| REVIVRE, verbe A. − Empl. intrans. 1. Revenir à la vie. a) Vivre de nouveau, ressusciter. Je m'avançai vers le jeune homme, je ne pensais plus à Henriette; j'étais tout entier à ce cadavre qu'il devait faire revivre le soir (Janin,Âne mort,1829, p. 54).Vous retrouverez des forces en dormant près d'elle, comme Anthée revivait chaque fois qu'il touchait terre (Vailland,Drôle de jeu,1945, p. 57). − RELIG. Vivre après la mort sous une autre forme, en un autre lieu. Il saisit la petite croix et la soulève à nouveau. Jean: « Voyez comme je me suis résigné à mourir, pour revivre auprès de lui! » (Martin du G.,J. Barois,1913, p. 548). b) P. exagér. Reprendre des forces, de la vigueur, recouvrer son énergie, son intégrité morale ou physique. Stephen croyait revivre au jour où il partit le matin si pauvre d'argent, si riche de courage, de force et d'espoir, si riche de son amour et de celui de Magdeleine (Karr,Sous tilleuls,1832, p. 256).Vivre! Vivre! Ils me font rire, avec ce mot. C'est revivre qui est bon! C'est sans doute survivre qui serait vivre (Duhamel,Confess. min.,1920, p. 148). − P. anal. [Le suj. désigne une collectivité, une communauté] Se remettre en mouvement; reprendre le cours normal d'une activité. Nous disons: « Honneur et Patrie », entendant par là que la nation ne pourra revivre que par la victoire (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p. 241): 1. Mouret reparut, en haut du grand escalier (..) et de là, il domina encore la maison entière (...). Il sentait, à ses pieds, la machine se mettre en branle, s'échauffer et revivre (...) depuis les tables où les garçons de magasin se hâtaient d'empaqueter les marchandises, jusqu'aux profondeurs du sous-sol.
Zola,Bonh. dames,1883, p. 482. − P. métaph. Mes terres que tu as trouvées à demi-mortes, il y a quatre mois, rentrent en prospérité et revivent (Fabre,Hospit.,1880, p. 75). c) Se continuer génétiquement ou spirituellement dans la personne d'un autre. J'ai vu M. Paul Calmann (...) suppléer, avec ses deux jeunes frères, le vieux chef que nous regrettons, mais qui revit dans ses enfants (A. France,Vie littér.,1892, p. xvi). d) Au fig. − Reparaître à l'esprit, à l'imagination. Revivre dans la mémoire, le souvenir de quelqu'un. Le distingué chanoine prébendé, mort depuis, semble revivre à chaque ligne de cette lettre véritablement unique (Bernanos,Soleil Satan,1926, p. 248).Voici que maintenant revivent sous nos yeux l'Égypte des Pharaons, les Assyriens, les Babyloniens, les Phéniciens, les Araméens, les Perses (Philos., Relig., 1957, p. 40-16). − Faire revivre qqn, qqc.Redonner vie par une évocation fidèle. Aujourd'hui, une femme en deuil dépose chez moi une lettre avec une photographie du garçonnet en question, (...) dont j'ai tracé un si charmant portrait, me remerciant d'avoir fait revivre l'être bien aimé (Goncourt,Journal,1888, p. 845). − Faire revivre qqc. ♦ Faire vivre à nouveau, redonner corps à quelque chose par l'art, par l'imitation. Le travail que doit accomplir le chef d'orchestre pour faire revivre une œuvre est avant tout un acte d'obéissance (Arts et litt.,1936, p. 60-11). ♦ Remettre en usage, en honneur, en vogue. « Ainsi, mon bon ami, vous vous inspirez du vieux Buonarotti et vous iriez jusqu'au babouvisme? − Quoi? Qu'est-ce? leur dis-je tout étonnée. Vous voulez faire revivre cette vieillerie?... » (Sand,Hist. vie,t. 4, 1855, p. 329).Pour avoir mal observé les institutions de la cité ancienne, on a imaginé de les faire revivre chez nous (Fustel de Coul.,Cité antique,1864, p. 2). ♦ En partic. Raviver (des couleurs), redonner de l'éclat à quelque chose. Le jardinier, qui était un nègre, a été prendre de l'eau dans un vieil arrosoir et il l'a répandue devant moi pour faire revivre les belles couleurs de la mosaïque, et puis je m'en suis allé (Flaub.,Corresp.,1858, p. 258). 2. Habiter de nouveau à l'endroit où l'on a déjà vécu, avec des personnes avec qui l'on a déjà vécu. Moi aussi, qui serai bientôt peut-être fauché par la mort dans quelque pays lointain, jeté dans le néant ou l'éternité, moi aussi, j'aimerais revivre à Tahiti (Loti,Mariage,1882, p. 205).Il pensa à ses camarades, les journaliers de Fonteneilles, et il reconnut qu'il les aimait tous, qu'il pardonnait à tous, et qu'il lui serait bon de revivre parmi eux (R. Bazin, Blé,1907, p. 385). B. − Empl. trans. 1. a) Vivre de nouveau sa vie, une partie de sa vie. Je n'ai jamais vu d'homme vouloir revivre sa vie, pas même de femme consentant à revenir à dix-huit ans (Goncourt,Journal,1864, p. 40).Revivant les scènes du drame dont l'affreuse hantise la suppliciait (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 142). b) Au fig. Évoquer avec intensité par la pensée ou l'imagination des impressions, des événements. Ramassé sur lui-même, le dos appuyé au dur dossier, les bras croisés pour comprimer cette chose étrangère, greffée dans sa chair et qui l'étouffait, il revivait mentalement sa soirée (Martin du G.,Thib.,Épil., 1940, p. 903): 2. Je me suis donc amusé à écrire ce livre. Je ne l'ai pas fait seulement pour revivre des souvenirs ensoleillés, évoquer en moi les villes, les sites et les hommes d'un pays qui m'est particulièrement cher, mais aussi pour conduire le voyageur pressé (...) au long d'un itinéraire inédit...
