| REBUTER, verbe trans. A. − Vieilli 1. Rebuter qqn.Repousser quelqu'un de façon humiliante. Il voulait entrer mais on le rebuta à la porte (Ac.).Cet homme, jadis fort bel archer, avait été recherché en mariage par plusieurs riches paysannes du pays de Lorch; mais il avait rebuté les épouses (Hugo,Rhin, 1842, p. 188).Tu fis bien de te tourner vers Dieu, qui seul ne rebute pas les élans d'un cœur simple (Sand,Hist. vie, t. 3, 1855, p. 146). 2. Rebuter qqc.Rejeter quelque chose que l'on juge sans valeur. Je n'ai pas, madame, la prétention d'un Critique, mais je vais continuer la charge que j'avais acceptée de vous dire ce qui me plaît ou ce que je rebute dans les ouvrages nouveaux (Balzac,
Œuvres div., t. 3, 1840, p. 272).[Un jardinier] surveillait le brasier (...) − C'est rien que des débris qui étaient dans la resserre, près des écuries. Et de la mauvaise paille, et les paperasses que mademoiselle a rebutées (Lacretelle,Hts ponts, t. 1, 1932, p. 228). B. − 1. Rebuter qqn (de qqc.) a) Détourner quelqu'un (de quelque chose) en le dégoûtant; décourager. Synon. désespérer, écœurer, fatiguer, lasser.Ce qui fait un tort immense à la religion, c'est la mauvaise littérature religieuse, les niaiseries qui rebutent les bons esprits (Barrès,Cahiers, t. 10, 1913, p. 13).Absol. Il y a dans l'idée de durée attachée à une telle vie monacale quelque chose qui effraie, qui glace et qui rebute (Sainte-Beuve,Portraits littér., t. 3, 1846, p. 426). b) Choquer, déplaire, inspirer de la répugnance. Synon. dégoûter, repousser, répugner.L'aspect seul de ce plat rebute; il a une mine qui rebute. Cet homme a des manières qui rebutent tous ceux qui ont affaire à lui (Ac.1935). 2. Empl. pronom. réfl. Se dégoûter, se décourager. Mon père me cherchait un précepteur; mais l'homme qui eût convenu à cet emploi, il ne le rencontrait pas (...). Mon père néanmoins ne se rebutait pas (Balzac,
Œuvres div., t. 1, 1830, p. 254).Elle s'était vite rebutée du commerce, souffrant de l'immobilité, menaçant de tomber malade, se résignant pourtant, mais avec des attitudes de victime (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 225). REM. Rebutable, adj.,hapax. [Corresp. à supra B 2] Qui est susceptible de se rebuter. Les locataires ils y venaient tous, avec leur marmaille, pour voir si on l'évacuait leur merde et puis les papiers.. et les chiffons... Ils faisaient des tampons exprès... Caroline était pas rebutable, c'était une femme qui craignait rien (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 113). Prononc. et Orth.: [ʀ
əbyte], (il) rebute [ʀ
əbyt]. Barbeau-Rodhe 1930: je rebute [ʒ
ə
ʀbyt], [ʒ
ʀ
əbyt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Cf. ca 1170-80 le dér. a rebutons « de mauvais gré » (Guillaume de Saint-Pair, Roman du Mont St-Michel, éd. P. Redlich, 3760)] 1. a) Ca 1225 « repousser, récuser (une chose) » (Pean Gâtineau, St Martin, 2074 ds T.-L.: Lor jugement lor rebuta); b) 1559 « repousser, éconduire (une personne) » rebuter et éconduire un personnage (Amyot, trad. de Plutarque, Hommes illustres, Coriolan, XIX, éd. G. Walter, t. 1, p. 485); 2. xiiies. agn. part. passé adj. cynégét. faucon rebuté « devenu vieux, qui a perdu son courage pour voler » (ds G. Tilander, Glanures lexicogr., p. 218), ex. isolé; 1559 réfl. (Amyot, op. cit., Aratus, XLI, t. 1, p. 1133); 1580 trans. « décourager d'une action, d'une entreprise » (Montaigne, Essais, II, 17, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 650); 3. 1588 « inspirer l'antipathie, être déplaisant » (Montaigne, op. cit., III, VI, p. 904: L'immoderée largesse [...] rebute plus de gens qu'elle n'en practique); 1674 part. prés. adj. (Boileau, Art poétique, I, 61 ds
Œuvres, éd. F. Escal, p. 158); 4. ca 1590 réfl. « éprouver un dégoût physique » (Montaigne, op. cit., I, 42, p. 264). Dér. de buter*; préf. re-*, propr. « repousser du but ». A évincé l'a. fr. reboter « repousser » (1176-81 Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 3406), dér. de bouter*. Fréq. abs. littér.: 446. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 716, b) 412; xxes.: a) 586, b) 709. |