| RAPPELER, verbe I. − Empl. trans. A. − Rappeler qqn/qqc. 1. a) Qqn rappelle qqn.[Corresp. à appeler I A] Appeler une nouvelle fois. Il ne vous a pas entendu (l'appeler), rappelez-le (Ac.).Le dimanche, j'ai eu de la peine à me réveiller et il a fallu que Marie me rappelle et me secoue (Camus, Étranger, Paris, Gallimard, 1942, p. 66). − En partic. Essayer une nouvelle fois d'entrer en communication téléphonique avec quelqu'un. Le téléphone, c'est une sacrée invention. On tourne la manivelle, et la demoiselle ne réagit pas. Les faux numéros. Pour, au bout du compte, que la voix de la femme de chambre réponde que Mademoiselle dort encore, mais si Monsieur veut rappeler dans une heure (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 325). b) Qqn rappelle qqn (quelque part).[Corresp. à appeler I B] Faire revenir (quelque part).
α) Inviter quelqu'un (par un appel ou par un geste) à revenir auprès de soi, à l'endroit qu'il vient de quitter. Rappeler qqn d'un signe. [Je] gagnai la porte. Il me rappela: − Un mot encore (A. France, Île ping., 1908, p. 6).Il rappela Rodrigue qui s'éloignait et lui demanda de porter à Annie un bref message (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 259). ♦ P. anal. Où est Top? − Top est en avant. − Et il n'aboie pas? − Non. − C'est bizarre. Néanmoins, essayons de le rappeler (...). Top, rappelé par un léger sifflement de son maître, revint (Verne, Île myst., 1874, p. 106).Absol., CHASSE. V. requête rem. s.v. requêté ex. de Vialar. − En partic. Rappeler un artiste, un comédien. Faire revenir sur scène, par des applaudissements, l'artiste, le comédien qui vient de s'y produire, pour l'acclamer. Ils ont été (...) rappelés à deux fois par le public enivré (Verlaine,
Œuvres posth., t. 2, Crit. et conf., 1896, p. 305).Ce que ça a bien marché, ce soir, quel public en or! Ils nous ont rappelés quatre fois! (Colette, Music-hall, 1913, p. 160).
β) Inviter quelqu'un à rentrer (chez lui), à retourner auprès des siens, lui faire savoir que son retour est attendu. Il venait d'écrire pour rappeler près de lui sa femme et son fils, qu'il n'avait pas revus depuis près de quinze ans (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 29).Rappelés par télégramme, M. et MmeRezeau mirent huit mois à rentrer (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 32). ♦ Rappeler qqn d'exil. Autoriser à rentrer dans sa patrie celui qui en avait été éloigné par une mesure autoritaire. Le roi Louis a rappelé d'exil son lieutenant général Bonaparte, et lui a donné le commandement de ses troupes (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 185). − P. euphém. [Pour parler de la mort] Dieu rappelle qqn à lui. Mais je ne dirai pas encore comme le vieillard de l'Écriture: et maintenant, rappelez à vous votre serviteur, Seigneur (A. France, Bonnard, 1881, p. 400).Que le Seigneur, le Seigneur Dieu Avant qu'en son paradis bleu Il ne rappelle à lui ce sage, Pour trinquer avec ses élus, Nous le garde cent ans et plus, Et davantage (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 15).
γ) Inviter de nouveau quelqu'un à se rendre, inviter quelqu'un à se rendre de nouveau en un lieu déterminé, auprès de quelqu'un au titre d'une fonction, d'une qualité, d'une compétence. Rappeler le médecin (auprès de son malade, auprès d'un autre malade). Ce fut encore le 2 août que je reçus la visite du général Galliéni rappelé d'urgence à Paris (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 234): 1. ... « Oh! celui-là! (...) c'est un de nos deux ou trois tourneurs les plus émérites d'avant-guerre. S'il n'était pas ici, il faudrait le rappeler au galop! »
Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 249. ♦ Constr. factitive. Lorsque le roi Henri connut ce projet désespéré, il fit rappeler les députés (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 214). − En partic. Rappeler (des permissionnaires, des réservistes) (sous les drapeaux). Ordonner (à des permissionnaires, à des réservistes) de rejoindre leur corps. Les centres de mobilisation reçoivent, habillent et arment les militaires de réserve rappelés sous les drapeaux (J.O., Loi sur organ. gén. arm., 1927, p. 7269).De Belgique, on nous confirmait que les permissionnaires avaient été rappelés (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 219).V. inexécution ex.
δ) Inviter quelqu'un (généralement un agent diplomatique) à quitter temporairement ou définitivement son poste et à regagner son lieu d'origine. Il fut question de rappeler les divers ambassadeurs de Constantinople (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 96): 2. Dans l'hiver, il s'est présenté plusieurs fois à l'ambassade en demandant à être reçu par l'attaché militaire von Süsskind. Ce dernier ayant été rappelé de Paris, Arc n'a été reçu par personne.
