| REFORMER, verbe trans. A. − 1. Refaire ce qui était défait; donner une nouvelle forme, image, apparence. Un moment la voiture déchira les brumes qui aussitôt reformèrent leur rideau de grisaille autour du Chenal du Moine (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 273).[Dans un cont. métaph.] Oui, l'épreuve est bien le ciseau du sculpteur divin qui réveille, qui reforme en nous la créature céleste, et l'heure de la douleur suprême est celle de la suprême révélation (Monod, Sermons, 1911, p. 164). 2. Empl. pronom. Prendre une nouvelle forme, retrouver sa forme primitive; prendre une nouvelle apparence. À mesure que les rides de l'eau s'élargissaient et se mouraient, il vit l'apparition se reformer. Elle oscilla longtemps dans un balancement qui donnait à ses traits une grâce vague de fantôme (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 180).Le navire glisse sur l'eau, le flot fendu se reforme et le sillage s'efface (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 230). B. − 1. Reconstruire, recomposer, reconstituer ce qui avait été détruit, décomposé, dissous. Après avoir enlevé à la partie respirable sa base par le mercure, nous la lui avons rendue pour reformer de l'air en tout semblable à celui de l'atmosphère (Lavoisier, Chim., t. 1, 1789, p. 49).Une masse vitreuse qui, redissoute dans l'eau, reforme de nouveaux cristaux (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 542). 2. Empl. pronom. Se reconstituer, se recomposer, se régénérer. Au-dessus d'une certaine température, les complexes phosphorescents peuvent se dissocier pour se reformer par refroidissement (M. Curie, Luminescence, 1934, p. 24).Une lueur louche rampe encore autour du village, une espèce de brume au flanc roux que l'aube dissipe chaque matin, qui se reforme chaque soir, là-bas (...) au-dessus des étangs décolorés (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1434). − Empl. pronom. impers. Plus de fièvre; la suppuration s'arrête, et il est presque certain qu'il ne se reforme pas de foyer dans la cuisse (Flaub., Corresp., 1846, p. 52).Au fig. Le roi se préparait à rentrer dans son palais, moi dans ma retraite. Le vide se reforme autour de monarques sitôt qu'ils retrouvent le pouvoir (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 627). C. − 1. Regrouper ce qui avait été dispersé; organiser, mettre selon une certaine disposition des éléments divers, épars. Reformer les rangs. Tous reformèrent le cercle autour du foyer tandis que Diavolaccio s'éloignait (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 441).Si la Pologne eût été reformée en royaume, la race slave depuis la Baltique jusqu'à la Mer Noire reprenait son indépendance (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 414). − ART MILIT. Ce chef, un grand sec, arrêtait son monde et le reformait au milieu des landes et des broussailles (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 218).Situation qui imposait au commandant de la 4earmée la nécessité de reformer ses unités dissociées (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 294). 2. Empl. pronom. Se regrouper, s'organiser selon une disposition nouvelle ou selon l'ancienne. La Révolution avait été non avenue pour le monde où je vivais. Les idées religieuses du peuple n'avaient pas été atteintes; les congrégations se reformaient (Renan, Souv. enf., 1883, p. 145).Des espaces restaient vides, des groupes se formaient, s'émiettaient, allaient se reformer plus loin (Zola, L'Œuvre, 1886, p. 309). − ART MILIT. Se rallier, se regrouper. Les divisions (...) du corps du maréchal Soult résistèrent bravement au feu terrible des redoutes, et permirent à la cavalerie de Murat (...) de se reformer et de reprendre l'avantage (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 145).Cette retraite, aussi lente et mesurée que possible, doit permettre aux troupes de se reformer et de s'établir à nouveau sur les positions que fournit la route (Foch, Princ. guerre, 1911, p. 258). Prononc.: [ʀ
əfɔ
ʀme], (il) reforme [ʀ
əfɔ
ʀm]. Étymol. et Hist. A. 1. 1174 refurmer « rétablir » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 3201); 2. ca 1440 « créer, produire à nouveau » (Le Cycle de Mystères des premiers martyrs, éd. G. A. Runnalls, v. 295, p. 75). B. 1. 1269-79 verbe pronom. « prendre une nouvelle forme » (Jean de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 5904); 2. 1787 « se rallier (de troupes dispersées) » (Fér. Crit.). Dér. de former*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 298. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 152, b) 323; xxes.: a) 395, b) 722. |