| RICHE, adj. A. − 1. [En parlant d'une pers. ou d'un ensemble de pers.] Qui a de la fortune, qui possède des biens en abondance, qui a beaucoup d'argent. Synon. fortuné, nanti, richard (fam.), rupin (pop.).Un riche bourgeois, particulier, parvenu, propriétaire. Elle était riche à présent, ayant hérité de grosses sommes de son père et de sa mère (...), je l'interrogeai sur sa fortune. Elle en parla aussitôt en femme pratique, sûre d'elle, sûre des chiffres, des titres, des revenus (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Divorce, 1888, p. 1100).V. honnête ex. 1. ♦ Classe riche. Ensemble des personnes possédant des biens, de la fortune, ayant un niveau social élevé. Tout ce que je lis, tout ce que j'observe continue à me prouver qu'à notre époque il y a, entre les classes riches et les classes pauvres, les lettrés et les illettrés, les savants et les primaires, un effrayant déséquilibre (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 35). − P. ext. Qui possède un peu d'argent par rapport à quelqu'un qui est dans un état de dénuement. Pourquoi n'est-elle pas riche? Parce que son père n'a pas volé. Qu'est-ce qu'être riche au fond? C'est avoir dans sa poche ce avec quoi le voisin se serait acheté un paletot s'il n'avait pas eu la sottise de se le laisser prendre (Mallarmé, Corresp., 1862, p. 55).V. nourrir ex. 2. ♦ Qui possède ce qui a beaucoup de valeur pour lui. J'ai promis de remplir mes devoirs envers toi. Je te tenais dans mes bras; j'étais fière et humble, j'étais mère. J'étais si riche! Comment ne pas sentir ce cœur qui s'enorgueillissait de toi (Krüdener, Valérie, 1803, p. 254). − Riche à/de.Dont la fortune s'élève à. Être riche à (plusieurs) millions. Cécile de Marville se marie avec un jeune allemand qui se fait banquier par humanité, car il est riche de quatre millions (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 86).Il fut nommé adjoint au maire de Saint-Margelon, eut une obligation à lots qui lui rapporta dix mille francs, et un peu plus tard devint conseiller général. On disait qu'il était riche à deux cent mille francs (Aymé, Jument, 1933, p. 34).V. décati ex. 2. − Locutions ♦ Riche comme Crésus*, un crésus. ♦ Riche parti. Personne à marier qui a de la fortune. Prétendre à un riche parti. Un de ses premiers actes fut de donner douze cents francs de rente viagère à Nanon, qui, possédant déjà six cents autres francs, devint un riche parti. En moins d'un mois, elle passa de l'état de fille à celui de femme (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 225). ♦ [P. méton.] (Faire un) riche mariage. (Épouser) quelqu'un qui a des biens, de la fortune. Elle est riche assurément? Un Meximieu ne peut faire qu'un mariage riche. − Oui. Elle a tous les millions qu'elle veut. Elle se baisse, elle les prend (R. Bazin, Blé, 1907, p. 220).C'était un beau et riche mariage. Le mari avait vingt-cinq ans. C'est ainsi qu'elle était devenue Mmede Warens, mais non pas « baronne » ni « comtesse », comme il lui plut de se faire appeler (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p. 44). 2. Empl. subst. masc., rare au fém. Les habitudes et le caractère des patriciens étaient tels qu'ils ne pouvaient pas avoir de mépris pour un riche, fût-il de la plèbe (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 389). ♦ Péj. Gosse* de riche(s); enfant, fils de riche(s). Que suis-je à vos yeux? Le « précepteur » ainsi que me désignait avec mépris ce petit Anglais, ce fils de riche (Mauriac, Asmodée, 1938, iv, 13, p. 176). ♦ Nouveau* riche. [À propos d'un pays ou d'un peuple] Synon. parvenu.Après la découverte de l'Amérique, l'Atlantique devint le grand centre de la navigation: Portugais et Espagnols, Hollandais et Anglais furent les peuples nouveaux riches (Albitreccia, Gds moyens transp., 1931, p. 114).Au fém. Le type de Madame Angot est un type populaire, dans le genre de Robert Macaire ou de Joseph Prudhomme: c'est la « nouvelle riche », la parvenue qui se trouve désaxée entre sa fortune subite et ses manières de mauvais ton (L. Schneider, Maîtres opérette fr., 1924, p. 157). ♦ Le mauvais riche. [P. allus. à l'Évangile] Celui qui refusa de secourir le pauvre Lazare: N'est-il pas vrai que l'Évangile de S. Luc renferme une certaine parabole du mauvais riche et du Lazare, et que, dans cette parabole, « le mauvais riche étant en enfer (...) et dans les tourments, leva les yeux, et vit de bien loin Abraham et Lazare dans son sein »; qu'il supplia Abraham de lui envoyer Lazare, « afin que celui-ci trempât dans l'eau le bout de son doigt pour lui rafraîchir la langue; car le mauvais riche était extrêmement tourmenté dans cette flamme... »