Affaire Dreyfus, 1901, p. 34. ♦ Rappeler en consultation. [Après l'élection de Kurt Waldheim] Israël a exprimé d'emblée sa « tristesse » et sa « déception profonde », avant de rappeler hier en consultation son ambassadeur à Vienne (L'Est Républicain, 10 juin 1986, p. 25, col. 7). 2. Qqc. rappelle qqn/qqc. a) Qqc. rappelle qqn quelque part.[Corresp. à appeler I B 3 c] Être l'instrument ou la cause du retour de quelqu'un quelque part. Mon père qui fait le commerce des pierreries, était venu à Avignon pour affaires et se trouvait par elles impérieusement rappelé à Lyon (Borel, Champavert, 1833, p. 128).Fermant les yeux sous le soleil, le jeune guide écoutait un instant les cloches rappelant à l'église le cortège lointain comme les sonnailles de l'alpe rappellent le troupeau perdu (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 13). ♦ Au fig. Le poète a justement senti qu'une sorte d'accord musical allait retentir dans l'âme de son lecteur par l'évocation du nid, d'un chant d'oiseau, des charmes qui nous rappellent vers la vieille maison, vers la première demeure (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 100). b) Spéc. Qqc. rappelle qqc. à une certaine position
α) MAR. [Le suj. désigne la chaîne, les amarres] Ramener à son cap initial un navire au mouillage qui a été déplacé par la houle ou le vent (d'apr. GDEL). Absol. La chaîne rappelle, les amarres rappellent de l'arrière (Merrien1958).
β) MÉCAN., PHYS. [Avec adv. ou compl. prép. de lieu] Imposer à quelque chose le mouvement inverse de celui auquel il vient d'être soumis; amener quelque chose dans la position opposée à celle qu'il vient d'occuper; ramener quelque chose à sa position initiale. Notre figure représente les ressorts (...) qui rappellent en arrière les registres de chaque note (Schmitt, Simon, Guédon, Nouv. manuel organiste, 1905, p. 46).Par définition, l'oscillateur linéaire harmonique est constitué par un corpuscule de masse *m assujetti à se mouvoir sur un axe rectiligne *ox en étant rappelé vers un point de cette droite par une force proportionnelle à la distance (L. de Broglie, Théorie quanta, 1959, p. 192). 3. Qqn rappelle qqc. a)
α) Faire revenir à soi, ramener. Enfin le père Oriol se réveilla et rappela à lui, l'une après l'autre, ses longues jambes étendues sur la seconde chaise (Maupass., Mt-Oriol, 1887, p. 51). − ALPIN. Rappeler une corde (v. rappel I A 2 a α). Arrivé dans la zone de réception, il suffira [à l'alpiniste] de tirer l'un des brins pour rappeler la corde, c'est-à-dire la récupérer (Gautrat1970).
β) Rétablir. Un médecin (...) parvint, à force de saignées, à rappeler la circulation [de Valentine] (Sand, Valentine, 1832, p. 203): 3. L'Empereur (...) s'est créé un traitement particulier: son grand secret avait été depuis longtemps, disait-il, de commettre un excès en sens opposé à son habitude présente; c'est ce qu'il appelle rappeler l'équilibre de la nature...
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 226. b) Au fig.
α) Appeler pour faire revenir, pour faire renaître, pour que se rétablisse ce qui n'est plus. Je marche dans la nuit par un chemin mauvais, Ignorant d'où je viens, incertain où je vais, Et je rappelle en vain ma jeunesse écoulée (Lamart., Médit., 1820, p. 43).Quel délire les a pris de regretter les monstres que nous avons vaincus, de se remettre sous le joug que nous avions brisé, de rappeler à grands cris le règne de la force, et de rallumer la haine, la démence de la guerre dans le cœur de ma France! (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1576): 4. − Mais le vert paradis des amours enfantines,
L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l'animer encor d'une voix argentine,
L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs?
Baudel., Fl. du Mal, 1857, p. 101.
