| RAVAGE, subst. masc. A. − Dommage matériel grave causé par l'action dévastatrice des hommes ou des animaux. Ravage de la guerre. Mais Napoléon avait renoncé à être souverain, il ne demandait qu'un asile tranquille; il répugnait, pour un si mince résultat, à faire périr tous ses amis, à devenir le prétexte du ravage de nos provinces (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 32).On nous parle des ravages que ferait la bombe atomique mais il y a eu une bombe atomique, il y a eu le châtiment du péché originel qui nous a laissés dans un état de lamentable infériorité par rapport à ce que nous aurions dû être (Green, Journal, 1956, p. 235). B. − Dégât, mortalité provoqué(e) par la violence de fléaux naturels. Ravages du gel, de la grêle, de la peste. Ces messieurs, maintenant, causaient des inondations. Les ravages étaient épouvantables, dans les vallées du Rhône et de la Loire. Des milliers de familles se trouvaient sans abri (Zola, E. Rougon, 1876, p. 102): 1. ... le fléau [du phylloxéra] était à son comble et la dévastation chronique. Les plus heureux ne récoltaient pas de quoi boire le tiers de l'année sur toute l'étendue de leur vignoble. Et l'on restait là, béant, devant le ravage annuel, l'esprit et les bras effondrés.
Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 97. ♦ Faire du ravage. Quel travail! Ça en faisait du ravage, dans les légumes et dans les arbres à fruits! Les blés, les avoines, les seigles, n'étaient pas assez hauts, pour avoir beaucoup souffert (Zola, Terre, 1887, p. 114). C. − Dommage physique ou moral résultant de l'âge, des excès, des fléaux sociaux, de la maladie, etc. Les ravages de l'alcool; les ravages de la maladie, des passions. Aucun embonpoint ne voilait sur ses joues le ravage des années (Sand, Lélia, 1839, p. 521): 2. Je veux (...) analyser le ravage moral causé par cette dangereuse et délicieuse gymnastique [l'usage du haschisch], ravage si grand (...) que ceux qui ne reviennent du combat que légèrement avariés, m'apparaissent comme des (...) Orphées vainqueurs de l'Enfer.
Baudel., Paradis artif., 1860, p. 374. ♦ Ravages du temps. Signes de vieillesse, infirmités dues à l'âge. Que vient-elle conter, ma folle Bien-aimée, De charmes défleuris, de ravages du temps, De bandeaux de cheveux déjà moins éclatants? (Sainte-Beuve, Livre d'am., 1843, p. 27). − Loc. verb. fam. Causer, faire un/des ravage(s). Exercer un grand pouvoir de séduction. Si Chabin venait ici, il ferait un ravage de cœurs et serait capable de passer pour un aigle (Sand, Corresp., t. 2, 1830, p. 123).D'après ses dires, il avait fait des ravages dans les ateliers. C'était un bourreau des cœurs, un homme à femmes, et les ouvrières ne se comptaient plus qui s'étaient crêpé le chignon pour un regard de ses yeux langoureux (Cendrars, Main coupée, 1946, p. 23). − Au fig. Conséquence désastreuse, effet pernicieux. Sur le plan de la philosophie sans plus, les ravages du kantisme sont encore maintenant ou niés ou méconnus (L. Daudet, Stup. XIXes., 1922, p. 156). D. − Pop., vx. Débris métalliques recueillis par les ravageurs (v. ravageur II B). [Le recéleur de métaux:] Qu'est-ce- que c'est que tu m'apportes? (...) C'est pas du ravage; t'es trop feignant maintenant (Sue, Myst. Paris, t. 6, 1843, p. 132). Prononc. et Orth.: [ʀava:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1355 « dégât causé par une action violente et volontaire » pille et ravage (Bersuire, Tit. Liv., BN 20312 ter, fol. 11 v ods Gdf. Compl.); 2. a) 1543 « cours violent de l'eau » grand ravaige deaue (Selve, trad. Plutarque, Camille, 14 v ods Hug.); b) 1586, juin « dégât causé par un agent atmosphérique subit » (ap. J. Baux, Mém. hist. sur la ville de Bourg, t. 2, 1869, p. 175); 1588 fig. (Montaigne, Essais, III, VI, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 900); 3. av. 1680 « conséquence désastreuse » (Patru, Plaidoié, 1a ds Rich. 1680: l'interest est un monstre qui fait bien du ravage dans le monde); 1718 spéc. (Ac.: les passions font de grands ravages dans le cœur des jeunes gens); 1830 faire un, des ravages « exercer un grand pouvoir de séduction » (Sand, loc. cit.). Dér. de ravir*; suff. -age*. Fréq. abs. littér.: 600. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 380, b) 777; xxes.: a) 657, b) 561. |