| REGORGER, verbe I. − Empl. intrans. A. − [Le suj. désigne un liquide, une substance] Couler, se répandre (hors des limites d'un réceptacle). Synon. déborder, refluer.Cette plaine où les eaux regorgent, où l'on a vu dans des inondations restées fameuses l'Ill et le Rhin réunir leurs eaux (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. de Fr., 1908, p. 226).[Saint-Jean] vit Boromé installé sur son traîneau comme un roi dans de grands coussins de peaux de mouton. La laine des bêtes regorgeait autour de son corps et autour de sa tête; elle se mêlait à son épaisse barbe blanche (Giono, Batailles ds mont., 1937, p. 230). − P. métaph. Par toutes les barrières la population des banlieues regorgea dans la capitale (Gozlan, Notaire, 1836, p. 246).Les peintures plafonnent dans la coupole [au Mont-Cassin], s'étalent dans la nef, regorgent sur les chapelles, s'emparent des coins, se déploient en compositions énormes (Taine, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 115). B. − Rare. [En parlant d'un être humain] Se trouver en abondance (dans un lieu). Il n'y a plus un chat à Paris, mais en revanche les étrangers y regorgent (Mérimée, Lettres Panizzi, t. 2, 1865, p. 133). II. − Empl. trans. A. − Regorger de qqc. [Le suj. désigne un réceptacle, le compl. un contenu] Être rempli, contenir en très grande quantité. Synon. déborder de, être bourré de, être plein à craquer (fam.); v. craquer1.Le placard regorge de provisions. Je sais que ton cœur qui regorge De vieux amours déracinés, Flamboie encor comme une forge (Baudel., Fl. du mal, 1861, p. 128).Tandis que les villages de la plaine regorgent de monde, ceux de la montagne sont déserts (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 253). − [Le compl. peut ne pas être exprimé] Les prisons regorgaient; l'accusateur public travaillait dix-huit heures par jour (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 109). B. − Vieilli, fam. Qqn regorge qqc.Quelqu'un rend, restitue quelque chose. Mon Blondet fait fusiller le vicomte comme espion, et nous fait mettre en prison, mon oncle et moi, comme complices. Nous n'en sommes sortis qu'en regorgeant tout mon or (Balzac, Vautrin, 1840, iii, 2, p. 60). − Faire regorger.Faire rendre gorge à. [Sylla] avait laissé Lucullus en Asie, pour lever les contributions de guerre, et sans doute pour faire regorger les publicains, affiliés au parti de Marius (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 194). Prononc. et Orth.: [ʀ
əgɔ
ʀ
ʒe], (il) regorge [-gɔ
ʀ
ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1360 « faire refluer (un fleuve) » (Froissart, Chron., éd. S. Luce, t. 3, p. 159); b) 1577 « rendre par contrainte (ce que l'on a acquis malhonnêtement) » (Gentillet, Disc. sur les moyens de bien gouverner, p. 31 ds Gdf. Compl.); c) 1580 « rendre par la gorge, vomir » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 151); 2. a) ca 1340 [éd. 1528] « s'épancher à l'extérieur, déborder » (Perceforest, vol. II, chap. XLIV ds Gdf. Compl.); 1493 (Martial de Paris, Vigil. de Charles VII, sign. Hii a, éd. 1493, ibid.); b) 1587 « être en surabondance » (La Noue, Disc. pol. et milit., 356 ds Littré); c) ca 1590 regorger de « déborder, être en abondance à partir de » (Montaigne, op. cit., p. 98); 3. ca 1501 regorger de « avoir en surabondance » (André de La Vigne, Dames de Lyon, Jardin de plaisance, CCXXV ds IGLF). Dér. de gorge*; dés. -er et préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 160. DÉR. Regorgement, subst. masc.a) Action de déborder par effet de trop plein. Le regorgement des humeurs, de l'urine. Le regorgement de la rivière a inondé la prairie (Ac.).b) Au fig. Surabondance. L'intérêt, qui se retrouve toujours dans de certaines scènes et dans d'admirables portraits des acteurs y languit [dans les Mémoires de Saint-Simon sous la Régence] par trop de plénitude et de regorgement (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 15, 1856, p. 449).Une compression de force, un regorgement de puissance et d'ardeur, mille violences tassées comme des ressorts dans un sac (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 172).− [ʀ
əgɔ
ʀ
ʒ
əmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1740. − 1reattest. 1522 (G. Briçonnet à Marg. d'Angoulême, Corresp., éd. C. Martineau et M. Veissière, t. 1, p. 192); de regorger, suff. -(e)ment2*. |