| RETOMBER, verbe intrans. I. − Tomber de nouveau. A. − Faire une nouvelle chute. La nacelle touche (...). Et puis s'envole de nouveau. Elle retombe encore, rebondit et, enfin, se pose à terre (Maupass.,Contes et nouv.,t. 2, Voy. Horla, 1887, p. 1329).Les femmes, une à une, se mirent à tomber. Le chef noir s'agenouillait près de chacune (...). Elles se relevaient alors, chancelantes, rentraient dans la danse (...) pour retomber encore (Camus,Exil et Roy.,1957, p. 1674). − P. anal. [Le suj. désigne un phénomène perceptible par les sens] S'installer de nouveau. Silence qui retombe. Déjà, la nuit était retombée plus opaque (Zola,Débâcle,1892, p. 21).Les voisins se rappelèrent avoir perçu, vers le milieu de la nuit, dans le silence de la rue, un bruit sec (...). Ils n'y prirent pas garde. La paix de la nuit retomba aussitôt sur la ville (Rolland,J.-Chr.,Antoinette, 1908, p. 855). B. − [Le suj. désigne une pers.] 1. [Avec un compl. prép. désignant un lieu, une chose concr.] Se trouver de nouveau (en un lieu, en face de quelque chose). Bachelard était là (...), l'œil encore allumé d'une ivresse de la veille, mais (...) retrouvant son flair et sa chance, dès qu'il retombait devant ses livres (Zola,Pot-Bouille,1882, p. 121).Enfin, on retombe dans le boyau qu'on a quitté par erreur. On recommence à marcher (Barbusse,Feu,1916, p. 340). − Au fig. [Avec un compl. prép. désignant une chose abstr.] Retomber sur qqc.Être de nouveau confronté (à quelque chose), revenir (sur quelque chose). Retomber sur les mêmes écueils, sur le même problème. [Le curé] racontait des anecdotes (...). Puis, dès que la circonstance le permettait, il retombait sur les matières de religion, en prenant une figure convenable (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 18).Quand les deux corps seront au repos, on devra retomber sur la loi ordinaire de l'attraction (H. Poincaré, Mécan. nouv.,Mém., 1905, p. 66). ♦ [Le suj. désigne une chose abstr.] Je me rapprochais peu à peu de Marguerite. J'eus bientôt fait retomber la conversation sur elle (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 78).Les forces idéales sur quoi notre imagination retombe chaque fois qu'elle cherche à matérialiser sous forme terrestre ses raisons de croire et d'espérer (Teilhard de Ch.,Phénom. hum.,1955, p. 276). 2. Retomber sur qqn.Rencontrer de nouveau. Je commence par aller où est ma vraie famille: au Louvre. C'est fermé. Nous retombons sur mon oncle Jules, le seul parent qui nous reste (Goncourt,Journal,1864, p. 5).Ce matin je vais (...) au Salon d'Automne. Quatre fois je retombe sur Sert, infiniment soucieux de savoir ce que l'on pense de sa peinture (Gide, Journal,1907, p. 253). C. − Au fig. Être de nouveau dans tel ou tel état, telle ou telle situation. 1. [Le suj. désigne une pers.; avec un compl. prép. désignant un état, une situation gén. pénible ou blâmable] Il y eut (...) des rechutes de noires tristesses, des heures où le malade retombait à ses épouvantes (Zola, DrPascal,1893, p. 144).Il savait qu'elle ne pouvait rien faire, qu'elle était déjà retombée en servage, sous l'emprise de la même terreur qu'autrefois (Van der Meersch,Empreinte dieu,1936, p. 185).V. facile D 2 a ex. de Pourrat, ornière B ex. de France. ♦ Retomber en enfance. Elle lit la Bibliothèque rose. − Je retombe en enfance, dit-elle, mais c'est bien écrit (Renard, Journal, 1907, p. 1121). SYNT. Retomber à la charge, aux mains, au pouvoir de qqn; retomber à la médiocrité; retomber dans son accablement, dans la barbarie, dans le crime, dans le désespoir, dans l'ennui, dans l'erreur, dans le même état, dans le malheur, dans la misère, dans son mutisme, dans ses réflexions, dans sa rêverie, dans son silence, dans sa solitude, dans sa tristesse; retomber sous la coupe, sous la domination, sous le joug de qqn. − [Avec un attribut du suj. indiquant ce que l'on est de nouveau] Retomber désespéré; retomber malade. Voyez comme on oublie Les hymnes de la liberté. Un peuple brave Retombe esclave (Béranger,Chans.,t. 2, 1829, p. 238).Guérin souffrait physiquement (...) il a été contraint et silencieux. Ne l'ai retrouvé que sous l'impression de cette double magie, musique italienne et langue italienne, puis il est retombé sombre (Barb. d'Aurev.,Mémor. 