β) Faire revenir, retrouver, rassembler ses idées, ses facultés, faire renaître un sentiment. Rappeler ses forces, sa raison, son sang-froid; rappeler ses souvenirs. Maintenant, rappelle ton courage (...). Je veux te consoler et calmer ta souffrance En te parlant de mort, de ciel et d'espérance (Dumas père, Christine, 1830, v, 2, p. 279).Enfin, Aldo, tâche tout de même de rappeler tes esprits. C'est ce matin la cérémonie (Gracq, Syrtes, 1951, p. 65). ♦ [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Talma, qui sent que tous les souvenirs de l'orgueilleux Œdipe commencent à devenir pour lui des remords, prononce d'une voix timide ces mots faits pour rappeler une confiance qu'il n'a déjà plus (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 229). B. − Rappeler qqn à/en qqc. 1. [Corresp. à appeler I C 1 b] Faire revenir à un état, une situation antérieur(e). a) Rappeler qqn à une charge, une fonction. Confier de nouveau une charge, une fonction à quelqu'un. Le président-fondateur [du Mouvement juif libéral de France], Roger Benarrosh, rappelé à la présidence au mois de juin dernier, a été confirmé dans ses fonctions par le nouveau conseil (Agence télégraphique juive, 23 janv. 1986, p. 3, col. 1). b) Rappeler qqn (un fonctionnaire, gén. un militaire) à l'activité. Faire reprendre du service à quelqu'un. Être rappelé à l'activité sur sa demande. L'officier en position de réforme (...) ne peut être rappelé à l'activité à quelque titre que ce soit (Lubrano-Lavadera, Législ. et admin. milit., 1954, p. 74). c) Rappeler qqn en grâce. Pardonner à quelqu'un, lui rendre la place qu'il occupait avant la faute et le châtiment. Les hérétiques ne peuvent pas dire que le diable et ses suivants seront rappelés un jour en grâce, puisque leur nom est effacé In Aeternum et In Saeculum Saeculi (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 380). d) Rappeler qqn à la vie, à l'existence − Faire revenir à soi une personne évanouie. Quand Cyrus Smith pourrait parler, il dirait ce qui s'était passé. Pour le moment, il s'agissait de le rappeler à la vie, et il était probable que des frictions amèneraient ce résultat (Verne, Île myst., 1874, p. 62).Redonner des forces à une personne épuisée, réconforter. Je lui fis prendre un bon consommé, qui le rappela à la vie (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 369). ♦ Au fig. Redonner le goût de vivre, redonner l'espoir à quelqu'un. Que ne dois-je pas à celle qui m'a tiré du nombre des morts, où j'étais, pour me rappeler à la vie, à la jeunesse, à l'amour, à la jouissance! (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 154).Mon Dieu! après m'avoir ôté la liberté de la vie, mon Dieu! après m'avoir ôté le calme de la mort, mon Dieu! qui m'avez rappelé à l'existence, mon Dieu! ayez pitié de moi, ne me laissez pas mourir dans le désespoir! (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 178). − Redonner une existence propre à une collectivité. Les traités de paix de 1919 créèrent un certain nombre d'états. Pour être dans la plupart des cas de vieux pays récemment rappelés à la vie, ils n'en avaient pas moins besoin d'affirmer immédiatement leur existence (Civilis. écr., 1939, p. 40-9). − Faire revivre quelqu'un par le souvenir. J'ai naguère écrit le premier chapitre de mes souvenirs; il m'a suffi de le relire pour décider de m'en tenir là. Est-ce bien moi cet enfant que je rappelais ainsi à la vie? (Mauriac, Écrits intimes, Commenc. d'une vie, 1932, p. 11). 2. [Corresp. à appeler I C 1 a] − En partic. Rappeler qqn à lui-même. Dans l'assoupissement, il fut rappelé à lui par un bruit tout proche. Réalité, ou hallucination d'un début de rêve? (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 261): 5. Jeanne était pâle, muette, comme saisie d'horreur. − Rassurez-vous, Madame, lui dit-il, vous n'avez plus à courir aucun danger. La voix de son libérateur sembla rappeler Jeanne à elle-même.
Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 366. ♦ Absol. Le docteur, rappelé par le travail obscur de son esprit, redescendit dans sa pensée comme un mineur dans son puits (Hugo, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 93). 3. Faire reprendre conscience d'une/de la réalité. Rappeler qqn au présent, aux dangers de la situation. Il entendit un cri et fut rappelé aux choses de ce monde (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 483).« En toute conscience, est-ce que vous croyez que Dieu me pardonnera? » Cette voix anxieuse rappela l'abbé Vécard à sa fonction de directeur spirituel (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 736).V. aboi ex. 2. a) Faire revenir à son devoir, au respect des convenances, de la règle morale. Elle n'avait vu clairement, et nettement compris qu'une chose, c'est que ce jeune homme la rappelait solennellement à la foi jurée, sous peine de parjure et de trahison (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 285).Le Président: Au nom de la Justice, devant laquelle vous êtes, je vous rappelle au respect de la Loi (Courteline, Article 330, 1900, p. 276).Je ne suis pas ici pour te donner des leçons de français, mais pour te rappeler à ton devoir (Pagnol, Fanny, 1932, ii, 7, p. 145). SYNT. Rappeler qqn aux bienséances, aux convenances, à l'exactitude, à la justice, à la mesure, à la modération, à la modestie, à la prudence, à la pudeur, au respect des conventions, à la raison, au sérieux, au travail, à la vertu. ♦ Empl. pronom. réfl. Se rappelant à la convenance de la situation, elle secoua dans un effort cette torpeur de ses souvenirs et se mit à balbutier des phrases rapides (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 70). b) DROIT − Rappeler à l'ordre. V. ordre I D 3. − Rappeler à la question. [Le suj. désigne le président d'une assemblée] ,,Inviter un orateur à revenir à l'objet du débat`` (Roland-Boyer 1983). Si un orateur, rappelé à la question, continue à parler hors de la question, le président peut décider que ses paroles ne figureront pas au Journal Officiel (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 290). ♦ P. anal. Sept fois de suite (Leuwen les compta) M. l'abbé Le Canu chercha à ne pas répondre et à donner le change à son jeune antagoniste (...). Sept fois de suite, Leuwen sut le rappeler à la question (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 156). − Rappeler au règlement. [Le suj. désigne un membre d'une assemblée] ,,Interpeller le président d'une assemblée en vue de faire toutes observations sur le respect de l'ordre du jour`` (Roland-Boyer 1983). C. − Rappeler qqc./qqn (à qqn) 1. a) Qqn rappelle qqc./qqn (à qqn).Faire revenir à l'esprit, remettre en mémoire par ses propos.
