| RENAISSANCE, subst. fém. I. A. − RELIG., MYTH. [En parlant d'une pers.] Action de renaître (v. ce mot I A); nouvelle naissance. Synon. réincarnation.Je ne vois nulle raison de choisir (...) entre l'idée de renaissance chrétienne et de renaissance indienne. Il semble infiniment probable que ce qui reste en nous d'obscur et de sensitif retombe dans la même vie et constitue la perpétuité de cette humanité d'ici (Michelet,Journal,1842, p. 386).La misère de ces gens est qu'ils ont souci d'un salut, d'ailleurs différent du chrétien. On sait qu'ils imaginent des suites de renaissance − jusqu'à la délivrance: ne plus renaître (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 38). − Au fig. ♦ THÉOL. CHRÉT. Régénération spirituelle. Renaissance de l'homme en Jésus-Christ. Cette époque de ténèbres a été le Moyen Âge de mon ère, disait-il, au lendemain de sa renaissance chrétienne (Bloy,Désesp.,1886, p. 51): 1. Un chrétien représente une possibilité de guérison, de pardon, d'ennoblissement, une renaissance éventuelle, une chance d'être purifié, dans un monde qui n'est peut-être aveugle et muet qu'en apparence...
Mauriac,Journal 1,1934, p. 68. ♦ Régénération morale ou intellectuelle. Un siècle où il y a des hommes comme vous n'est pas un temps de décadence, mais un temps de renaissance (Hugo,Corresp.,1860, p. 326).Ces poèmes feront infiniment plus, pour la renaissance de l'homme, que toute la Sorbonne (Alain,Propos,1927, p. 727). B. − [En parlant d'un végétal] Action de repousser. La chute des feuilles, et la renaissance des bourgeons et fleurs (Cl. Bernard, Notes,1860, p. 57).Voici l'été encor, la chaleur, la clarté, La renaissance simple et paisible des plantes (Noailles,Cœur innombr.,1901, p. 43). C. − [En parlant d'une pers.] Nouvelle vigueur (sur le plan physique ou moral). Ce matin, chez le coiffeur (...) commençant d'émerger à nouveau après la véritable plaine de découragement traversée hier après-midi et hier au soir − renaissance due pour moi à la toujours si bienfaisante action du schampooing (Du Bos,Journal,1923, p. 216): 2. Jérémie Taylor conjecture qu'il est peut-être aussi douloureux de naître que de mourir. Je crois cela fort probable; et durant la longue période consacrée à la diminution de l'opium, j'éprouvai toutes les tortures d'un homme qui passe d'un mode d'existence à un autre. Le résultat ne fut pas la mort, mais une sorte de renaissance physique...
Baudel.,Paradis artif.,1860, p. 437. ♦ En partic. Le fait de recouvrer la santé. La renaissance de Madame de Mortsauf fut naturelle, comme les effets du mois de mai sur les prairies, comme ceux du soleil et de l'onde sur les fleurs abattues (Balzac,Lys,1836, p. 175). − Renaissance à (un état).Le fait de retrouver, d'être rendu à un état connu antérieurement. Je suis conduit au catéchisme de Saint-Sulpice. Grande époque de grâce (...) de renaissance à la pudeur, à l'honneur (Dupanloup,Journal,1851-76, p. 3). D. − Au fig. Action de réapparaître, retour, nouvel essor. − [En parlant d'une réalité perceptible par les sens] Renaissance de l'été. L'espèce de malaise que cause, en mars, la renaissance de la nature au solitaire qui a trop lu et trop songé (Lemaitre,Contemp.,1885, p. 54).Quel mystère! Je veux parler du départ de la sève à époque fixe, au moment de la renaissance printanière de l'astre (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 17). − [En parlant d'une réalité abstr.] Synon. progrès, renouveau.Renaissance des arts, des idées; renaissance du provençal, d'une civilisation, des villes sinistrées; renaissance de la stabilité. Livré à lui-même [le génie national] (...) eût abouti, non, comme en Italie, à une renaissance du paganisme, mais, comme en Allemagne, à une recrudescence du christianisme (Taine,Philos. art, t. 2, 1865, p. 17).Notre éclatante civilisation du dix-huitième siècle ne s'expliquerait pas sans cette renaissance économique qui fut singulièrement aidée par les traditions bureaucratiques que le siècle précédent avait laissées (Bainville,Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 278). ♦ En partic. [En parlant d'un état, d'un sentiment, d'une manifestation de l'esprit] Renaissance d'un désir, d'une passion. Le visage de Marianna était éclairé par une magnifique lueur d'espérance qui lui rendit les splendeurs de la jeunesse. Cette renaissance de sa beauté (...) nuança d'un nuage de chagrin les délices que cette heure mystérieuse donnait au comte (Balzac,Gambara,1837, p. 82).J'en arrivais à me demander si la renaissance de ma douleur n'était pas due à des causes toutes pathologiques et si ce que je prenais pour la reviviscence d'un souvenir et la dernière période d'un amour n'était pas plutôt le début d'une maladie de cœur (Proust,Fugit.,1922, p. 533). II. − Absol., HIST. A. − La Renaissance. Mouvement social et culturel, fondé sur un retour aux modèles de l'Antiquité Classique, qui bouleversa la pensée, l'organisation et l'art de la société occidentale au xveet xviesiècles; période historique correspondant à ce phénomène. Humanisme de la Renaissance; Renaissance allemande, française, italienne; érudits de la Renaissance. Les gens de la Renaissance se servaient de l'Antiquité pour justifier leur sensualisme débridé (Barrès,Cahiers, t. 3, 1904, p. 274).La poussée platonicienne de la Renaissance avait implanté un idéalisme viré progressivement au dogmatisme (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 155). − BEAUX-ARTS, LITT. Retour aux canons artistiques et aux thèmes de l'antiquité gréco-latine, qui apparaît en Italie puis en Europe au xvesiècle, marquant la fin de l'esthétique médiévale et le début d'une ère nouvelle. Architecture, édifice, tableau, fresque de la Renaissance; la Pléiade est la grande école poétique de la Renaissance en France. Si Pise a, la première, entrevu l'antiquité, c'est à Florence que s'est accompli le mouvement de la Renaissance (Ménard,Hist. Beaux-Arts,1882, p. 43): 3. En peinture (...), la Renaissance a substitué, dans les pays de culture française, à une école originale qui, avec les Van Eick, avec Memling, avec Clouet, comptait déjà des maîtres, les modèles italiens. Il n'a pas fallu moins de deux siècles pour que le goût national se dégageât de ce servage et avec Boucher, avec Greuze, avec Fragonard nous restituât une peinture française.
