banane (...) un peu plus écrasée mais toujours prête à son office sournois de rompeuse de membres (...) de luxatrice d'articulations (Arnoux,Double chance, 1958, p. 212). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɔ
̃:pʀ
̭], (il) rompt [ʀ
ɔ
̃]. Homon. rond et formes de rompre. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. Ind. prés. je romps, tu romps, il rompt, nous rompons, vous rompez, ils rompent; imp. je rompais; passé simple je rompis; fut. je romprai; impér. romps, rompons, rompez; subj. prés. que je rompe; subst. imp. que je rompisse; part. prés. rompant; part. passé rompu, -ue. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) fin xes. « mettre en pièces, briser » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 231);
α) 1541 terme biblique rompre le pain (Calvin, Institution chrétienne, IV, 17, éd. J.-D. Benoit, t. 4, p. 384: L'Apostre dit que le pain que nous rompons est la communion du corps de Christ);
β) 1601 rompre la glace fig. « faciliter l'issue d'une affaire difficile » (Ol. de Serres, Préf. ds Gdf. Compl.);
γ) 1612 rompre des lances (R. de Menou, La Pratique du cavalier, 4epartie, ch. 14 ds Livet Molière, p. 54); fig. 1718 rompre une lance pour qqn (Ac.);
δ) 1648 rompre en visière qqn fig. (Scarron, Roman comique, I, 13); ε
) 1686 rompre les chaînes fig. (Bossuet, Le Tellier ds Littré); ζ
) 1694 rompre le fil d'un discours (Ac.); b) ca 1150 « déchirer » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 857); c) 1527 à tout rompre « tout au plus » (Seyssel, tr. Thucydide, VII, 5 ds Hug.); d) 1549 fig. rompre les oreilles à (Est.); e) ca 1590 rompre qqn à « le plier à la pratique de quelque chose » (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, 154); 2. a) 1100 « séparer en deux par la force » (Roland, éd. J. Bédier, 1265); b) α) 1253 rompre une terre « donner un premier labor à une terre en friche » (Chart. de Guill. Maengo, de la Seigneur. de Surgères ds Du Cange, s.v. rumpere);
β) 1508 « défoncer un ouvrage » (Comptes du chateau de Gaillon, 108 ds IGLF); c) α) ca 1470 « rendre une voie impraticable en la défonçant » (Georges Chastellain, Chroniques, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 2, p. 96);
β) 1723 typogr. rompre une planche (Savary); d) ca 1470 « pénétrer dans un dispositif ennemi » (Georges Chastellain, op. cit., p. 267); e) α) id. « dissoudre un groupement » rompre une armée (Id., ibid., t. 1, p. 273);
β) 1673, nov. « mettre fin à une assemblée » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, p. 615); 3. a) ca 1155 « interrompre les effets d'un engagement » (Wace, Brut, 2361 ds T.-L.); b) ca 1165 « cesser de respecter une prescription » (Benoît de Ste-Maure, Troie, 13893, ibid.); 4. a) 1258, mars « arrêter le cours de l'eau » (Chartes de la Haute-Marne, éd. J. G. Gigot, p. 85); b) 1470 rompre le coup « rendre sans effet » (Georges Chastellain, op. cit., t. 3, p. 158); c) 1561 terme de chasse rompre les chiens (Du Fouilloux, La Vénerie, fol. 39 ds Tilander Nouv. Mél., p. 21); d) 1665 rompre les mesures (Cardinal de Retz, Mém., éd. A. Feillet, I, 96); 1721 terme d'escr. (Trév.); 5. a) 1680 « changer de couleur par l'action de l'air (du vin) » (Rich. t. 2); b) 1723 rompre la laine (Savary); 1762 rompre une couleur (Ac.). B. Verbe intrans. 1. ca 1145 « se briser » (Wace, Conception Notre-Dame, éd. W. R. Ashford, 76); 1530 se plier que de rompre (Palsgr., p. 660); 2. 1370 « interrompre brusquement des relations existantes » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, 452); 3. 1661 rompre en visière à qqn (Molière, École des Maris, I, 4). C. Verbe pronom. 1. ca 1400 « ruiner » (Eustache Deschamps, Balade, éd. G. Raynaud, VII, 140); 2. déb. xvies. « se briser, se casser » (Jean Molinet, Chroniques, 299, éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t. 2, p. 509); 3. 1534 se rompre le coul (Rabelais, Gargantua, 43, éd. R. Calder et M. A. Screech, p. 255); 4. 1628 « cesser brusquement de se manifester » (Malherbe, Questions Naturelles de Sénèque, I, 1, éd. M. L. Lalanne, I, 477); 5. 1653 « éclater contre un obstacle en parlant d'une masse d'eau » (Vaugelas, Quinte Curce, Livre six, ch. IV ds Rich. t. 2); 6. 1690 « donner une image réfractée » (Fur.). Du lat. rumpere « briser, casser avec force »; « rompre avec une idée accessoire d'arrachement, d'éclatement ». Rumpere s'emploie au sens physique comme au sens moral (v. Ern.-Meillet). Fréq. abs. littér.: 3 433. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 918, b) 4 460; xxes.: a) 5 032, b) 4 985. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1976, t. 40, p. 234. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 264-265. − Quem. DDL t. 6, 18, 21. |