| RAYONNER1, verbe I. − [Corresp. à rayonnement] A. − 1. Empl. intrans., littér. Émettre des rayons lumineux, briller. a) [Le suj. désigne une source de lumière directe] Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait (Zola, Germinal, 1885, p. 1591): 1. Les lampes électriques du lustre, les ampoules lumineuses des appliques, au-dessus de la cheminée et de chaque côté de la glace ronde, toutes ces lumières rayonnaient, pures et immobiles, exprimant la sécurité au sein des richesses.
Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 192. b) [Le suj. désigne une source de lumière indirecte ou réfléchie] Le ciel était beau et la gelée rayonnait sous le soleil (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 13).La table (...) rayonnait doucement avec ses porcelaines, ses cristaux, et l'argent de ses couverts, ainsi que la terre au clair de lune (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 100). ♦ [P. réf. à la représentation conventionnelle de la lumière sous forme de triangles allongés] Le prêtre (...) posa sur la dentelle son grand soleil d'or qui rayonnait (Flaub., Cœur simple, 1877, p. 72). 2. Empl. trans. ou intrans. [En parlant de la chaleur] Se propager par rayonnement. La condensation de la vapeur est accompagnée d'un dégagement de chaleur; c'est ce dernier qui, par l'intermédiaire du radiateur, rayonne dans les locaux (Lar. mén.1926, p. 320).Tous les deux, nous avons bien bu, tout notre corps est à l'aise et fait rayonner une chaleur saine (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 293). ♦ Empl. trans., PHYS. Émettre ou propager par rayonnement. Antenne qui rayonne des ondes. Les considérations précédentes ont été étendues au soleil et l'on a proposé d'admettre que l'énergie qu'il rayonne est d'origine radioactive (H. Poincaré, Hyp. cosmogon., 1911, p. 220). B. − P. métaph. ou au fig. 1. Empl. intrans. ou trans. indir. a) [Le suj. désigne une pers. ou une chose abstr.] Briller d'un vif éclat. Vérités morales qui rayonnent (dans l'esprit). Il est bon, il est beau que les pensées rayonnent; mais il ne faut pas qu'elles étincellent, si ce n'est fort rarement (Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 96).Il aurait dû tout de même se méfier ce jour-là. Il était vraiment trop brillant, il brillait trop, il rayonnait trop parmi les docteurs (Péguy, Myst. charité, 1910, p. 112). b) [Le suj. désigne une pers. ou, p. méton. son visage; souvent avec un compl. introd. par de exprimant la cause] Refléter l'expression d'un grand bonheur, d'une vive satisfaction. Rayonner d'aise, de bonheur, de gloire, de jeunesse. M. Rambaud rayonnait d'avoir ainsi fait la paix avec sa petite chérie (Zola, Page amour, 1878, p. 946): 2. ... quand il avait vu, en rentrant, le visage de sa sœur rayonner d'une joie qu'elle s'efforçait en vain de cacher, il s'était senti plus heureux qu'il n'aurait pu l'être en entendant la plus belle musique du monde.
Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 876. − P. anal. Ce lieu rayonnait de gloire par la présence d'un certain nombre de brahmanes (Renan,Avenir sc., 1890, p. 470).Zaza de son côté luttait pour son bonheur. Sa première lettre rayonnait d'espoir (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 348). c) [Le suj. désigne une chose abstr.; avec un compl. prép. exprimant l'endroit, la destination] Répandre sa lumière. Jamais (...) la reine n'avait été plus séduisante; on voyait rayonner un air de triomphe et de plaisir dans ses beaux yeux (Scribe, Bertrand, 1833, v, 1, p. 215).Elle venait sans doute de prier car, sur ses traits fatigués, rayonnait une lueur de courage et d'espérance (Duhamel, Cécile, 1938, p. 261). d) [Le suj. désigne une chose abstr.; avec un compl. introd. par de précisant l'origine] Émaner. Le bonheur rayonne de tout son être. Cet éclat rayonnait de tout l'être: du jeune corps sculpté dans la blancheur d'un fourreau de moire ivoire; des lignes harmonieuses du buste (Vogüé, Morts, 1899, p. 61): 3. Mais de son front, de tout son visage rayonnait une flamme qui la distinguait de la souriante et banale vendeuse de magasin, − celle de sa foi révolutionnaire, issue des profondeurs les plus vivantes de son être.