Gaultier,Bovarysme,1902, p. 105. − En appos. avec une valeur d'adj. (inv. dans cet empl.; le plus souvent avec une majuscule). Relatif à la Renaissance, qui appartient à la Renaissance ou évoque celle-ci. Architecture, style Renaissance; autel, château, cité, coffre, maison, mobilier, portail Renaissance. Du côté de la ville, la silhouette de la mairie moderne, avec son faux clocheton Renaissance, offensant bêtement l'étendue harmonieuse (Mauclair,De Watteau à Whistler,1905, p. 20).Vous discuterez avec lui sur l'ordre et la liberté, l'armée et la révolution (...). Ce sera très renaissance aussi (...) comme le château lui-même, ce dialogue à la Platon (Bourget,Némésis,1918, p. 74). B. − P. anal. 1. HIST. Renaissance carolingienne. Période de rénovation culturelle qui se manifeste avec intensité pendant et après le règne de Charlemagne. Après Pépin Le Bref, c'est la renaissance carolingienne qui se produit en partie sur les bords du Rhin, agit sur la province rhénane et par elle sur l'Allemagne entière (Barrès,Cahiers, t. 12, 1919, p. 102). 2. Période marquée par un retour à des modèles anciens et/ou par un renouvellement des valeurs qui l'ont immédiatement précédée, où se manifestent des innovations et des progrès dans de nombreux domaines. La renaissance du XIIIesiècle. 1802 marqua une ère nouvelle; il y eut renaissance, retour à l'antique esprit ou du moins à de nobles formes de la tradition (Sainte-Beuve,Chateaubr.,1860, p. 31).Toute époque peut être appelée renaissance, car sa totalité ne peut surgir que dans ce mouvement qui transcende le présent particulier en lui choisissant ses héros, sa tradition et son avenir (J. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 39). Prononc. et Orth.: [ʀ
ənεsɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. 1363 théol. renaiscence par baptesme (Miracles de N.-D., XXI, 1456, éd. U. Robert, t. 3, p. 291); 2. av. 1563 « nouvelle naissance, réincarnation de l'âme après la mort » (La Boétie, Lettre de consolation de Plutarque à sa femme ds
Œuvres, éd. P. Bonnefon, Bordeaux, 1892, p. 198); 3. a) 1598 en parlant d'un corps physique (Joub., Gr. chir., p. 430 ds Gdf. Compl.: Cheute des cheveux et renaissance de subtils); b) 1515 sylvic. (Ordonnance sur la chasse, les forêts, droits d'usage, in Rec. gén. anc. lois fr. t. 12, p. 60 ds Quem. DDL t. 30); 4. fig. a) α) 1692 « réapparition nouvel essor (de quelque chose) » la renaissance des lettres humaines (Le Maistre ds Bouhours, Rem. nouv. sur la lang. fr., 3eéd., Paris, G. et L. Josse, p. 446); 1801 renaissance des sciences (Crèvecœur, Voyage, t. 1, p. 226);
β) spéc. 1828 hist. litt. poètes de la renaissance venus du temps de Henri II (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., Append. pièces et notes), cf. id. cette grande renaissance des lettres (Id., ibid., p. 41); 1829 beaux-arts les artistes de la Renaissance (H. Fortoul ds R. de Paris, 1829, t. 3, p. 43, d'apr. M. Françon ds Mod. lang. Notes, t. 72, 1957, p. 200); 1831 (Balzac, Peau chagr., p. 20); en appos. avec valeur d'adj. 1835 maison renaissance (Michelet, Journal, p. 196); 1848 ameublement renaissance (Flaub., Champs et grèves, p. 159); b) 1816 « nouvelle naissance, épanouissement (de quelqu'un) » (Maine de Biran, Journal, 1814, p. 16). Dér. de renaître* d'apr. naissance*. Fréq. abs. littér.: 1 064. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 534, b) 1 389; xxes.: a) 1 611, b) 1 501. Bbg. Buck (A.). Die Humanistische Tradition in der Romania. Bad Homburg, 1968, pp. 38-39. − Françon (M.). Classification et périodisation... St. fr. 1975, t. 19, p. 403. − Nordström (J.). Moy. Âge et Renaissance. Paris, 1933, pp. 15-75. |