P. Leroux, Humanité, 1840, p. 770. − Empl. subst., au plur. L'ensemble des gens riches. Faire payer les riches. Ils ne voulaient rien lui devoir; ils l'avaient congédié en lui payant largement ses gages. Oh! Les misérables! (...) Les riches sont ainsi: ils se servent de leur argent pour blesser ceux qu'ils méprisent (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 200). ♦ Expr. proverbiale. On ne prête qu'aux riches. V. prêter I A 1. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de coll. [Dans la spoliation] Le pauvre devient toujours plus pauvre, le riche toujours plus riche (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 114).V. pauvre ex. 3. ♦ Le riche en esprit (p. oppos. au pauvre en esprit). Celui qui a une mentalité de personne riche. Je sens aussi qu'il y a toujours quelque chose dans ma colère lorsqu'on me force à parler du riche − du vrai riche, du riche en esprit − le seul riche, n'eût-il en poche qu'un denier − l'homme d'argent, comme ils l'appellent... un homme d'argent! (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1082). B. − [P. méton., en parlant d'une zone géogr., d'un pays] Qui est habité, occupé par des personnes possédant des biens, de l'argent; dont la situation financière ou économique est prospère. Quartier riche; état riche; nation riche. Placé au débouché des plus riches provinces chinoises, Chang-Haï exporte surtout la soie et le thé, importe la houille, les produits manufacturés, les cotonnades (Albitreccia, Gds moyens transp., 1931, p. 126). C. − P. ext. 1. Qui a beaucoup de valeur, de prix. Maison riche; un riche appartement, bijou, boudoir, château, tapis; une riche reliure, toilette; riches broderies. Il eut conscience d'un changement autour de lui. Il examina la riche salle à manger, avec son haut plafond décoré, ses Gobelins, son dressoir éblouissant d'argenterie (Zola, Nana, 1880, p. 1352). − Loc. fam. ♦ Ça fait riche. Les étrangers à chiqué (...) réclament à l'hôtel une étiquette pour leur valise, si on l'a oubliée, parce que cela fait riche d'avoir des bagages bariolés (Montherl., Pte Inf. Castille, 1929, p. 593). ♦ Ce n'est pas riche. Cela ne vaut pas grand chose. Les locataires qui faisaient un peu de cuisine, s'agenouillaient devant la cheminée, où se trouvait un fourneau de terre. − Mon Dieu! disait le vieillard, ce n'est pas riche, mais la fenêtre est gaie, on voit le monde dans la rue (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 563).J'avais un manège de chevaux de bois pour enfants, des vrais chevaux de bois qui me venaient de mon père, c'était pas riche, je vous assure (Queneau, Pierrot, 1942, p. 46). ♦ C'est (bien) riche! (rare). Le grand luxe des hôtels particuliers, qu'elle entrevoyait au fond des parcs, l'étonnait. À plusieurs reprises, elle ralentit, se murmurant à elle-même: « Mon Dieu, c'est bien riche, bien beau!... » (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 267). 2. Qui est en grande quantité, abondant. Riche feuillage, végétation. Leur hôte se croyait en mesure de les contenter avec une belle et riche plantation de mûriers. Mais ceci n'est rien encore. Vous leur apportez des forêts et ils demandent toujours (Michelet, Insecte, 1857, p. 131). − Riche en + subst.Qui possède beaucoup de, qui abonde en. Riche en diplômes, en illusions; semaine riche en événements. Je ne suis pas assez riche en exemplaires pour en envoyer à M. Grand-Besançon; mais vous lui prêterez le vôtre (Balzac, Corresp., 1832, p. 733).Quand on était riche en saindoux, on se payait un régal: des frites de betteraves. C'était sucré, fade et gras (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 333). − P. métaph. Riche de + subst.Tu n'es pas seulement riche d'argent, comprends-le, tu es riche aussi de ta maison de petit garçon, de ta longue tranquillité et de celle de tes grands-pères... Tu es riche de ta joie de vivre qui n'a jamais eu à attaquer ni à se défendre, et puis de son talent aussi (Anouilh, Sauv., 1938, ii, p. 210). 