| REMANIER, verbe trans. I. A. − Apporter des modifications plus ou moins importantes à un ensemble. Synon. changer, modifier, réaménager, retoucher, transformer.Remanier un appartement, une propriété. Monsieur se retirait dans son cabinet où il faisait des patiences et remaniait l'harmonie de sa collection de pipes (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 347): Louis XIV préféra donc négocier un traité de partage de la succession espagnole et, pendant près de trois ans, la carte de l'Europe fut maniée et remaniée de façon à donner satisfaction à tous les compétiteurs, Habsbourg et Bourbon, Bavière et Savoie.
Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 250. − En partic. 1. [Le compl. d'obj. dir. désigne un ouvrage de l'esprit, une œuvre d'art] Modifier, en travaillant à partir des matériaux primitifs, ou d'une partie de ceux-ci. Remanier un article, un roman, une législation. Marcel, qui avait refait dix fois, et du haut en bas remanié cette toile, attribuait à une hostilité personnelle des membres du jury l'ostracisme qui le repoussait annuellement du salon carré (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 179).D'un accord commun, nous trouvions pitoyable que l'on rayât des exemples de grammaire le mot « Dieu » et que l'on remaniât un petit manuel parce qu'il s'y trouvait l'expression « Dieu est grand » (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 35). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne un ensemble de pers., un corps constitué] En modifier la composition. Remanier une équipe de football. Dans l'intérieur de mon ministère, je songeais à remanier les consulats (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 206).J'ai remanié ma police à Lyon, j'en réponds. Il n'y en a pas une dans toute la France qui la vaille (Barrès, Cahiers, t. 3, 1904, p. 244). ♦ Remanier le cabinet, le ministère, le gouvernement. Modifier la composition d'un gouvernement par renouvellement des ministres ou par redistribution des portefeuilles ministériels. Mais l'on prévoyait aussi que le président du conseil resterait le même, et qu'il se bornerait à remanier son ministère (Arland, Ordre, 1929, p. 271).C'est dans la nuit du 5 au 6 juin que M. Paul Reynaud, en remaniant son gouvernement, m'y fit entrer comme sous-secrétaire d'état à la défense nationale (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 43). B. − Empl. techn. 1. CONSTR. Refaire partiellement ou complètement un ouvrage, un édifice, en utilisant des matériaux de même nature. Remanier un carrelage, un pavage. Ce qui achevait de rendre l'instant favorable pour une tentative d'évasion, c'est que les couvreurs remaniaient (...) une partie des ardoises de la prison (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 172). 2. TYPOGR. Introduire des modifications dans une composition ou une page, pour tenir compte de suppressions ou d'ajouts et, en partic., recomposer en plus grands ou en plus petits caractères. Remanier une feuille, une page. Il faudrait que ce soir, à quelque heure que ce soit, j'aie toute cette recomposition en page et imposée, fût-il minuit, car il faut enlever nos 12 feuilles en 4 jours, et en même temps remanier en p(eti)t texte n(otre) second volume (Balzac, Corresp., 1837, p. 355). II. − Façonner, manier, manipuler de nouveau. Il manie et remanie cette pièce pour en découvrir le mécanisme (Littré).Il a manié et remanié ces étoffes sans avoir pu se décider pour aucune (Ac.1935).J'étais comme un sculpteur qui mettrait ses mains sur un marbre, rêvant qu'il remaniât une terre encore humide et molle (Valéry, Variété V, 1944, p. 196). − Au fig. Prendre en considération pour éventuellement modifier. Mais justement le phénomène de l'habitude nous invite à remanier notre notion du « comprendre » et notre notion du corps (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 169). Prononc. et Orth.: [ʀ
əmanje], (il) remanie [-ni]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. Ca 1245 « arranger, apprêter de nouveau » (Philippe Mousket, Chron., 16276 ds T.-L.); 2. 1552 « manier, manipuler de nouveau » (Est.); 3. 1604 remanier a bout (terme de couvreur) (Actes de Sully, éd. F. de Mallevoue, 226); 1732 « relever un pavé » (Trév.); 4. 1680 typogr. (Rich.). Dér. de manier*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 163. DÉR. 1. Remaniable, adj.Qui peut être remanié. Ouvrage remaniable. Une épreuve dans la typographie est toujours remaniable (Littré).− [ʀ
əmanjabl̥]. − 1reattest. 1870 (ibid.); de remanier, suff. -able*. 2. Remanieur, -euse, subst.Personne qui apporte des modifications à un ouvrage dont il n'est pas l'auteur. Un jongleur a composé ce recueil des « proverbes au vilain », dont le succès a été si grand et que divers remanieurs ont amplifié petit à petit de nouvelles trouvailles de leur cru (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 124).Faut-il, par exemple, poser en principe, comme certains érudits semblent le faire, que les remanieurs vont constamment multipliant les inventions nouvelles; en sorte que le texte plus sobre et le moins invraisemblable aurait toujours chance d'être le plus ancien? (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p. 55).− [ʀ
əmanjœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1832 (S. Marin, Hist. de la vie et des ouvrages de M. de Chateaubriand ds Quem. DDL t. 12); de remanier, suff. -eur2*. |