| REINE, subst. fém. A. − 1. Épouse d'un roi. La reine Marie-Antoinette; le roi et la reine; reine douairière; belle, jeune reine; la feue reine; Sa Majesté la reine; la chambre, le fauteuil, le lit de la reine. C'est là que repose une princesse de Lorraine, reine de France, épouse de Henri III (Jouy, Hermite, t. 1, 1811, p. 165). 2. Femme exerçant sous sa propre autorité le pouvoir souverain dans un royaume. La reine Élisabeth; la reine d'Angleterre; grande reine; être reine. Le prince consort Albert, mari de la reine Victoria (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p. 15). 3. Reine(-)mère. Mère du roi ou de la reine qui règne. [Un diamant] orne la couronne qu'a portée la reine-mère d'Angleterre au couronnement d'Élisabeth II (Metta, Pierres préc., 1960, p. 69). 4. En compos. Impératrice-reine. V. impératrice rem. 3. 5. Constr. partic., loc. (faisant allus. aux caractéristiques partic. − beauté, majesté, richesse, intelligence, etc. − qu'on prête aux reines ou présentant un rapport avec une reine déterminée). a) Empl. adj. Qui a certaines caractéristiques qu'on prête à une reine. Une miniature charmante de Marie [Stuart] (...) l'air moins reine et plus humain que sur la gravure qu'on vend partout dans Edimbourg (Michelet, Journal, 1834, p. 144).En entrant je la vis, ma future maîtresse, À côté du génie un peu reine et déesse (Sainte-Beuve, Livre d'am., 1843, p. 38). b) [En parlant (d'une partie) du corps, d'une attitude, d'un objet] De reine. Qui a certaines caractéristiques qu'on prête à une reine, aux objets qui lui sont propres; qui est digne d'une reine. Air, port de reine; linge de reine. Elle se redressa, elle eut une dignité de reine offensée, en disant: − Qu'est-ce qu'il lui prend, à ce cochon-là? (Zola, Nana, 1880, p. 1296).Cette femme vivante au corps de reine était à moi (Jouve, Scène capit., 1935, p. 245). c) En reine. À la manière d'une reine; autant, aussi bien qu'une reine; avec éclat, avec majesté. Traiter qqn en reine. Tu parles toujours en reine, ma bonne petite sœur (Sand, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 181). d) [Dans une compar. indiquant un summum] Danser, vivre comme une reine. La chanteuse lui paraissait belle comme une reine, avec ses bracelets, ses pendeloques et la queue mouvante de sa jupe (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 140).Il entama l'éloge d'Amédée, dit qu'elle serait avec lui heureuse comme une reine (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 296). e) À la reine. [Qualifie qqc. d'élégant, de raffiné ou ayant un rapport avec une reine déterminée] − Herbe* à la reine. − ART CULIN. Coulis ou purée de volaille à la reine (Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p. 131). Bouchée à la reine. Petit vol-au-vent. Viens (...). Tu mangeras une purée de marrons, je ne te dis que ça, et il y aura sept petites bouchées à la reine (Proust, Guermantes 1, 1920, p. 488).ARTS. Porcelaine à la reine/Reine. Porcelaine fabriquée dans une manufacture qui avait reçu la protection de la reine Marie-Antoinette. Il avait, subtil amateur, discerné, parmi les objets saisis, un pot à eau de porcelaine à la Reine (A. France, Orme, 1897, p. 192).Siège (chaise, fauteuil) à la reine. Siège dont le dossier, de forme ovale et de plan droit, fut adopté par la reine Marie Leczinska. Le type de siège le plus répandu est celui qui s'inspire des chaises dites « à la reine » (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 171). 6. P. méton., JEUX. [La personne de la reine sert de réf. à des pièces de jeux] ÉCHECS. Seconde pièce du jeu, après le roi, représentant de façon parfois stylisée, une reine. Dès le début de la dernière [partie d'échecs] j'avais perdu ma reine par inadvertance (Amiel, Journal, 1866, p. 444).CARTES. Synon. rare de dame1.V. ce mot ex. 12. B. − P. anal. (de souveraineté, de majesté; l'anal. porte sur des femmes ou sur des animaux, des végétaux, des choses de genre fém.). 