1,1837, p. 111). Rem. Empl. vieilli sauf retomber malade. − [Sans compl. prép. ou sans attribut du suj.] ♦ Être de nouveau malade. Il est retombé (...). C'était fatal (...). Cette défaillance, au milieu de l'opération (...), c'est la suppression brusque de la morphine qui l'a causée (Bourget,Sens mort, 1915, p. 106). ♦ Être de nouveau dans une situation pénible ou blâmable. Il retombe toujours (Ac.).Il y a des moments où, en dépit de tout, je reprends espoir. Puis je retombe! (Flaub., Corresp.,1875, p. 248). 2. Plus rare. [Le suj. désigne une chose] a) [Avec un compl. prép. désignant un lieu, un phénomène perceptible par les sens] La cuisine, éclairée un moment, était retombée dans le noir (Zola,Joie de vivre,1884, p. 978).Bestiole dont le chant s'étranglait (...) en piaillement lugubre qui faisait aussitôt retomber la forêt dans le lourd silence de la nuit (Pergaud,De Goupil,1910, p. 107).V. avant-dîner ex. 3. b) [Avec un compl. prép. désignant un état, une situation pénible ou blâmable] À la mort de Louis XIV, nos finances, rétablies par Colbert, étaient retombées dans un état critique (Bainville,Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 272). II. A. − Tomber après s'être élevé en l'air. Retomber d'un arbre; retomber sur le sol, à terre; poisson qui retombe à l'eau; retomber en pluie. Je passe par-dessus la tête de Filoche en faisant le saut périlleux, je retombe dix pas plus loin (Meilhac, Halévy,Cigale,1877, i, 10, p. 23).Les jaillissements de la terre arrachée qui retombait sous les obus avec une courbe molle et désolée (Malraux,Espoir,1937, p. 730).V. battoir ex. 3. ♦ Cracher en l'air pour que cela vous retombe sur le nez. V. air1. ♦ Retomber sur ses pattes (v. patte1), sur ses pieds (v. pied). − En partic. ♦ [Le suj. désigne une pers. qui s'est soulevée] Se laisser aller, se laisser choir. Retomber dans les bras de qqn, dans son fauteuil; retomber sur sa chaise, sur son lit, sur l'oreiller. Birotteau se souleva sur la pointe des pieds en retombant sur ses talons à plusieurs reprises (Balzac,C. Birotteau,1837, p. 160).Il ébaucha même le geste de se dresser sur un coude; mais il ne put lutter contre son sommeil, et retomba sur les coussins (Martin du G.,Thib.,Pénitenc., 1922, p. 811).[Avec un attribut du suj.] Retomber assis, mort; retomber sans connaissance. Elle se souleva vers Démétrios... Mais avant qu'il eût pu répondre, elle retomba sans vie, les deux yeux éteints pour toujours (Louÿs,Aphrodite,1896, p. 225). ♦ [Le suj. désigne une chose qui a été soulevée] S'abaisser, revenir à sa position initiale. Laisser retomber ses bras, ses épaules, ses mains, ses paupières; front, tête qui retombe sur l'oreiller, sur la poitrine; rideau, voile qui retombe. La portière, que le docteur avait laissé retomber derrière lui, se souleva de nouveau (Ponson du Terr.,Rocambole,t. 2, 1859, p. 145).Les chevaux piaffaient sans pouvoir avancer, et parfois leurs sabots retombaient sur des bottes (Gautier,Fracasse,1863, p. 472). B. − [Le suj. désigne une chose] 1. Pendre librement, mollement. Arbre qui laisse retomber ses branches; cheveux qui retombent sur les épaules, sur le front, sur les yeux; fleurs qui retombent en grappes. Les seigles très grands laissaient retomber leurs épis barbus qui tremblaient dans le vent (Moselly,Terres lorr.,1907, p. 213).Une ceinture de ruban rose, très large, nouée derrière, retombait sur la jupe en larges coques étalées (Gyp,Souv. pte fille,1927, p. 211).V. également A 1 ex. de Claudel. 