α) [Le compl. d'obj. est un subst.] Rappeler la mémoire, le souvenir de qqn. Dans une lettre toute récente, le marquis de La Seiglière (...) rappelait généreusement à sa vieille amie la promesse qu'ils avaient échangée d'unir un jour Hélène et Raoul (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 64).J'étais toujours étonnée de la fidélité avec laquelle il me rappelait des paroles que j'avais complètement oubliées (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 162). ♦ Rappeler qqn à qqn, au (bon) souvenir de qqn. Transmettre à quelqu'un le souvenir, les amitiés, les salutations d'une autre personne. Seriez-vous assez bon pour me rappeler au souvenir de MmeMichelet? (Flaub., Corresp., 1861, p. 430).[Veuille annoncer de ma part à ta mère] la nouvelle de mon prochain mariage et lui porter mes respectueux souvenirs. Rappelle-moi également à ton frère (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1895, p. 244).Empl. pronom. réfl. Se rappeler à qqn, au souvenir de qqn. Rappeler son souvenir à quelqu'un, lui adresser ses salutations, le témoignage de son respect. Je voudrais bien devoir à une plus heureuse circonstance, le bonheur de me rappeler à votre souvenir (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1664).Il apprend par un de ses camarades que sa mère est devenue MmeGuérin. (...) le camarade lui apporte l'adresse. Il lui écrit pour se rappeler à elle (Goncourt, Journal, 1864, p. 61). − En partic. [Dans un exposé; le destinataire (auditoire, lecteur(s)) est gén. sous-entendu] Rappeler des conclusions, des données, des faits, des hypothèses, des noms, des notions, des principes, des règles, des résultats; rappeler un point de vue; rappeler une doctrine, une légende, une histoire; rappeler un cas (célèbre), une expérience; rappeler les grandes lignes de qqc. J'éprouve quelque embarras à rappeler la suite d'une vie si connue (A. France, Vie littér., 1888, p. 61).Comme Renoir qu'il faut toujours rappeler pour célébrer la joie de peindre, Vlaminck proclame: « Peindre, c'est faire l'amour » (Arts et litt., 1936, p. 18-9). ♦ Tournures diverses. Est-il besoin de rappeler? Est-il besoin de rappeler, sinon pour dire qu'il s'apprête à inaugurer sa 24erentrée, ce groupe de mères, de professeurs et de jeunes filles le plus parisien de tous et dont le nom vient à l'esprit de nos lectrices: le cours Lévy Alvarès (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 759).Permettez-moi, qu'on me permette, qu'il me soit permis de rappeler. Avant d'aborder la narration de mes malheurs, qu'il me soit permis de rappeler mon inébranlable attachement aux principes qui nous régissent (Courteline, Gend. sans pitié, 1899, 2, p. 158). − [Avec (loc.) adv. ou compl. prép. exprimant] ♦ [les modalités de l'action] Rappeler brièvement, sommairement, éloquemment; rappeler inlassablement, perpétuellement, sans relâche; rappeler avec exactitude, avec énergie, force, insistance; rappeler avec raison; rappeler avec fierté; rappeler d'un mot; rappeler dans le cadre d'une étude, dans un travail qqc. ou qqn. Les masses des corps vérifient les principes de la dynamique, dont certains seront rappelés plus loin (Danjon, Cosmogr., 1948, p. 23): 6. L'état d'un diélectrique polarisé est donc assimilable à celui d'un aimant. Les principes de la théorie des aimants seront donc applicables aux diélectriques. Rappelons en quelques mots ces principes.
