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RAVAGER, verbe trans.
A. − Causer de graves dommages matériels à. Synon. détruire, dévaster, saccager.Ceux-ci étoient des peuples barbares, qui sortoient de temps en temps de leurs forêts, pour ravager les contrées voisines (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 478):
1. Chez François de Curel, en Lorraine, c'était le moyen âge. Il vous recevait dans un modeste castel au milieu de dix mille hectares de forêts, coupées d'étangs (...). Dans ces forêts glissaient des troupeaux de cerfs invisibles qu'il chassait seul (...). Le gibier, bien entretenu, ravageait les champs des paysans voisins; c'était l'usage... Chardonne, Ciel, 1959, p. 90.
Empl. abs. Pour vous autres, la mer n'est bonne qu'à piller et ravager, c'est l'éternelle ennemie (Malot, R. Kalbris, 1869, p. 26).
P. anal. Piller, endommager, porter préjudice à. Ils avaient pour elle des attentions, des délicatesses naïves. À quatre, ils ravageaient les jardins et les haies pour lui rapporter des fleurs qu'elle aimait (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 406):
2. ... toutes les ménagères (...) donnaient assaut aux occasions, aux soldes et aux coupons (...). Des mains en l'air, continuellement, tâtaient « les pendus » de l'entrée, un calicot à sept sous, une grisaille laine et coton à neuf sous, surtout un orléans à trente-huit centimes, qui ravageait les bourses pauvres. Zola, Bonh. dames, 1883, p. 617.
B. − [En parlant de fléaux naturels] Provoquer d'importants dégâts à; entraîner une mortalité élevée en, dans. Nous ne savions pas que la grêle venait de ravager plusieurs de nos provinces (Dusaulx, Voy. Barège, t. 2, 1796, p. 190).L'épidémie, après avoir ravagé l'armée devant Bourges, s'était étendue dans les villes qu'elle avait traversées (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 290).
C. − Au fig. Porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou morale de quelqu'un. Ravagé par la jalousie. Lui, prêtre, était capable de ravager sa vie pour tenir son serment, dans le combat de sa double hérédité, son père tout cerveau, sa mère toute foi (Zola, Lourdes, 1894, p. 290).Elle s'était seulement exposée sans précaution à des forces obscures qui avaient ravagé son âme (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 84):
3. Jean est côte à côte avec Daubigny, un territorial (...) la dysenterie le ravage, sa voix est cassée et sénile, le visage ne résiste à la débâcle que par les yeux bleus. Chardonne, Dest. sent., II, 1934, p. 327.
1. Empl. abs. Faire des dégâts. Je suis le feu et vous la glace. C'est une belle rencontre, et qui fume, et qui rage, et qui ravage, et lorsque le fer rouge pénètre la glace elle crache sa colère comme mille chats (Cocteau, Bacchus, 1952, ii, 8, p. 147).
2. Ravager de.J'ai des moments de doute qui me ravagent de tristesse. Il y a vraiment trop loin de ce que j'écris à ce que j'aurais voulu écrire (Green, Journal, 1932, p. 102).
3. Empl. pronom. S'angoisser, se désespérer. Je me ravagerai encore bien plus si tu t'amuses à démolir notre amour par rancune (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 83).
REM.
Ravageant, -ante, adj.Qui cause du ou des ravages (au sens propre et au fig.). C'est à cette mort, qui est venue si prématurément faire le vide autour de ma jeunesse, que j'ai attribué l'exagération ridicule de ces douleurs ravageantes qui vont me jeter dans l'éternité (Du Camp, Mém. suic., 1853, p. 271).Augustin avait, sans mot dire, porté tout le soir son chagrin ravageant, mêlé à la sourde douceur opiniâtre de se dire qu'elle était venue (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 303).
Prononc. et Orth.: [ʀavaʒe], (il) ravage [-va:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug., prend -e- devant -a- et -o-: ravageant, ravageons. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1300 revagier « arracher, par mesure pénale, les cultures d'une terre » (Etablissements de St Louis, I, XXVIII, éd. P. Viollet, t. 2, p. 41); 2. 1506-07 « ruiner par la violence, piller » ravager les navires (Jean d'Auton, Chron., éd. R. de Maulde La Clavière, XLIV, t. 4, p. 392); 1559 ravager [Megapolis] (Amyot, trad. Plutarque, Hommes illustres, Agis et Cléomène, LIII, éd. G. Walter, t. 1, p. 642); 1611 part. passé adj. (Cotgr.); av. 1704 armes ravageantes (Bossuet, 2eSermon Assompt. Vierge, 2 ds Littré); spéc. a) en parlant de fléaux atmosphériques 1611 inondations (Cotgr.); b) 1834 figure [...] ravagée par la petite vérole (Balzac, Rech. Absolu ds Œuvres, éd. P. G. Castex, Paris, 1979, t. 10, p. 668). B. 1. 1400 Poitou fig. « lever un impôt » (doc. ds Gdf.); 2. 1660 « avoir un effet néfaste, faire du mal » (Boileau, Satires, I ds Œuvres, éd. F. Escal, p. 14). Dér. de ravage*; dés. -er; la forme revagier est peut-être due à un changement de préf. (FEW t. 10, p. 63b, note 9); au sens B 1, le mot est dér. de ravage « sorte d'impôt » (1482 Orléanais ds Gdf.). Fréq. abs. littér.: 383. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 767, b) 404; xxes.: a) 607, b) 391.