2. Descendre, s'incliner. Cette colonne qui tournoyait sur elle-même et finissait par s'évaser en une gerbe dont les tiges brisées retombaient du haut des cintres (Huysmans,En route,t. 1, 1895, p. 48).Deux cases (...) reliées par un péristyle couvert de douze à quinze mètres, au toit retombant largement au delà du petit mur bas (Gide,Retour Tchad,1928, p. 968). C. − Au fig. 1. [Le suj. désigne une pers. ou une chose abstr.; avec un compl. prép. indiquant une situation, un état inférieur] Descendre, s'abaisser à (quelque chose). Les passions ne sont point durables, mais retombent aux simples émotions, si quelque jugement de belle apparence ne conduit pas à les cultiver (Alain, Beaux-arts,1920, p. 101).Ce ménage d'Isaac laisse l'impression d'une maison qui retombe lentement de la bourgeoisie au petit peuple (Guéhenno,Jean-Jacques,1948, p. 25). 2. [Le suj. désigne une chose] a) [Une chose abstr. ou perceptible par les sens] Perdre son intensité, disparaître. Élan, exaltation, fièvre, zèle qui retombe; clameur qui s'élève et retombe; ranimer une conversation qui retombe; laisser retomber sa colère, son effort, sa voix. Des jets de lumière, aussitôt retombés, giclaient par les interstices des rideaux (Abellio,Pacifiques,1946, p. 398).Il faut assassiner vite et dehors. Il faut assassiner vite et être lapidé par la foule. Sinon le drame retombe et tout ce qui retombe est affreux (Cocteau,Aigle, 1946, ii, 9, p. 371). − P. anal. [Le suj. désigne une chose quantifiée, chiffrée] Descendre à un niveau plus bas. Action qui retombe à n francs. Des actions qui ont été cotées trois mille francs! Les voilà presque retombées au prix du papier, oui, du papier à la livre (Zola,Argent,1891, p. 420).Le rythme d'accroissement de la production [d'engrais azotés] se maintient jusqu'en 1951-1952, alors que la production du superphosphate retombe, dès 1948-1949 (Industr. fr. engrais chim.,1954, p. 47). b) [Le suj. désigne une chose ayant ou pouvant avoir des effets, des conséquences pénibles, désagréables] Retomber sur qqn/sur la tête de qqn. Peser, être reporté sur quelqu'un. Synon. rejaillir sur qqn.Blâme, colère, malédiction qui retombe sur qqn; faire retomber le châtiment, la faute, la responsabilité de qqc. sur qqn, sur la tête de qqn; faire retomber le sang de qqn sur la tête de qqn. Il n'est pas prudent de tuer les grands citoyens, leur sang retombe toujours sur les nations meurtrières (Du Camp,Hollande,1859, p. 62): Tous ces soucis retombaient sur la mère, la responsable. Manger, chauffage, éclairage, vêtements, petits desserts des jours de fête, tout ce qui fait l'existence, la vie familiale, lui incombait, à elle, la vraie victime.
Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 323. Rem. Dans cet empl., les réf. bibliques sont nombreuses: Que son sang retombe sur ta tête (II Sam. I., 16; Actes XVIII, 6). Que la faute retombe sur moi (II Sam. XIV, 9). Le meurtre de nos frères retombera sur nos têtes (Judith VIII, 22). V. aussi faute II A 1 b α. − Vx. Retomber à qqn.Pascal, dans les derniers temps, était en désaccord avec ses amis sur de certains points essentiels; il meurt, et c'est à ceux-ci que retombe le soin de célébrer en quelque sorte ses funérailles, et d'exposer les reliques de son génie (Sainte-Beuve,Port-Royal,t. 3, 1848, p. 315). − Rare. [Le suj. désigne une chose heureuse, agréable] Au milieu de l'année 1852, un des membres de l'école, M. Beulé, fit (...) un bon livre: L'Acropole d'Athènes. Son nom acquit en peu de mois une grande célébrité, dont il retomba quelque chose sur l'école (About,Grèce, 1854, p. 89). REM. Retombé, part. passé en empl. subst. masc.,chorégr., rare. Retombée du corps après un saut. La position d'un danseur au retombé d'un saut (Cl. Simon, La Route des Flandres,1960, p. 73 ds Rob. Suppl. 1970). Prononc. et Orth.: [ʀ
ətɔ
̃be], (il) retombe [-tɔ