T'Serstevens,Itinér. esp.,1963, p. 11. − [Par effacement du compl.] Près de la cheminée, madame Burle était accoudée, au fond de son fauteuil de velours jaune, regardant fumer une dernière racine, de ces regards fixes et vides des vieilles gens qui revivent en eux-mêmes (Zola,Cap. Burle,1883, p. 4). 2. Reprendre un style de vie, des occupations. Aujourd'hui, toutes les trappes (...) reprennent les règlements de Citeaux et revivent la vie des cénobites au moyen âge (Huysmans,En route,t. 1, 1895, p. 221). 3. Empl. subst. masc. a) AGRIC. Regain. Sur certains sols très favorables (...) le regain est assez abondant pour donner lieu à une seconde coupe de foin, à peine moins productive que la première; c'est le revivre (Fén.1970). b) ART DRAM. Procédé d'intériorisation qui consiste à transposer les émotions, les traits de caractères du personnage dans le propre vécu du comédien. Si réaliste, soit-il, le jeu des acteurs russes diffère du nôtre, en ce sens que le « revivre » stanislavskien [du théoricien Stanislavski] tient compte d'une intériorisation qu'on exprime aujourd'hui en préceptes moraux: humilité, bonté, refus du cabotinage (Le Nouvel Observateur,17 mai 1976, p. 150, col. 2). REM. Revivant, -ante, part. prés. en empl. adj.a) Qui revit, qui reprend son essor. Père et mère et enfants, en jetant un regard ému à cette terre revivante dont la résurrection ramène le maître, passeront l'humble seuil, dans la lumière de l'âme et dans le ruissellement du jour (Pesquidoux,Chez nous,1921, p. 233).b) Qui ressurgit à l'esprit, à l'imagination. Elle retrouvait présente à son esprit, revivante à ses yeux cette visite à Saint-Pierre, où la main de son enfant lui avait fait lire, dans du soleil, les mots d'or (Goncourt,MmeGervaisais,1869, p. 179). Prononc. et Orth.: [ʀ
əvi:vʀ
̥], (il) revit [-vi]. Homon. formes de revoir. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. a) fin xes. « être de nouveau vivant » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 364); b) ca 1150 faire revivre « ressusciter (trans.) » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 800); c) mil. xves. « revivre spirituellement par le salut de l'âme » (Cycle des Mystères des Premiers Martyrs, ms. 1131, Bibl. Ste-Geneviève, éd. G. A. Runnalls, Prologue, 50); 2. a) ca 1275 « se perpétuer, revivre mentalement (dans le souvenir de quelqu'un) » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 8116); b) 1310-1340 « faire revivre, ressusciter moralement, évoquer » (Jean de Condé, Dit de portejoie, 50, Dits et contes de Baudouin et Jean de Condé, éd. A. Scheler, t. 3, p. 231); 3. 1636 « (d'une chose) réapparaître, se renouveler, renaître » (Corneille, Le Cid, II, 5); 4. 1553 « vivre encore, continuer à avoir une existence » (Ronsard,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 5, p. 5); 5) 1564 « retrouver de la vitalité, des forces » (Id., ibid., t. 12, p. 217, vers 25); 6. 1690 « redevenir vif, neuf » (Fur.). B. Trans. 1. [fin xes. pronom. réfl. se revivre « ressusciter » (Passion, éd. Silvio D'Arco Avalle, 85)] xiiies. « ranimer, faire revenir à la vie » (La Chante-pleure, 218 ds Rutebeuf,
Œuvres, éd. A. Jubinal, t. 3, p. 99); 1625 (Discours du Parlement de Dijon ds Variétés hist. et littér., éd. E. Fournier, t. 1, p. 40); 2. 1820 (Lamart., Médit., p. 174: revivre une seconde vie). Du lat. revivere « vivre à nouveau ». Fréq. abs. littér.: 1 030. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 024, b) 1 252; xxes.: a) 2 175, b) 1 522. |