| RASER, verbe trans. A. − Couper avec un rasoir. 1. a) [Le compl. d'obj. dir. désigne un système pileux] Raser les cheveux, la barbe de qqn. Elle lui fait raser sa moustache (Renard, Journal, 1900, p. 604). − Empl. pronom. Se raser la moustache. Il se rase la barbe, mais avec négligence (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 122). − Part. passé en empl. adj. Ras, tondu. Les cheveux courts ou longs, la barbe épaisse ou rasée (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 264).Elles avaient autant et plus à souffrir que lui. Cheveux rasés, condamnés à des années de détention (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 206). b) [Le compl. d'obj. dir. désigne une surface du corps poilue (généralement le visage ou le crâne)] Cette malheureuse femme s'est fait raser la tête (Hugo, L. Borgia, 1833, iii, 3, p. 178). − Empl. pronom. Se raser le cou, le menton. Il se rase les mollets et les bras (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 220).Elle se mit à se raser les jambes avec une application frénétique (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 325). − Part. passé en empl. adj. Crâne, menton rasé; tête rasée. Sa nuque rasée d'officier allemand faisant des plis comme un front (Malraux, Espoir, 1937, p. 620).La face était complètement rasée. Les sourcils touffus et les cheveux gris, presque blancs (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 12). c) [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Raser un malade, un soldat, un condamné, une parturiente. L'homme qui me rase et à qui je donne cinq sous m'est alors apparu comme une majorité (Goncourt, Journal, 1861, p. 883). − Empl. pronom. Se faire la barbe. Les hommes, qui se rasaient près des fenêtres, se retenaient de chanter, sifflotaient (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 26).Devant une glace ébréchée, je me rase attentivement (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 191): 1. À présent, il faut que je me rase. Il ramasse sa musette, s'approche d'une fenêtre, prend son rasoir, pose le morceau de miroir de biais sur le rebord de la fenêtre et se rase à sec; la douleur lui ferme à moitié les yeux.
Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 232. − Part. passé en empl. adj. Être bien, mal rasé; être rasé de frais (v. frais1), de près*. Je devais être toujours fraîchement rasé, fraîchement coiffé (Giraudoux, Simon, 1926, p. 59).Les acteurs comme les prêtres sont rasés (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 78). d) Absol. − L'étrenne de ma barbe, Suzanilla? − Non, merci, vous êtes beaucoup trop maladroit. Vous vous êtes encore coupé. − J'ai voulu raser de trop près (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 188). ♦ Demain* on rase gratis. ♦ Crème, mousse à raser. Crème, mousse amollissant la peau et le poil avant un rasage. Les produits de toilette et de beauté (crèmes à raser, fards, parfums, rouge à lèvres...) (Quillet Méd.1965, p. 313). 2. P. anal. ou au fig. a) Vieilli, pop. − Guillotiner. On n'a pas assez rasé de riches pendant la Révolution, voilà tout (Balzac, Paysans, 1844, p. 72). − Voler, ruiner. Synon. plumer, tondre.Si la princesse s'avisait d'avoir un favori? Boum. Nous serions rasés!... Il ne faut pas qu'elle en ait! (Meilhac, Halévy, Gde-duchesse Gérolstein, 1867, i, 7, p. 199). b) Fam. Ennuyer, importuner par des propos oiseux. Synon. bassiner, embêter, emmerder, enquiquiner, faire suer, faire chier.Le digne homme n'imagine pas combien il peut raser les élèves avec des propos de ce genre; chez lui si sincères qu'ils découragent l'ironie (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1015).Bien avant mon départ de Toulouse, il nous rasait déjà avec cette histoire (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 102). − Empl. pronom. S'ennuyer. Vrai, ce qu'on se rase, ici. Il n'y a pas une autre usine encore plus folâtre? (Colette, Cl. s'en va, 1903, p. 179). B. − P. anal. 1. Mettre à ras. a) [Le compl. d'obj. dir. désigne une constr. ou un ensemble de constr.] Détruire jusqu'au niveau du sol. La tour du château de Lusignan, en Poitou, rasé par ordre du roi à la fin du XVIesiècle (Durry, Nerval, 1956, p. 170).[La bombe H] peut sur le plan stratégique brûler et raser n'importe quelle ville au monde, détruire la civilisation, détruire peut-être l'humanité (Billotte, Consid. strat., 1957, p. 4016).Part. passé en empl. adj. Immeuble, quartier rasé; ville rasée. Le vieux château, rasé à une certaine hauteur, sauf la tour du diable (Michelet, Journal, 1831, p. 98).Une enceinte assez vaste, mais rasée à fleur de terre (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 246). b) Spécialement − BOT. [Le compl. d'obj. dir. désigne une plante, une végétation] Couper au ras du sol. [Henri] se trouva bientôt dans l'avenue du fond, que la Bricoline avait l'habitude de parcourir pendant des heures entières, et dont l'herbe avait été rasée par ses pieds en certains endroits (Sand, Meunier d'Angib., 1845, p. 239). ♦ Part. passé en empl. adj. Le gazon rasé, se collait misérablement contre les pentes (Taine, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 34). − MAR. [Le compl. d'obj. dir. désigne un navire] Couper les mâts. Les navires, ou démâtés, ou rasés au niveau des vagues, dérivent en brûlant (Chateaubr., Natchez, 1826, p. 276).Un vaisseau construit fut rasé (Michelet, Journal, 1847, p. 669). ♦ Part. passé en empl. adj. Le lendemain, 20, les bastingages, les pavois, les œuvres-mortes, la plus grande partie du pont, furent dévorés. L'Henrietta n'était plus qu'un bâtiment rasé comme un ponton (Verne, Tour monde, 1873, p. 199). − MÉD. VÉTÉR., empl. intrans. [Le suj. désigne un cheval] Avoir la cavité des incisives usée. (Dict. xixeet xxes.). Ce cheval rase, commence à raser (Ac.). − TEXT. [Le compl. d'obj. dir. désigne une étoffe] Soumettre au rasage. Raser le drap, le velours (DG). 2. Passer très près (d'une surface ou d'une ligne). Des jupes rasaient le parquet, soulevant dans la chaleur des bougies la fine poussière et l'odeur musquée des toilettes (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 157): 2. Voilà l'errante hirondelle
Qui rase du bout de l'aile
L'eau dormante des marais
Voilà l'enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.
