| RENÂCLER, verbe I. − Empl. intrans. A. − [Le suj. désigne un animal, en partic. un cheval] Renifler fortement pour manifester du mécontentement, un refus (v. renifler I A 1). Le valet de Bellombre (...) attelait le cheval qu'il avait amené, quoique l'animal renâclât de peur à l'aspect terrifiant pour lui du squelette et à l'odeur fauve du loup dont le sang tachait la neige (Gautier, Fracasse, 1863, p. 175). − P. ext. Renifler fortement. Il remonta le Nil à Ourondogami: les hippopotames renâclaient dans l'eau (A. France, Servien, 1882, p. 79).Nous revenions à pas lents par le marché où les chameaux renâclaient en broutant du bois sec (Jammes, Rom. du lièvre, Notes sur Alger, 1903, p. 284). − P. anal. Mon père lança le volant sans résultat. Le moteur toussait, râlait, renâclait sans se décider (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 84). B. − [Le suj. désigne une pers.] Renifler fortement (v. renifler I A 2). Ses narines en furent tout humectées et il dut renâcler un bon coup avant de reprendre sa démonstration (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 214). II. − Empl. trans. indir. A. − [Le suj. désigne une pers.] Témoigner de la répugnance, de la mauvaise volonté (devant une obligation désagréable ou une chose qui provoque le dégoût). Synon. rechigner.Renâcler à la besogne, à une démarche; renâcler devant un problème, un obstacle; exécuter une corvée sans renâcler. Lantier prétendait maigrir (...), renâclait sur les potées de pommes de terre (Zola, Assommoir, 1877, p. 649): Oui, c'est vraiment cet amour du risque, du péril, le sombre et malsain attrait des embêtements, qui pousse les mâles à se fourrer dans ce guêpier [le mariage]. S'ils y renâclent un peu, le monde parle de leur « lâcheté ».
Montherl., Démon bien, 1937, p. 1255. − Empl. abs. De mon temps tout le monde chantait (...). Dans la plupart des corps de métiers on chantait. Aujourd'hui on renâcle (Péguy, Argent, 1913, p. 1103). B. − [Le suj. désigne un cheval] Renâcler devant un obstacle. Nous avancions assez lentement, car (...) nos montures renâclaient devant les degrés glissants (Mille, Barnavaux, 1908, p. 171). Prononc. et Orth.: [ʀ
ənɑkle], (il) renâcle [-nɑ:kl]. Ac. 1694-1740: renasquer; 1762: renâcler, renasquer, renifler; dep. 1798: renâcler. Étymol. et Hist. 1. 1725 intrans. « crier après quelqu'un » (N. Ragot, Vice puni ou Cartouche, d'apr. Sain. Sources Arg. t. 1, p. 336a); 2. 1762 id. « faire un certain bruit en retirant impétueusement son haleine par le nez, lorsqu'on est en colère » (Ac., s.v. renasquer, forme qualifiée de ,,pop.``); 1848 p. ext. (Flaub., Champs et grèves, p. 163: nous sommes montés dans notre wagon [...] la bête de fer a renâclé comme un cheval qui piaffe); 3. a) 1819 intrans. « hésiter, refuser de faire » (Boiste); b) 1835 il renâcle à cette besogne (Ac.). Altér. tardive, peut-être par croisement avec renifler*, du m. fr. renaquer (1355 renaquer arriere) « réfréner par des tergiversations » (lat. retro revocanda, Liv. II, 45,7) Bersuire, Tit.-Liv., Bibl. nat. fr. 20312 ter, fol. 44 r ods Gdf. Compl.; av. 1555 renasquer « témoigner sa colère en ronflant, jurant » Tahureau, Prem. dial., p. 31 ds Hug., s.v. renaguer), dér. à l'aide du préf. re-*, de l'a. fr. naquier « flairer » (1260-80 pic., Guillaume d'Amiens, Dit, éd. A. Jeanroy, 135 ds Romania t. 22, 1893; encore relevé au xvies., Hug.), nascïer « parler du nez » (fin xiiies., Gautier de Bibbesworth, Traité, 1074 ds T.-L.), le type en [-K-] relevé bien au-delà du domaine pic. (cf. bourg. naquai) s'expliquant plutôt par une infl. des dér. du rad. nak-, de sens voisin, (m. fr. naquer « mordre (en parlant d'un chien); ronger » Cotgr. 1611; v. FEW t. 7, p. 27b) que par une ext. du type dial. Nascier est issu du lat. vulg. *nasicare, dér. de nasus, v. nez. Fréq. abs. littér.: 71. DÉR. 1. Renâclement, subst. masc.Reniflement bruyant d'un animal ou d'une personne. Ce petit homme sur le dos, (...) ronflait avec un bruit de tuyau d'orgue, des renâclements prolongés, des étranglements comiques (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Avent. paris., 1881, p. 767).Le cheval (...) repartait, tendant le cou avec un renâclement qui lui faisait trembler le ventre (Giono, Que ma joie demeure, 1935, p. 57).P. anal. De la pièce voisine venait le langage haché de la machine à écrire, le renâclement de son petit chariot (Colette, Chambre hôtel, 1940, p. 179).− [ʀ
ənɑkləmɑ
̃]. − 1reattest. 1837 (Th. Gautier, Fusains et eaux-fortes, p. 194 ds Quem. DDL t. 25: renâclement d'un serpent de mer); de renâcler, suff. -(e)ment1*. 2. Renâcleur, -euse, adj.,rare. Qui renâcle. Cheval renâcleur (Rob.). Au fig. Qui proteste. Synon. grognon, râleur. (Dict. xxes.).− [ʀ
ənɑklœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1881 (Rigaud, Dict. arg. mod.); de renâcler, suff. -eur2*. BBG. − Esnault (G.). Lois de l'Arg. R. de Philol. fr. 1929, t. 41, p. 120. − Quem. DDL t. 25 (s.v. renâclement). |