| * Dans l'article "RISQUER,, verbe trans." RISQUER, verbe trans. A. − [Le suj. désigne une pers.] 1. Exposer (un bien) à un risque. Risquer sa fortune, son bonheur, sa réputation, son existence, son honneur, sa tête; risquer gros; risquer son argent au jeu. En brisant vos chaînes sans en avoir reçu l'ordre de Saladin, je risque ma vie sans doute, mais combien je me croirois heureux que Mathilde me demandât un pareil sacrifice! (Cottin,Mathilde, t. 1, 1805, p. 178): 1. Mais le principal, c'est que Joanny n'aura pas la mauvaise note qui eût fait disparaître son nom du tableau d'honneur. Comme un joueur qui a risqué le fond de sa bourse et qui a enfin gagné, il reste un peu étourdi, trop joyeux pour que sa joie éclate d'abord.
Larbaud,F. Marquez, 1911, p. 81. ♦ Pop. Risquer sa peau. Ce bonhomme (...) ôta sa pipe de sa bouche (...) et la mettant à sa poche: − Si le curé risque sa peau, dit-il, je risque la mienne! (Feuillet,Sibylle, 1863, p. 97). − Fam. Mettre (une partie de son corps) à un endroit où il y a un risque d'être surpris. Paul et Cécile venaient de se lever, et il lui avait fait risquer un œil à la serrure (Zola,Germinal, 1885, p. 1316). − Expr. et proverbes ♦ Qui ne risque rien n'a rien. On ne peut obtenir de succès sans prendre de risque. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Risquer le tout pour le tout. S'exposer à perdre ce que l'on a engagé, pour gagner beaucoup. C'est alors qu'Henry risque le tout pour le tout et fabrique son faux, à la veille de l'interpellation Castelin (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p. 533). ♦ Qui risque gagne. ,,Seule l'acceptation du risque donne des chances sérieuses de gagner`` (Rey-Chantr. Expr. 1979). 2. S'exposer ou être exposé à quelque chose qui constitue un risque. Risquer un accident; risquer la prison. Et tout cela pour le mettre à même d'assassiner son prochain, sans risquer l'échafaud (Huysmans,À rebours, 1884, p. 224): 2. Un matin que Taüber (qui disputait à Bock l'honneur de nous amener au travail) m'avait entrepris une fois de plus sur les raisons de notre abstention, je lui avais dit pour me débarrasser de lui: « Pourquoi voulez-vous que nous allions risquer la mort dans vos usines qui sont bombardées, alors que nous pouvons demeurer en sécurité au stalag? »
Ambrière,Gdes vac., 1946, p. 343. − Risquer de + inf.Courir le risque de, s'exposer à. Personne n'a le droit de pénétrer assez profondément dans la conscience d'autrui pour y distinguer l'accessoire du principal; en cherchant à extirper les croyances que l'on croit superflues on risquerait d'atteindre les organes essentiels de la vie religieuse et de la moralité (Renan ds Barrès, Cahiers, t. 4, 1906, p. 183).Mais je me laisse aller et je risque de donner trop d'importance à cet honnête homme. Car, pour finir, il n'a eu qu'une influence directe sur ma détermination (Camus,Peste, 1947, p. 1419). 3. Tenter quelque chose qui comporte des risques; tenter une chose douteuse. Nous nous félicitâmes d'avoir risqué une course dans une partie de la Galilée si redoutée et si peu connue (Lamart.,Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 328).Il me dit (...) qu'il regrette presque maintenant de ne pas avoir tenté sa chance aux élections qui viennent d'avoir lieu; qu'il avait une occasion (...) et qu'il aurait peut-être risqué le coup s'il avait pu supposer que l'affaire d'Amérique ne marcherait pas (Romains,Hommes bonne vol., 1939, p. 116). ♦ P. plaisant. Léon (...) vient s'asseoir souvent à notre table et risque des cravates déconcertantes, des gilets vifs (Colette,Cl. s'en va, 1903, p. 110). ♦ Fam. Risquer le paquet*. 4. Introduire avec plus ou moins de force, de conviction un avis, un mot, une question, une opinion au risque d'être mal accueilli ou incompris. − Il ne dit pas un mot, dit la vieille Zéphirine, on ne sait ce qu'il a (...) − Il est amoureux, dit le chevalier en risquant cette opinion avec une excessive timidité (Balzac,Béatrix, 1839, p. 239).On sait comment Jean-Jacques Rousseau devint secrétaire de M. Dupin, et habita Chenonceaux avec eux, comment il devint amoureux de Madame Dupin, qui était belle comme un ange, et comment il risqua imprudemment une déclaration qui n'eut pas de succès (Sand,Hist. vie, t. 1, 1855, p. 45). B. − [Le suj. désigne une chose] Exposer ou être exposé à un risque. Un souffle plus caressant et plus tiède vous permet d'entr'ouvrir votre manteau; l'olivier risque à l'air, sans frissonner, son triste et glauque feuillage (Gautier,Italia, 1852, p. 328). − Risquer de + inf.Ce qui est fort triste, c'est la gelée qui a perdu les vignes de ce pauvre petit endroit et qui risque de compromettre la récolte en fruits (Delacroix,Journal, 1854, p. 177). C. − [Sans idée d'inconvénient, pour exprimer une idée de probabilité] Risquer de.Avoir une chance de. Vous risquez de gagner gros. Il a fallu (...) retenir surtout les faits, les chiffres et les suggestions qui risquent d'être encore utiles (Camus,Essais, Actuelles III, 1965 [1958], av.