H. Poincaré, Électr. et opt., 1901, p. 475. ♦ [la justification ou le but de l'action] Rappeler à titre d'exemple. Prouver une hypothèse, ce n'est pas montrer qu'elle rend assez bien compte de quelques faits rappelés à propos: c'est constituer des expériences méthodiques (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 198).Rappelons, pour mémoire, le tableau de ces constitutions (Mounier, Traité caract., 1946, p. 32).
β) [Le compl. d'obj. est une prop. complét. introd. par que] On rappelait de cette dame (...) qu'elle avait une existence des plus mouvementées (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 165). − [Dans un exposé] Je ne puis écrire ce nom sans rappeler que M. Strindberg, non content de servir la science par son intelligence, a voulu la servir également par son courage (H. Poincaré, Théorie Maxwell, 1899, p. 49).Le corroyage sera étudié ultérieurement, il est rappelé que cette opération constitue la troisième phase du travail du cuir (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 72). − [Le compl. d'obj. désigne une action à faire dans l'avenir] Je vous rappelle que vous devez envoyer sur Pointe- Noire ou Douala l'armement américain de trois bataillons d'infanterie de type normal (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 398).
γ) [Le compl. d'obj. est une prop. interr. indir.] − Rappeler comment. Il sera rappelé brièvement comment les progrès des recherches linguistiques ont contribué, pour leur part, à ce développement actuel de l'ethnologie (Hist. sc., 1957, p. 1344).Rappeler combien. Qu'il me soit permis (...) de rappeler ici pour ma défense combien il est malaisé de classer régulièrement des événements où l'esprit s'efforce en vain de découvrir quelque liaison (Milosz, Amour. init., 1910, p. 9).
δ) [Le compl. d'obj. est un inf.] [Je partageais mes compliments] entre elle-même et le beau petit garçon que je rappelais avoir vu dans le caïque (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 94). − [Le compl. d'obj. désigne une action à faire dans l'avenir] Rappeler à qqn de + inf.Synon. faire penser à.Plus je pense à Shakespeare, plus j'en suis écrasé. Rappelle-moi de te parler de la scène où Timon casse la tête à ses parasites avec les plats de la table (Flaub., Corresp., 1845, p. 189). b) P. ext. Signaler, faire prendre conscience de. Kate avait une douceur, une manière d'écouter qui n'étaient qu'à elle, et ce fut Jos-Mari qui lui rappela l'heure (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 84). c) Qqc. rappelle qqc./qqn à qqn.Remettre en mémoire en tant qu'instrument de l'action. [Dans les répertoires de périodiques] les revues (...) dont les divers titres, précisés au besoin et rappelés par des fiches de renvoi, indiquent en principe le contenu, feraient l'objet d'inventaires sommaires (Civilis. écr., 1939, p. 50-7).Une photo (...) rappelle le défunt dans son premier état (Sartre, Mots, 1964, p. 77). 2. Qqc./qqn rappelle qqc./qqn (à qqn).Faire (re)venir à l'esprit par une association mentale. a) [Le suj. et l'obj. de l'action sont liés dans l'exp. du locuteur] Remettre en mémoire.
α) Qqn rappelle qqc. à qqn.Il ne voyait plus personne de ses anciens amis, personne de ses parents, personne qui pût lui rappeler sa vie passée (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 613).Ils eurent une grande joie de la visite de Christophe, pour tout ce qu'il leur rappelait du passé (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1519).
β) Qqc. rappelle qqc. à qqn.Il ouvrit les placards, trouva du pain, mit la cafetière chauffer sur le réchaud. − Parbleu, on va se faire du café, hein? Ça nous rappellera le bon temps, la jeunesse... Et toi, Annie, ça va? (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 302).Chaque meuble, chaque objet (...) lui rappelait quelque chose, un moment de sa vie, l'époque et l'endroit où il en avait fait l'emplette (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 783). ♦ [P. méton.] Rappeler à la mémoire. De même que chaque mot en usage correspond à une notion qu'établit le lexique, chaque image identifiable rappelle à la mémoire une sensation connue (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 100). − Rappeler que.Je la vis avec effroi arriver près de moi; sa vue me rappelait toujours que, la première, elle m'avait révélé mon sort (Duras, Ourika, 1824, p. 147).