1. [Le subst. désigne une pers. de sexe fém.] a) Celle qui domine quelqu'un, quelque chose, qui l'emporte sur les autres au sein d'un groupe, dans un lieu, dans une situation donnée, par différentes qualités. Reine de l'élégance, de la fête, de la mode. Maison, dont j'étais, maintenant, la reine et la fée (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 136).Reine des gaffeuses, ne dites pas cela devant Sophie (Cocteau, Parents, 1938, ii, 1, p. 231). b) En partic. − Femme qui règne sur le cœur d'un homme, femme aimée d'un homme. L'arrivée aux Ternes, dans ce bonheur inexprimable d'y établir ma reine (Michelet, Journal, 1857, p. 348).[L'homme à femmes] sera toujours prêt à sacrifier ses devoirs et ses intérêts à un rendez-vous avec la reine du moment (Bourget, Physiol. amour mod., 1890, p. 48). ♦ Empl. hypocor. Sans doute que je suis un homme sans lumière et sans beauté Mais je vous aime, mon ange, ma reine, ma chérie! (Claudel, Annonce, 1912, ii, 3, p. 55). − Jeune fille élue par un groupe pour le représenter pendant un temps déterminé. Grand banquet qui réunissait autour de la Reine des Reines des Marchés plusieurs députés et conseillers municipaux (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 240).Au cours de la soirée, il sera procédé à l'élection de la reine de Provence (...) par un jury de vedettes, présidé par la reine de Paris (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 2). − Reine de beauté. Jeune femme choisie comme étant la plus belle dans une assemblée, un concours de beauté (v. miss C). En 1839 Lord Eglinton avait organisé un tournoi sur ses terres (...). Une des amies de Dizzy, Lady Seymour, avait été la Reine de Beauté (Maurois, Disraëli, 1927, p. 151). − Reine de mai. Petite fille ou jeune fille qui se trouve en tête du cortège ou que l'on promène lors des fêtes traditionnelles de mai. C'est en chantant que les enfants (...) promènent leur reine de mai (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 105). − Reine de la fève (vieilli), reine. Quand on tire les rois, celle qui trouve la fève dans le gâteau ou celle qui est choisie par le roi, celui qui a trouvé la fève: Chaque année, M. Chantal était roi (...) et il proclamait reine MmeChantal. Aussi, fus-je stupéfait en sentant dans une bouchée de brioche quelque chose de très dur qui faillit me casser une dent (...) Chantal s'écria en battant des mains: « C'est Gaston. C'est Gaston. Vive le roi! vive le roi! » (...) Chantal reprit: « Maintenant, il faut choisir une reine. » (...) Je tendis mon verre à la reine (...) tout le monde cria: « La reine boit! la reine boit! »
Maupass., Contes et nouv., t. 2, MllePerle, 1886, pp. 629-631. − Reine du bal. Femme qui ouvre le bal; femme pour qui est donné le bal; femme la plus brillante du bal. Il était impossible d'avoir plus de succès. Elle était la reine du bal (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 288). − Poét. La reine des nuits, des ombres. La lune. Le soleil a cédé l'empire À la pâle reine des nuits (Lamart., Médit., 1820, p. 188).V. ombre1I D ex. de Lamartine. c) RELIG. CHRÉT. La reine du Ciel, des anges, des Apôtres, des Confesseurs, des Martyrs, des Vierges. La Vierge Marie. Quand ils invoquèrent la Reine des Apôtres, la Reine des Martyrs, la Reine des Confesseurs, tous tombèrent à genoux dans les feuilles mortes (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 75).Les cloches jouent un vieil air de menuet en l'honneur de la Reine du Ciel (Barrès, Cahiers, t. 13, 1920, p. 36). 