Lamart., Harm., 1830, p. 335. ♦ Raser les murs. V. mur A 3. − BALIST. [Le suj. désigne un projectile, une balle] Passer très près, effleurer. Un boulet de canon lui rasa l'épaule. Une balle lui rasa le visage (Ac.). − CHASSE, empl. pronom. Se tapir à terre pour ne pas être vu. La bête se rase à peine sous les feuilles (Giono, Colline, 1929, p. 136).Elle tiendra l'arrêt en se rasant sur le sol avec lequel elle espère se confondre (Vidron, Chasse, 1945, p. 59). − HIPP. [Le suj. désigne un cheval] Raser le tapis. Élever très peu les membres (d'apr. Tondra Cheval 1979). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɑze], [ʀa-], (il se) rase [ʀ
ɑ:z], [ʀa-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 « remplir à ras bord » (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 570), seulement au Moy. Âge, v. Gdf., T.-L., v. aussi araser; 2. 1176-81 « couper en passant tout près de » (Chrétien de Troyes, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 950); 3. fin xiies. « passer près de, effleurer » (Alexandre de Paris, Alexandre, I, 1264 ds Elliott Monographs t. 37, p. 29); 1678 ligne de défense razante (Guillet); 1788 vûe râsante (Fér.); 4. ca 1200 reseies barbes (Moralités sur Job, 303, 24 ds T.-L.); 5. fin xiiies. « détruire (une ville) » (Alexandre, éd. H. Michelant, 45, 34, ms. H [cf. Elliott Monographs t. 37, p. 38: enbrasee]); 6. a) 1355 « polir (une pierre) » (Ord., IV, 166 ds Gdf.) − 1459, ibid.; b) 1678 « avoir la cavité des dents qui ne paraît plus (des chevaux) » (Guillet); 7. 1665 « soumettre une étoffe au rasage » (Statuts de la Communauté des Brodeurs Chasubliers ds Havard); 8. 1671 mar. (Pomey); 9. a) 1851 « importuner » (d'apr. Esn.); 1857 (Furpille, Dict. de la lang. bleue ds Klein Vie paris., p. 128); b) 1872 rasant (Touchatout, Hist. de France tintamarresque, p. 312 ds Quem. DDL t. 15); c) 1903 se raser (Colette, loc. cit.). Du lat. pop. *rasare, altér. (d'apr. le supin rasum) du class. radere « raser », « gratter, polir, ratisser » et « toucher en passant, effleurer, côtoyer ». Fréq. abs. littér.: 607. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 607, b) 770; xxes.: a) 982, b) 1 063. DÉR. 1. Rasance, subst. fém.a) Caractère de ce qui est rasant. (Dict. xxes.). Rasance d'un rayon lumineux. b) Balist. Rapport entre la hauteur de la trajectoire et celle de l'objectif. La rasance est d'autant plus grande que la trajectoire s'élève moins au-dessus du sol (Lar. encyclop.). − [ʀ
ɑzɑ
̃:s], [-a-]. − 1reattest. 1940 (A. Arnoux, Relève d'infanterie, Revue de Paris, 1erjanvier, p. 45 ds A. François, La Désinence « -ance », p. 65); de raser, suff. -ance*. 2. Rasement, subst. masc.a) Action d'abattre jusqu'au sol. Rasement d'un édifice, d'un monument. b) Méd. vétér. ,,Période de disparition du carnet dentaire par usure de la dent`` (Villemin 1975). − [ʀ
ɑzmɑ
̃], [-a-]. Att. ds Ac. dep. 1762. − 1resattest. a) 1372 « action d'abattre une construction jusqu'au niveau du sol » (Baill. du Cotentin, Mont-Saint-Michel, A. Manche ds Gdf. Compl.); b) 1520 « action de raser » (Le Guidon en françois... de Jean Falcon, p. 274 ds Sigurs, p. 540); c) 1845 « mesure progressive des dents du cheval » (Besch.); de raser, suff. -ment1*. |