γ) Qqc. rappelle qqn à qqn.Tout, dans la maison, lui rappelait sa mère. La chambre était restée intacte (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 988).Je retrouvais, dans ses cheveux, l'odeur d'oiseau, de nid, qui me rappelait Marie (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 294). ♦ [P. méton.] Rappeler le souvenir de qqn. V. copte II ex. de Philos., Relig., 1957, p. 4205. b) [Le suj. est un élément caractéristique de l'obj. ou de son environnement] − Signaler, manifester la présence de. Pendant des jours encore, le ciel inaltérable déverserait sa lumière sèche sur l'étendue solitaire où rien ne rappelait l'homme (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1613).Empl. pronom. réfl. à valeur passive. À leur gauche, le marais se rappelait par une haute blancheur compacte (La Varende, Homme aux gants, 1943, p. 400). − Faire prendre conscience de. Le froid me rappela que j'étais loin de l'heureuse Sicile, et termina mes réflexions (Alain, Propos, 1921, p. 311). c) [Le suj. et l'obj. de l'action sont liés par une anal. d'aspect, de forme, de situation] Suggérer, faire penser à. Rappeler étrangement, singulièrement, à s'y méprendre; rappeler d'une manière saisissante; rappeler de loin, de près, à première vue qqc. ou qqn.
α) Qqc. rappelle qqc. (à qqn). « (...) Ma fille n'est pas revenue avec moi parce qu'elle s'est trouvée mal.− Trouvée mal! » (ce mot me rappela une autre histoire et troubla ma tranquillité renaissante) (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 97): 7. ... le jour du vendredi-saint. C'était le jour où Jésus, dépouillé de tout pour l'amour de nous, fut attaché nu sur la croix, et où les autels nus et dépouillés comme lui, rappellent aux fidèles la mémoire du sacrifice suprême...
Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 201. Part. passé passif. Les signes sont (...) choisis pour suggérer l'idée de l'universel au moyen d'un individuel représenté ou rappelé (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. xiv).♦ [Avec compl. prép. désignant l'élément significatif] L'extrait de malt rappelle le miel par sa consistance sirupeuse, mais s'en distingue par sa couleur brune (R. Lalanne, Alim. hum., 1942, p. 85).[P. méton. du suj. et du compl. d'obj.] Walt Whitman. J'en ai lu un peu. Cela m'a assez emballé (...). Ce sont des images banales mais si intensifiées qu'elles saisissent. Des personnifications idem. En cela, il m'a rappelé Claudel (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 31). ♦ [Le suj. désigne l'élément significatif] V. élégant A 1 ex. de Duhamel.[P. méton. du compl. d'obj.] M. Huysmans (...) a des silhouettes et des scènes qui rappellent Téniers et plus encore Jordaëns (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 314). ♦ [Le compl. d'obj. désigne l'élément significatif] Un coup n'était séparé du coup voisin par aucun intervalle, et sur cette basse continue, qui rappelait le bruit d'un torrent lointain, on distinguait fort bien les feux de peloton (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 38).Le sulfate naturel anhydre de calcium se présente en (...) masses fibreuses et masses compactes, un peu granulaires, rappelant l'aspect du marbre blanc (Lapparent, Minér., 1899, p. 527). ♦ [Le suj. et le compl. d'obj. désignent l'élément significatif] Au XVIIIesiècle, on employait couramment, dans les houillères, une lampe à huile dont la forme rappelait celle de la lampe antique, avec mèche débordant sur un bec latéral (E. Schneider, Charbon, 1945, p. 255). − Rappeler comment. V. centré ex. 3.
β) Qqn rappelle qqn à qqn.C'est singulier, depuis un instant, vos yeux ont une expression... Positivement, vous me rappelez quelqu'un (Curel, Nouv. idole, 1899, ii, 5, p. 223).Pourquoi, par instants, tu as l'air de m'en vouloir... C'est qu'à ces instants-là, je te rappelle maman. Tu penses à elle... et tu ne m'aimes plus! (Lenormand, Simoun, 1921, 9etabl., p. 101). d) [Le suj. et l'obj. de l'action sont liés entre eux par convention] Synon. représenter (v. ce mot 1resection II B 1).Je l'invitai à se représenter (...) les colorations rouges et orangées analogues aux sonorités des cors et des trombones, (...); les violets et les bleus rappelés ici par les flûtes, les clarinettes et les hautbois (Gide, Symph. pastor., 1919, p. 894). D. − Dans le domaine de l'art, de la décor., de la mode.Qqn rappelle qqc. (quelque part).