| REVÊTIR, verbe trans. A. − [Le suj. désigne une pers.] 1. Revêtir qqn (de qqc.) a) Vieilli. Revêtir qqn.Pourvoir de vêtements celui qui en manque. Revêtir les pauvres. (Dict. xixeet xxes.). b) Habiller quelqu'un d'un vêtement particulier (vêtement de cérémonie ou de parade, signe d'une fonction ou d'une dignité) ou le munir d'un attribut particulier. Revêtir un prélat de ses ornements sacerdotaux. Ses femmes la dépouillent [la reine] de son armure et la revêtent de ses ornements royaux (Valéry,Variété III, 1936, p. 117): 1. ... [les Romains] se faisoient un devoir de célébrer, en présence de leurs dieux, l'entrée de leurs enfans dans le second âge de la vie. C'étoit sous les auspices de ces dieux qu'ils les revêtoient de la robe virile.
Bonald,Législ. primit., t. 1, 1802, p. 198. − Au passif. Être revêtu d'un cilice, de la pourpre, d'une robe de magistrat. Grand escogriffe, revêtu de la livrée marron (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 23). − Empl. pronom. réfl. Se revêtir d'un costume, d'un habit, de son uniforme. Maurice (...) dissimulait avec peine son malaise sous les luxueux habits dont il s'était revêtu (Gozlan,Notaire, 1836, p. 283). ♦ [Sans compl. indir.] Mettre de nouveau un vêtement. Il est minuit moins un quart (...) et je vais me revêtir pour aller à la messe [de minuit], dans un petit couvent de religieuses près d'ici (Flaub.,Corresp., 1876, p. 376). − En partic., vieilli. Habiller richement quelqu'un. M. d'Heureux, fils d'un capitaine de vaisseau, vingt ans, allant en Dalmatie (...), on dirait un paysan qu'on a revêtu (Stendhal,Journal, 1806, p. 307). c) Au fig.
α) Littér. Investir quelqu'un d'une autorité, d'une charge, d'une fonction. Revêtir qqn d'une dignité. Le roi l'a revêtu d'un plein pouvoir (Ac.1835, 1878).Ils ne pourraient m'accuser un jour de remplir les fonctions dont ils m'auraient revêtu, mais ils auraient à s'accuser seulement eux-mêmes de dispositions trop bienveillantes à mon égard (Lamart.,Corresp., 1832, p. 250).Au passif. Être revêtu d'une charge, d'un commandement; le pouvoir, le titre dont il est revêtu. Ministres, revêtus de l'autorité et de la responsabilité inhérentes à leur fonction (De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p. 122).
β) Conférer à quelqu'un une qualité, le doter ou le pourvoir d'un caractère. Revêtir qqn d'honneur, de gloire. L'abbé Birotteau, l'un de ces hommes que Dieu a marqués comme siens en les revêtant de douceur, de simplicité (Balzac,Lys, 1836, p. 296).Ceux qui l'ont entendue [Sarah Bernhardt] se souviennent de la majestueuse grandeur dont elle revêtait la fille d'Achab (Mauriac,Vie Racine, 1928, p. 194).Empl. pronom. Allons au Nord nous revêtir de force et de confiance; et le midi sera bientôt soumis (Saint-Martin,Homme désir, 1790, p. 375). 2. Revêtir qqc. de qqc. a) [L'obj. désigne une surface, un local, un objet] Recouvrir d'une couche protectrice, d'un revêtement, d'une décoration. Synon. couvrir.Revêtir un mur de carrelage. Il fallait revêtir ces murs de lambris en bois d'Irlande ou de ces tapisseries de haute lice, d'or et de fil d'Arras, si recherchées à cette époque (Huysmans,Là-bas, t. 1, 1891, p. 183).On avait même dû le revêtir [le plafond] d'une enveloppe de zinc pour protéger les hommes contre les douches continuelles (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 258).Part. passé en empl. adj. Salon revêtu de marbre. Tubes (...) revêtus extérieurement d'une chemise de plomb (Verne,500 millions, 1879, p. 124).Statue colossale d'Athéna, toute revêtue