3. Qui contient, enferme une grande quantité d'éléments d'une ou de plusieurs sortes. Aliment, ciment riche; un riche tissu nerveux; minerai, sang riche; riche gisement; riche bibliothèque. Son atelier présente une riche collection [de meubles] que les étrangers s'empressent de visiter (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 97).Le climat joue un rôle important dans la production de la betterave riche et de récoltes abondantes (Rouberty, Sucr., 1922, p. 18). − Riche en + subst.Eau riche en calcium; aliment riche en eau; légume riche en vitamines; mélange (trop) riche en carburant. Cette prison dont j'ai parlé n'a qu'une seule fenêtre qui donne de mon côté. En général, les prisons ne sont pas riches en fenêtres (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 69). − Riche de + subst.Descendant, d'escale en escale, du Paraguay, comme d'un adorable jardin riche de fleurs, de maisons basses et d'eaux lentes, l'avion glissait en marge d'un cyclone qui ne lui brouillait pas une étoile (Saint-Exup., Vol nuit, 1931, p. 135). − En partic. ♦ [En parlant d'un son] Qui est composé de différents éléments. Riche orchestration; voix riche. Ce que nous appelons un son riche, chaud, qu'il s'agisse d'une voix ou d'un instrument, c'est un son (...) accompagné par un certain nombre d'harmoniques, dont nous n'avons pas la perception distincte, mais qui lui donnent sa couleur caractéristique (Lavignac, Mus. et musiciens, 1895, p. 16). ♦ [En parlant d'une couleur] Qui est composé de plusieurs nuances éclatantes et variées. Ton riche. Les riches couleurs de l'aurore, d'automne. Les dernières feuilles des tilleuls étaient jaunies; celles des vignes étaient parées des plus riches teintes de pourpre (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 204). − Spécialement ♦ AGRIC. [En parlant du sol] Fertile, qui produit beaucoup. Terrain, terre riche; riche campagne, plaine, vallée. Le Madon à Mirecourt, la Moselle à Charmes, la Meurthe à Saint-Nicolas, la Seille à Château-Salins pénètrent dans cette zone, qui est celle du plus riche sol de la Lorraine (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 202). ♦ INDUSTR. CHIM. Gaz riche. Gaz qui contient une grande proportion de vapeurs inflammables. Actuellement, en raison de l'amélioration de la construction des cokeries, moins exigeantes pour leur chauffage, par suite également de l'emploi, pour cet usage, de gaz pauvre et de gaz de hauts fourneaux, des disponibilités en gaz riche apparaissent (Industr. fr. engrais chim., 1954, p. 34). ♦ GÉOL. [En parlant de couches minérales] Qui contiennent beaucoup d'éléments exploitables. Un pays tel que le nôtre (...) possède, à l'est, à l'ouest, au centre, les plus riches gisements de fer de toute l'Europe, − Russie exceptée (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 453). D. − Au fig. 1. Dont le contenu est complexe, abondant, varié. Riche sujet d'expériences; riche spontanéité. À la vérité ceux qui ne possèdent qu'une conscience rudimentaire se ressemblent beaucoup les uns les autres. Plus la personnalité est riche, plus les différences individuelles sont grandes (Carrel, L'Homme, 1935, p. 292). − Riche en + subst.Scénario riche en rebondissements. J'ai lu votre livre, si riche en émotions vraies puissamment dites; je le relirai (Hugo, Corresp., 1871, p. 294). − Riche de + subst.Présentation riche de détails. Mon enfance est riche de souvenirs et d'impressions d'une inexprimable poésie (Sand, Lélia, 1833, p. 165).Elle fabriquait [la cloche] aux vivants, là dehors, une existence dense, riche de misères, d'impatiences, de jubilations, de regrets (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 286). ♦ Riche nature. Personne qui est pleine de vie, de vitalité, de dons, de possibilités. Ah! quelle riche nature, monsieur! Elle était faite pour être une femme opulente, aimée; elle eût été bienfaisante et constante (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 118). 