Établir une harmonie (entre deux parties d'une œuvre, entre deux éléments vestimentaires, etc.), suggérer l'un par l'autre en répétant (un détail, un thème, une couleur). [Haydn] choisit, dès le commencement [de ses messes], un passage agréable qu'il rappelle dans le cours de l'ouvrage (Stendhal, Haydn, Mozart et Métastase, 1817, p. 137).Quelques dames ont rappelé en bordure sur leurs turbans la fourrure de leur robe (Obs. modes, t. 9, 5nov. 1823, p. 488). − PEINT. Rappeler la lumière. Faire rejaillir la lumière comme par ricochet des figures principales sur les éléments accessoires d'un tableau (d'apr. Lar. encyclop.). II. − Empl. intrans. A. − Rappeler 1. ARM., vieilli. Battre, sonner le rappel (v. ce mot I A 1 a α). Donne-moi vite de tes nouvelles. Vois comme nous accourons quand le clairon « rappelle aux lettres » (L'Est Républicain, 20 févr. 1986, p. 19, col. 1 et 2). 2. CHASSE. [Le suj. désigne certains oiseaux, notamment des perdrix dispersées au soir d'une chasse] Faire entendre le rappel, s'appeler mutuellement pour reconstituer la compagnie (v. rappel I A 1 a γ). Si l'on peut dire qu'en juin la nuit existe: ce n'est qu'un jour assombri où les cailles rappellent et les insectes des champs et des haies grésillent (Jammes, Nuits qui me chantent, 1928, p. 66).Des canards rappelaient dans la jonchère. Parfois, un vol de morillons noirs et blancs éraflait l'eau dans un long fracas d'ailes (Genevoix, Laframboise, Nid du condor, 1942, p. 165). 3. MAR. Venir au rappel (de quelque chose). V. rappel I A 2 b α.[Le suj. désigne un navire au mouillage] Rappeler sur son ancre, sur ses amarres. Revenir brusquement à la position imposée par la chaîne d'ancre ou les amarres après s'en être écarté sous l'effet du vent ou de la houle. L'ancre est mouillée. Mais la corvette n'a pas le temps de rappeler sur sa chaîne, qu'elle est déjà échouée (Dumont d'Urville, Voy. Pôle Sud, t. 9, 1846, p. 337).[Le suj. désigne un navire en mer] Rappeler à la lame, au roulis, au vent. Se redresser brusquement par réaction contre la lame, le vent, la pesanteur (d'apr. Merrien 1958). B. − En rappeler (vieilli) 1. DR. Appeler d'une décision judiciaire devant une juridiction supérieure. Synon. en appeler (v. appeler I D 1).Et pour cela, on m'a condamné à trois ans, mais j'en rappelle (Hugo, Choses vues, 1885, p. 117). 2. Région. (Centre et Ouest, fréq. chez G. Sand) En réchapper, s'en sortir, guérir d'une maladie contre toute attente. Je me sentais mourir, et je croyais mon âme déjà morte (...) mais j'en ai rappelé, mon amie: j'ai fait un nouveau bail avec la vie (Sand, Villemer, 1861, p. 140). Revenir à soi. [Le caporal s'écria:] voici le lieutenant qui en rappelle (...). [Ils] s'élancèrent vers le sous-lieutenant, qui, atteint d'une balle à la poitrine, était tombé sur le coup, mais (...) cherchait à se relever (Raban, Myst. Palais-Royal, t. 1, 1845, p. 145). − Au fig. Y échapper, en sortir. Le goût de ces choses, et surtout de cette manière de les dire, avait passé, et, en matière légère comme bien souvent en matière plus grave, le moment est tout; on n'en rappelle pas (Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 3, 1848, p. 93). III. − Empl. pronom. Qqn se rappelle qqc./qqn.Avoir, garder, se remettre en mémoire. Synon. se souvenir de: 8. Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
(...)
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas (...)
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer...
Prévert, Paroles, 1946, pp. 237-238. A. − 1. [Le compl. d'obj. est un subst.] a) Se rappeler qqc.Se rappeler son enfance, sa jeunesse, ses débuts, ses fautes; se rappeler son pays; se rappeler le passé; se rappeler une date, un incident, une scène; se rappeler une conversation, une phrase, une remarque; se rappeler les paroles de qqn, l'inflexion d'une voix.
α) [Le verbe exprime un état] Avoir présent à l'esprit, avoir en mémoire quelque chose; garder le souvenir de quelque chose. Elle se rappelait tous les détails, tous les petits faits, toutes les figures rencontrées là-bas (Maupass., Une Vie, 1883, p. 254).J'ai oublié des milliers de visages, mais cette face de saindoux, je me la rappelle encore (Sartre, Mots, 1964, p. 182). − [P. anal. avec se souvenir de] Se rappeler de, s'en rappeler.Mais je ne me rappelle pas de vous (...). Qu'y a-t-il pour votre service? (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t. 2, 1828-29, p. 209).C'est vrai, dit le père Chapdelaine, je me rappelle de ce temps-là. Il n'y avait pas une seule maison en haut du lac: rien que des sauvages et quelques chasseurs (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 75).