d'or et d'ivoire et haute de quinze mètres (Barrès,Voy. Sparte, 1906, p. 67). − En partic. Faire un revêtement (sur quelque chose) (v. revêtement A 2 b). Revêtir un fossé, un bastion; revêtir une terrasse de gazon. Pour éviter le ravinement de la surface des talus, il suffit (...) de revêtir le talus (Bricka,Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 106). b) Au fig. Présenter sous un aspect agréable, séduisant. Synon. orner, parer.Revêtir ses pensées d'un style brillant; revêtir le mensonge des apparences de la vérité (Ac. 1835-1935). Je sentais en moi je ne sais quelle pudeur d'âme qui s'opposait à l'entière expression de mes sentiments, et je tâchais de les revêtir des formes de la pensée (Balzac,Lambert, 1832, p. 180).Dépouillons les faits de la rhétorique dont tu les revêts (Estaunié,Empreinte, 1896, p. 247).V. arabesque ex. 6. c) [L'obj. désigne un écrit] Munir un acte de ce qui lui donne un caractère authentique, juridique ou officiel. Revêtir un dossier de sa signature; revêtir un écrit d'un cachet, de la formule exécutoire. L'acte de mon baptême (...) que le grand primat de Macédoine et d'Épire a revêtu de son sceau (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 398).Le portrait (...) ne pourra être tiré sans que je l'aie revu et revêtu de mon bon à paraître (Hugo,Corresp., 1862, p. 425).Au passif. [La rente viagère] peut être aussi constituée, à titre purement gratuit, par donation entre-vifs ou par testament. Elle doit être alors revêtue des formes requises par la loi (Code civil, 1804, art. 1969, p. 354). 3. Revêtir qqc. a) [L'obj. désigne un vêtement] − Mettre sur soi un vêtement alors qu'on en quitte un autre ou qu'on est nu. Revêtir un habit, une robe. Le matin, à un signal, l'équipage, rangé sur le pont, dépouillait la chemise bleue pour en revêtir une autre qui séchait dans les haubans (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 259).La nuit, j'écarquillai les yeux en la voyant revêtir au lieu d'une chemise de nuit un pyjama (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 276). − Revêtir un vêtement par dessus d'autres. Revêtir un imperméable, un manteau. Le supérieur du séminaire, qui revêtait sa douillette, lui fit signe de rester (A. France,Orme, 1897, p. 20). − Mettre sur soi un vêtement particulier, un vêtement de cérémonie ou de fonction. Revêtir une armure, un habit religieux, l'uniforme. Il ne se permettait jamais de dicter une dépêche sans avoir revêtu le costume brodé [de chambellan], garni de tous ses ordres (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 15): 2. Hélas! chez ton amant tu n'es point ramenée.
Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée.
L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds.
Chénier,Bucoliques, 1794, p. 168. b) Au fig.
α) Entrer dans une fonction, un rôle. Synon. endosser.En revêtant les fonctions de prieur (1300), il trouva les nobles et les plébéiens rentrant en lutte (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 64).
β) Prendre telle ou telle apparence, avoir tel ou tel caractère. Aussitôt d'un serpent il revêt [Hercule] la figure; Il siffle, il s'enfle, il roule, il déroule ses nœuds (Delille,Homme des champs, 1800, p. 86).Incomparable pantomime, il revêtait le personnage de tous les gens de la maison ducale (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 36).[P. méton.] Un jeune homme dont le visage revêtait cette expression triomphante que donnent le bonheur et la conscience d'une grande beauté physique (Green,Journal, 1938, p. 155).