2. Animal, végétal, chose qui domine, l'emporte sur les autres au sein d'un groupe, dans un lieu donné, par ses qualités propres. a) [Chez les insectes sociaux (fourmis, termites, guêpes et surtout abeilles)] Femelle féconde unique d'une colonie, d'une ruche. Reine d'abeilles, des abeilles; reine termite. Les fourmis sont en grand émoi: L'âme du nid, la reine est morte (Rollinat, Névroses, 1883, p. 234).J'ai plus d'une fois, comme tout amateur d'abeilles, fait venir d'Italie des reines fécondées (Maeterl., Vie abeilles, 1901, p. 61). b) [Le subst. désigne une plante ou un fruit] La laitue est la reine des salades (Gressent, Potager mod., 1863, p. 773). ♦ La reine des fleurs. La rose. Voyez la reine des fleurs, formée de portions sphériques, teinte de la plus riche des couleurs, contrastée par un feuillage du plus beau vert, et balancée par le zéphir (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 259). − En partic. [Entre dans la dénom. de certaines plantes] Reine(-)des(-)bois. Synon. aspérule* odorante, muguet* des bois, petit muguet*.Baube: (...) Les étoiles brillent en haut. Violaine: Plus que Parfondeval n'est étoilé de reines-des-bois (Claudel, Violaine, 1892, iv, p. 549).V. reine(-)des(-)prés, reine-marguerite. c) [Le subst. désigne une chose concr.] La grande colonie de Saint-Domingue. Cette reine des Antilles (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 315).La reine de la circulation était, bien entendu, la diligence! (P. Rousseau, Hist. techn. et invent., 1967, p. 252). ♦ La petite reine. La bicyclette. Alors commence l'ère des classiques, qui vont consacrer le triomphe de la petite reine: Bordeaux-Paris (1891), Paris-Roubaix, Paris-Tours (1896) (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1952, p. 137). − Empl. adj. Cité reine. La volute (...) va devenir reine (Fillon, Serrurier, 1942, p. 26). − En compos. En ce jour solennel, la ville-reine est, dès le matin, environnée d'un nuage d'encens (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 306). d) [Le subst. désigne une chose abstr.] L'opinion, reine du monde. L'amour (...) est la reine de toutes les passions (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 554).La mécanique analytique est la reine des sciences (Valéry, Variété IV, 1938, p. 116). − Empl. adj. XVIIIesiècle, époque triomphale de la sensibilité reine? (L. Febvre, Sensibilité et histoire, [1941] ds Combats, 1953, p. 235). − En compos. L'une de ces idées, de ces idées-reines (Thibaudet, Princes lorr., 1924, p. 115). REM. Réginal, -ale, -aux, adj.Qui est le propre d'une reine, qui en a certaines caractéristiques (souveraineté, majesté). Cet astre réginal, cette splendide étoile toute seule au bandeau du ciel transparent (Claudel, Soulier, 1929, 1rejournée, 7, p. 681). Prononc. et Orth.: [ʀ
εn]. Homon. raine, rêne, renne. Ac. 1694: reine, reyne; dep. 1718: reine. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 reïne « femme d'un souverain » (Roland, éd. J. Bédier, 634); 2. ca 1160 raïne « souveraine » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1524); 1559 Royne mère (Du Bellay, Divers jeux rustiques, éd. Ad. van Bever, p. 259); 1680 à la reine (Rich., s.v. pain); 3. a) ca 1145 reïne désigne la Vierge (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 117); b) 1377 royne de la fevre « celle qui tire la fève dans sa part de gâteau (le jour des Rois) » (Rec. Joursanvaux ds le Cabinet historique, 1871, p. 122); c) ca 1380 roine (du jeu d'échecs) (Jean Lefèvre, trad. La Vieille, éd. H. Cocheris, p. 80); 1690 reyne (d'un jeu de cartes) (Fur.); 4. a) ca 1250 reïne « celle qui domine » (Joufroi de Poitiers, éd. P. B. Fay et J. L. Grigsby, 226); b) 1907 reine-bicyclette « bicyclette » (Almanach Hachette pour 1908); 1911 petite reine (La Montagne, numéro 3, mars, p. 155 ds Quem. DDL t. 22); 5. 1751 reine « femelle féconde unique dans la ruche ou essaim, chez les abeilles » (Encyclop. t. 1, p. 18a). Du lat. regina « reine », dér. de rex, regis, roi*. Cf. le m. fr. regine « id. » 1465-92 ([Jean Molinet], Myst. de St Quentin, éd. H. Chatelain, 12608) − 1512, J. Marot, Poème inédit, éd. G. Guiffrey, vers 797, p. 111. Fréq. abs. littér.: 6 176 (reine-mère: 41). Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 14 272, b) 7 224; xxes.: a) 7 781, b) 5 534. Bbg. Quem. DDL t. 4, 9, 13, 16, 20. |