Bourget, Actes suivent, 1926, p. 59. e) [Le suj. désigne une chose abstr.; souvent avec un compl. exprimant l'origine ou la destination] Exercer une influence en se propageant, faire sentir son action (sur une certaine étendue). Arts, sciences, civilisation, culture, pensée qui rayonne dans le monde; journal qui rayonne(nt) sur plusieurs départements. Hassler, le grand musicien qu'il avait tant aimé, quand il était enfant, et dont la gloire maintenant rayonnait sur tout le pays allemand (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 537).Les poètes, les grands politiques, les capitaines songent qu'ils se sont élevé un grand monument qui rayonnera quand leur corps sera défait (Barrès, Cahiers, t. 10, 1914, p. 259). 2. Empl. trans. [Le suj. désigne une pers.] Laisser apparaître clairement et répandre autour de soi. Rayonner l'amour, le calme, l'énergie, l'enthousiasme; rayonner une atmosphère apaisante. Le garde-à-vous réglementaire ne nous permettait pas de bouger la tête (...) mais nous sentions tous qu'un flottement s'était produit dans notre bande, et les plus résolus rayonnaient leur ardeur pour soutenir ceux qui s'abandonnaient (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 294): 4. ... ce docteur (...) entraîné en de longs voyages sur les côtes d'Afrique et au Levant, s'était embrasé de toutes les ardeurs du mysticisme arabe et alexandrin; il les rayonnait à son tour parmi la foule, que l'admiration de sa vie aventureuse réunissait avide autour de lui.
Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 52. II. − [Corresp. à rayon1] A. − [En parlant de choses concr.] Empl. intrans. ou trans. indir. Être disposé en rayons (v. rayon1C), en lignes divergentes à partir d'un centre. Sur un pan de muraille moins humide que les autres et tendu d'ailleurs d'un lambeau de serge verte, rayonnait un faisceau d'épées soigneusement fourbies (Gautier, Fracasse, 1863, p. 305): 5. ... un mode d'habitat où tout l'espace réservé aux maisons se concentre, où toutes les parcelles sont accessibles et d'où rayonnent en longues bandes les pièces de terre alloties à tour de rôle.
Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 182. − P. anal. [En parlant de choses concr. ou abstr.] Se manifester dans toutes les directions à partir d'un centre ou depuis des directions différentes vers un point de convergence. Synon. irradier.Les douleurs indiscrètes qui, de sa jambe, rayonnaient maintenant à travers tout son corps (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 247).Ces perversions (...) rayonnent toujours autour de l'inadaptabilité sociale, greffée sur l'anarchie des instincts (Mounier, Traité caract., 1946, p. 727). B. − [En parlant d'une pers. ou d'une chose concr.] Empl. intrans. ou trans. indir. Circuler, à partir d'un point donné, dans un certain rayon (v. rayon1D). Rayonner dans une région; service de cars qui rayonne autour, à l'entour d'une ville. Paris ne serait la métropole du monde que lorsque de toutes ses portes des chemins de fer partiraient pour rayonner sur la surface de la France (Gozlan, Notaire, 1836, p. 177): 6. C'est ainsi que Rémy, animateur magnifique et organisateur pratique, menant l'action secrète comme un sport grandiose mais calculé, opérait principalement à Paris et dans l'Ouest; que Bingen rayonnait dans le Midi; que Manuel inspectait sur place nos réseaux et nos transmissions.
De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 91. Prononc. et Orth.: [ʀ
εjɔne], (il) rayonne [-ɔn]. Homon. et homogr. rayonner2. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Intrans. 1. 1564 « émettre des rayons » (Thierry); 2. 1690 au fig. « étendre ses bienfaits ou son influence sur » (Fur.); 3. 1677 « avoir une expression de bonheur, laisser paraître la plénitude ou une satisfaction particulière » part. prés. adj. rayonnante (E. de Coulanges ds Sévigné, Lettres, éd. Monmerqué, t. 5, p. 349); 4. 1760 « être disposé, présenter une disposition en forme de rayons » (Bonnet, Ess. anal. âme, V, 21 ds Littré); 1765 rayonné (Encyclop. t. 5, p. 440a); 5. 1836 (v. supra II B). B. Trans. 1587 « émettre, diffuser » (Cholières, Apres disnees, f o213 v ods Gdf. Compl.). II. xiiies. trans. reoner « creuser des sillons dans » (Traité d'écon. rurale, éd. Lacour, chap. 10 ds Gdf.); 1564 rayonner (Ch. Estienne, L'Agric. et maison rustique, f o98 b). I dér. de rayon1*. II dér. de rayon3*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 1 080. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 161, b) 2 167; xxes.: a) 1 696, b) 1 420. |