̃:b]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1538 « tomber une deuxième fois » (Est.); 2. 1559 « tomber de nouveau dans une situation fâcheuse » elles retumboient en leurs premieres maladies (Amyot, Lucull., 14 ds Littré); 1782 retomber malade (Mmede Genlis, Veill. du chât., t. I, p. 120 ds Pougens ds Littré); 3. 1591 « tomber de nouveau dans une situation moralement blâmable, commettre de nouveau une faute » [elle] retombe en ceste erreur (Desportes,
Œuvres chrest., XVIII, Ode, ibid.); 1672 il retombe ... à être distrait (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 440); 1672 absol. (Corneille, Pulcherie, II, 1, vers 417); 4. a) 1640 « rejaillir sur quelqu'un » tout l'honneur en retombe sur nous (Id., Horace, V, III, vers 1642); b) 1657 « peser en retour sur quelqu'un, en parlant des effets de quelque chose de préjudiciable » (Pascal, Provinciale, XVIII, éd. L. Lafuma, p. 461); c) 1672 faire retomber la perfidie du coupable sur sa tête (Sacy, Bible, Paralip., II, VI, 23 ds Littré); 5. 1674 retomber sur « (en parlant de choses) être rejeté sur quelqu'un, quelque chose en tombant » (Racine, Iphigénie, III, 5); 6. 1690 « se trouver involontairement une nouvelle fois en un lieu, en face à face avec quelqu'un » (Fur.). B. 1. a) 1538 « revenir à la position initiale après s'être soulevé » (Est.); 1803 ses mains ... retombaient sur le lit (Krüdener, Valérie, p. 234); b) 1870 chorégr. un retombé part. passé subst. (Littré); 2. 1651 « revenir à la situation d'où l'on était sorti pour atteindre une position, un état meilleur » (Corneille, Pertharite, V, 4, vers 1763); en partic. 1789 retomber dans l'enfance (Staël, Lettres jeun., p. 328); 1803 retomber en enfance (Chateaubr., Génie, t. 1, p. 241); 3. 1687 « pendre librement et sans raideur » (Sévigné, op. cit., p. 283); 4. 1690 « revenir au niveau d'où l'on est parti après s'être élevé » (Fur.); 5. 1779 « revenir à son état habituel après un mouvement passionnel » j'ai retombé dans mon humeur ordinaire (Staël, op. cit., p. 7); 1838 « (du mouvement lui-même) cesser de produire son effet, de se soutenir » un espoir qui sans cesse retombe (Lamart., Chute, p. 1037). Comp. du préf. re-* et de tomber*. Fréq. abs. littér.: 4 055. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 833, b) 6 366; xxes.: a) 7 081, b) 5 449. DÉR. Retombement, subst. masc.Synon. de retombée.a) α) Action de s'abaisser, de revenir à sa position initiale. Un bourdonnement indistinct qui n'est pas celui (...) du retombement des métiers des tisserands (Jammes,Rom. du lièvre, Choses, 1903, p. 223).
β) Fait de pendre librement, mollement. Il y avait quelque chose de las dans le retombement des branches, qui ont longtemps porté le lourd fardeau du jour, et à présent elles (...) ne cherchent plus à se redresser, mais se laissent aller vers la terre (Ramuz,A. Pache,1911, p. 277).b) Au fig.
α) Action de descendre, de s'abaisser (de nouveau) à une situation, à un état inférieur, pénible. Pourquoi des larmes montent-elles ce matin? Pourquoi ce retombement dans la douleur et l'angoisse? Demandez au malade pourquoi son mal lui revient! (E. de Guérin, Journal,1840, p. 333).Le roman d'Anton Reiser (...) s'achève sur l'un des retombements les plus désespérés du héros, qui, réfugié dans une maisonnette solitaire, passe à dormir les semaines de Noël (Béguin, Âme romant.,1939, p. 37).
β) Fait de perdre de son intensité, de disparaître. Ces lignes je les écris d'une plume mal assurée. Sans doute ai-je déjà connu de longues périodes de retombement de ferveur; et je sais en être sorti (Gide,Journal,1932, p. 1122).Dans le retombement de la fièvre qui avait dévoré ces journées, il me sembla (...) que la folie de mon équipée se dressait devant moi (Gracq,Syrtes,1951, p. 244).− [ʀ
ətɔ
̃bmɑ
̃]. − 1resattest. 1840 « action de retomber, de se laisser aller de nouveau à » (E. de Guérin, loc. cit.), 1932 fig. (Gide, loc. cit.); de retomber, suff. -ment1*. − Fréq. abs. littér.: 28. BBG. − Darm. 1877, p. 97 (s.v. retombement). − Quem. DDL t. 19. |