-pr., p. 891). Rem. Cet empl. est condamné par Dupré 1972 et encore par Hanse Nouv. 1983, mais l'affaiblissement de l'idée de « danger » était déjà relevée par Colin 1971. D. − Empl. pronom. [Le suj. désigne une pers.] 1. S'exposer en prenant conscience du risque encouru. Ce n'est que dans trois heures, quand il fera tout à fait nuit, que l'on pourra se risquer dehors sans être puni (Barbusse,Feu, 1916, p. 155). ♦ P. métaph. D'autres [des rayons] se risquent dans l'épaisseur de la forêt vierge (Larbaud,Enfantines, 1918, p. 136). − Se risquer à.Se décider à entreprendre quelque chose malgré les conséquences désagréables que l'on envisage; se hasarder à. Aucun de ces chambellans mêmes ne se risquerait à faire, comme ministre, ce qu'il soutiendrait comme courtisan (Staël,Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 168). 2. Au fig. S'avancer. Je vais ici me risquer beaucoup. Je dis qu'on peut la considérer d'un tout autre regard et prétendre que cette brève et forte expression de la personnalité de l'auteur n'a aucun sens (Valéry,Variété V, 1944, p. 230). Prononc. et Orth.: [ʀiske], (il) risque [ʀisk]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1577 se risquer empl. abs. « s'exposer à une chance douteuse » (G. Meurier, Trésor des sentences ds Proverbes fr., éd. Leroux de Lincy, t. 2, p. 400); 1604 risquer qqc. (Montchrestien, La Cartaginoise, IV, éd. Petit de Julleville, p. 144: Mais conçoy dans toy mesme une double envie De risquer pour ton bien tes moyens et ta vie); spéc. loc. 1694 risquer le paquet (La Fontaine, Fables, l. XII, éd. H. Régnier, t. 3, p. 355); id. risquer le tout pour le tout (Ac.); 2. id. « s'exposer à un résultat fâcheux » (ibid.: vous risquez de beaucoup perdre, pour peu gagner); 3. 1736 « soumettre (un écrit, une opinion, un geste, etc.) au hasard d'un insuccès » (Destouches, Le Tambour nocturne, préf. ds Comédies, éd. 1836, p. 780: [M. Addison] fit une comédie [...], mais il n'osa la risquer de son vivant); 4. 1862 risquer son regard « regarder avec précaution, en craignant d'être surpris » (Hugo, Misér., t. 1, p. 547). Dér. de risque*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 3 524. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 471, b) 3 754; xxes.: a) 4 805, b) 7 976. DÉR. 1. Risquable, adj.[En parlant d'une chose] Qui comporte un risque. J'aimerais mieux, nous dit Berger, descendre de roche en roche jusqu'au fond de ce précipice, que de passer dans d'autres endroits qui vous paraîtraient moins risquables (Dusaulx,Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 244).Rare. Que l'on peut tenter avec quelque chance de succès. Affaire, coup, projet risquable. [Le général Humbert, ex-paysan, Vosgien: Marcher contre les Anglais] c'est ène vraie guerre de sainteté. Et pas risquabe [sic]! (Il montra le Cœur [de Hoche]). Je le jure sur c'te relique (D'Esparbès,Bris. fers, 1908, p. 79).− [ʀiskabl]. Att. ds Ac. 1762-1878. − 1reattest. 1716 (Marivaux, Iliade travestie, L. VIII ds
Œuvres, éd. 1781, t. 10, p. 424; cf. Fr. Deloffre, Marivaux et le marivaudage, Paris, 1955, p. 296); de risquer, suff. -able*. 2. Risqueur, -euse; risqueux, -euse, adj. et subst.(Celui, celle) qui prend un risque, des risques. [Les travaux ennuyeux et faciles de la vie humble] sont pénibles et quelquefois rebutants. Le risque qui émane d'eux fait atteindre la risqueuse à la grandeur morale, la soustrait à ses hérédismes les plus généreux et personnalise ses vertus (L. Daudet,Hérédo, 1916, p. 183).Dans le mariage aussi il faut prévoir comment on se fera évacuer. − Vous n'êtes guère risqueur (Montherl.,Démon bien, 1937, p. 1249).[Des rustres] citaient de grands précédents: − M. de la Roche-saint-André n'était pas plus risqueux, ni plus chaud que vous pour prendre le fusil, monsieur le marquis; ses fermiers vous l'ont emmené de force à travers la lande, tel comme ils l'avaient trouvé lové au château, en robe de chambre (Morand,P. de Saligny, 1947, p. 158).− [ʀiskœ:ʀ], [-kø], fém. [-ø:z]. − 1resattest. a) risqueur 1916 subst. (L. Daudet, L'Hérédo, p. 146), 1934 adj. (Morand, Fr.-la-Doulce, p. 18), b) risqueux
α) 1771 « périlleux » (Abbé Raynal, Hist. philos. des Indes, t. 1, p. 348 ds Brunot t. 6, p. 374, note 3),
β) 1947 « qui prend des risques » (Morand, loc. cit.); de risquer, suff. -eur2*, -eux*. |