γ) RELIG. [P. allus. à St Paul Gal. 3, Éph. 4] Revêtir Jésus-Christ, le Christ, l'Homme nouveau. Prendre les sentiments, pensées et manières d'agir de Jésus-Christ de façon à devenir une créature nouvelle. Mais qu'est-ce que revêtir le Christ, sinon, par la grâce, l'assimiler, sinon s'adapter à cette activité qui est la sienne (Claudel,Poète regarde Croix, 1938, p. 295). B. − [Le suj. désigne une chose] 1. Revêtir qqn ou qqc. (de qqc.) a) Rare. [Le suj. désigne un vêtement] Habiller. Ceux-ci [les sarraux] rappelaient les houppelandes qui revêtent certaines des figures symboliques de Giotto (Proust,Swann, 1913, p. 80). b) [Le suj. désigne ce qui peut servir de couverture, de protection] Être ajusté, être placé de façon à couvrir, protéger ou orner. Les écailles revêtent les poissons; les prairies revêtent les pentes. Dans l'homme, l'épiderme est généralement très-mince, à l'exception de la partie qui revêt la plante des pieds et la paume des mains (Cuvier,Anat. comp., t. 2, 1805, p. 542). − Au passif. Les carreaux des fenêtres, revêtus de givre au dehors et de vapeur au dedans, tamisaient une lumière plus adoucie (Bourget,Disciple, 1889, p. 133). − Empl. pronom. Se recouvrir de. Les champs se revêtaient d'une parure mouvante. C'est le moment de l'année où la forêt déroule ses masses de feuillage d'un vert lourd, presque noir (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 184). c) Au fig., littér. Conférer tel caractère, telle qualité; couvrir de telle ou telle apparence. Il y a [au XIIesiècle] (...) un épanouissement culturel qui revêt les femmes d'un prestige nouveau (Beauvoir,Deux. sexe, t. 1, 1949, p. 160). − Empl. pronom. Prendre tel aspect. Le paysage se revêt de splendeur. Au-dessus (...) une tête de Romulus dessinée au crayon noir, d'après David (...). Et ces quatre murs si vulgaires se revêtaient de majesté (A. France,Vie fleur, 1922, p. 332). 2. Au fig. Revêtir qqc.Avoir, prendre (un aspect, un caractère, une forme). Nulle autorité nouvelle ne pourra jamais revêtir un caractère aussi sacré (Sand,Lélia, 1839, p. 472): 3. Si l'heure de la mort revêt pour nous une telle importance, si la jurisprudence, la religion et la morale attachent aux dernières volontés, aux derniers sentiments, aux dernières pensées du mourant un rayonnement (...) n'est-ce point que ce sont là les derniers témoins de la liberté humaine avant son impuissance définitive?
J. Vuillemin,Essai signif. mort, 1949, p. 179. ♦ Revêtir un éclat, une importance. Cette cérémonie devait revêtir un certain éclat (Joffre,Mém., t. 2, 1931, p. 268). REM. Revêtu, -ue, part. passé en empl. adj.a) Vx, fam. Gueux, sot revêtu. Homme pauvre devenu riche et arrogant, personne cachant sa sottise sous une riche apparence. Nargue des vertus! On n'en sait que faire. Aux sots revêtus Le tout est de plaire. Bon! (Béranger,Chans., t. 1, 1829, p. 206).b) Technol. Pourvu d'un revêtement. Route revêtue. Des suintements (...) ravinèrent le talus non revêtu du côté des fouilles (Bourde,Trav. publ., 1929, p. 257). Prononc. et Orth.: [ʀ
əveti:ʀ], [-vε-], (il) revêt [-vε]. Ac. 1694, 1718: -ves-; dep. 1740: -vê-. Étymol. et Hist. 1. 2emoit. du xes. revestir « mettre sur quelqu'un ou sur soi un vêtement, surtout un habit de cérémonie (particulièrement en parlant d'ecclésiastiques, de personnages attachés au service d'une église) » (St Léger, éd. J. Linskill, 145); ca 1050 revestu en « vêtu d'(un costume d'église) » (Alexis, éd. Chr. Storey, 582); 2. ca 1140 revestir « mettre sur soi (un vêtement) » (Pèlerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 189); 3. 1160-74 revestir « donner des vêtements à quelqu'un qui en manque » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3642); 4. a) ca 1165 revestir « investir, mettre quelqu'un en possession de quelque chose » (Troie, 29502 ds T.-L.); b) ca 1165 revestir « livrer une personne à une autre » ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1890); ca 1274 revestir « doter, parer quelqu'un de quelque caractère » (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 3466); c) 1690 revêtir un acte de « mettre (à un acte) tout ce qui est nécessaire pour qu'il soit valide » (Fur.); 5. ca 1170 revestir « mettre de nouveau sur soi (un vêtement) » (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Bisclavret, 285); 6. 1364-65 revestir « couvrir d'un dessus qui rehausse, qui garnit, qui protège (par exemple de planches) » (Invent. mobiliers des ducs de Bourgogne, éd. B. Prost, t. 1, 432). Dér. de vêtir*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 2 577. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 226, b) 2 864; xxes.: a) 3 511, b) 3 274. |