2. [En parlant d'une manifestation de l'activité intellectuelle ou artist.] Qui offre, présente beaucoup de matière, d'intérêt, qui dénote de nombreuses qualités intellectuelles ou artistiques. Style riche; de riches tableaux. Comment oser décrire ces teintes transitoires du sentiment, ces riens qui ont tant de prix, ces mots dont l'accent épuise les trésors du langage, ces regards plus féconds que les plus riches poèmes? (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 123). − Riche de + subst.Chanson riche de poésie. En vérité, plus un texte dramatique est riche de contenu littéraire, poétique, psychologique, moral, plus l'œuvre est profonde et sa beauté secrète, plus elle est grande, achevée dans sa forme, originale dans son style (Arts et litt., 1936, p. 64-1). − Langue riche. Langue qui présente de nombreuses possibilités (vocabulaire, tournures) permettant l'expression des nuances de sens. La langue française n'est pas la plus abondante, mais elle est la plus riche des langues. L'abondance consiste dans le nombre des mots, la richesse dans la facilité de tout exprimer; et la langue allemande, si surchargée de mots, manque des plus nécessaires pour exprimer les idées morales (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 346). − Rime riche. Rime reposant sur l'identité des trois derniers éléments vocaliques ou consonantiques du mot. La rime riche est une grâce, sans doute, mais elle ramène trop souvent les mêmes formules (Nerval, Bohême gal., 1855, p. 71). − Fam., iron. Riche idée. Idée opportune, bonne idée. Un samedi, il pleuvait, Pauline ne put faire sa distribution sur la terrasse, ainsi qu'elle en avait l'habitude. Lazare dut aller chercher un banc, qu'il installa dans la cuisine. − Comment! Monsieur, s'écria Véronique, est-ce que mademoiselle songe à introduire toute cette pouillerie ici?... C'est une riche idée, si vous voulez trouver des bêtes dans votre soupe (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 1002). Prononc. et Orth.: [ʀiʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 « puissant, pourvu de grands biens » (Alexis, éd. Chr. Storey, 216: riche hom; aussi comme subst., 537); 2. ca 1120 « qui annonce ou suppose la richesse » (S. Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 268: un castel Qui riches ert e grant e bel); 3. a) riche de
α) ca 1208 (Villehardhouin, Conquête de Constantinople, éd. Ed. Faral, t. 1, p. 202, § 198: riche d'avoir et de vïandes);
β) 1580 fig. (Montaigne, Essais, I, 25, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 134: une ame riche de la connoissance de tant de choses); b) 1553 riche en « qui possède telle ou telle qualité considérée comme fort précieuse (d'une personne) » (Bible, impr. J. Gerard, Jacques, 2, 5 d'apr. FEW t. 16, p. 713b). D'un a. b. frq. *riki « puissant » (cf. a. h. all. rîhhi; a. b. all. rîki « id. ») qui corresp. au got. reiks « id. » auquel on peut rattacher l'ital. ricco, l'esp., port. rico et le prov., cat. ric (v. FEW t. 16, pp. 714b-715a). Le sens de « puissant » est encore en usage dans les premiers textes fr.; celui de « qui possède des biens » ne semble assuré que vers 1265 (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. Carmody, livre II, chap. 21, 21, p. 192; v. Th. Venckeleer ds XIIIeCongrès Internat. de Ling. et de Philol. Rom. (1971), Québec, 1976, t. 2, p. 17). Pour Fr. Jensen (Semasia, t. 3, 1976, pp. 33-37) l'ital., l'esp., le port., le prov. et le cat. seraient issus d'un lat. pop. *rikkus, *rikka lui-même empr. au got. reiks « puissant », qui remonte à une même base *rι
̄kja, que l'a. h. all. et le b. all. Fréq. abs. littér.: 10 498. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 18 996, b) 16 091; xxes.: a) 14 687, b) 10 980. Bbg. Dub. Pol. 1962, pp. 410-411. − Quem. DDL t. 5. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 78. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 304. |