β) [Le verbe exprime une action] Se remettre en mémoire; faire resurgir, retrouver le souvenir de quelque chose. Synon. se remémorer.Marguerite, qui s'était un instant rappelé mon visage, ne se rappelait pas mon nom (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 81).« Quand je me rappelle ce temps-là, je ne retrouve presque rien d'autre que de longues, d'interminables journées d'ennui... » (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1319). ♦ Se rappeler un (des) souvenir(s). J'ai encore revu la petite communauté avec Courcelles et la Roche-Guyon, et j'ai de nouveau reconnu là la suite, la trame des bontés de Dieu. C'est toujours pour moi une grande douceur de me rappeler ces souvenirs (Dupanloup, Journal, 1868, p. 298). b) Se rappeler qqn.Troublée, la tête chaude, elle se rappelait l'homme, ses gestes, ses paroles et ses attitudes au cours de l'après-midi du bois des Larmes (Aymé, Uranus, 1948, p. 143): 9. Vous rappelez-vous la comtesse Tonska? − Pas le moins du monde, répondit Lucie. − Comment! Vous ne vous rappelez pas qu'il y a deux ans, nous sommes allés au bal chez elle, à Paris?
Gobineau, Pléiades, 1874, p. 167. c) Se rappeler qqc. de qqn.La comtesse Scotti était une grande femme avec une dentelle sur la tête. C'est tout ce que je peux me rappeler d'elle (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 324). 2. [Le compl. d'obj. est une complét. introd. par que] Vous devez vous rappeler que je n'ai accepté que sur vos instances cette présidence (Goncourt, Journal, 1887, p. 631).Ils prirent rendez-vous pour le lendemain. Au moment de sortir, Georges se rappela que le lendemain, il avait d'autres rendez-vous (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1500). 3. [Le compl. d'obj. est une prop. interr. indir.] Je me rappellerai toujours avec quelle joie d'enfant il m'annonça, un soir (...) que la feuille lui était payée deux cent quarante francs (Vallès, Réfract., 1865, p. 119).Se rappeler combien.Permettez-moi de vous (...) offrir [ce livre]. Le prix d'un seul volume dans une vente pareille est une bagatelle, et je ne me rappelle plus combien j'ai payé celui-ci (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 31).Se rappeler comment.Jamais il ne se rappela comment il était rentré (Zola, Débâcle, 1892, p. 593).Il était bon, solide, il gagnait bien sa vie, il l'aimait, il avait l'air de l'aimer. Elle se rappelait comment tout cela avait débuté (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 232). 4. [Le compl. d'obj. est un pron. neutre] Mais, si je me le rappelle bien, il y a six ans que j'ai quitté le village (Dumas père, Halifax, 1842, ii, 4, p. 51). ♦ C'est tout ce que, voici ce que je me rappelle; ce que je me rappelle, c'est. Fort souvent on venait pour badiner avec nous. Ma sœur s'ennuyait; pour moi, je riais; je faisais la folle, à moins que le badinage ne me déplût; alors, j'égratignais, je mordais (...). Voici à peu près ce que je me rappelle (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 114).Les royalistes s'étant avancés jusque sur le pont, ils furent balayés de tous côtés et rejetés dans le faubourg. Un officier municipal fut tué. C'est tout ce que je me rappelle (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 242): 10. − Ah oui! C'est vrai, dit Debray, vous vous êtes battu dans le temps... À quel propos? − Le diable m'emporte si je m'en souviens! dit Château-Renaud; mais ce que je me rappelle parfaitement, c'est qu'ayant honte de laisser dormir un talent comme le mien, j'ai voulu essayer sur les Arabes des pistolets neufs dont on venait de me faire cadeau.
Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 576. 5. [Le compl. d'obj. est un inf.] a) Se rappeler + inf. passé.Je me rappelle avoir parlé anglais lorsque j'étois très-jeune (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 292).Sans avoir présent à l'esprit aucun ouvrage sur la question, je sais bien qu'on en a longuement disserté. Je me rappelle avoir lu là-dessus des études, ou des réflexions incidentes (Salleron, Comment informer, 1965, p. 13). − Se rappeler de + inf. passé, vieilli.Je me rappelle (...) d'avoir lu le fameux morceau de l'Émile sur la nécessité de mesurer ses désirs (Chênedollé, Journal, 1819, p. 100).Moi, je ne me rappelle pas d'avoir couché dans ce qui s'appelle un lit avant dix-neuf ans (Sue, Myst. Paris, t. 1, 1842, p. 83). b) Se rappeler de + inf.[Le compl. d'obj. désigne une action à faire dans l'avenir] Synon. penser à.Si des fois tu voyais les gardes, rappelle-toi de les envoyer ailleurs, vers Chantefin si tu veux, ou vers la Sauvagère, n'importe où vers le Beuvron, mais pas par là (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 265). B. − [Avec (loc.) adv. ou compl. prép. exprimant les modalités de l'action] Je me rappelle parfaitement l'appartement que nous occupions rue Grange-Batelière (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 152).Depuis à peu près dix ans je suis un homme qui s'éveille, guéri d'une longue, amère et douce folie et qui n'en revient pas et qui ne peut se rappeler sans rire ses anciens errements et qui ne sait plus que faire de sa vie (Sartre, Mots, 1964, p. 211). SYNT. Se rappeler constamment, distinctement, exactement, soudain, subitement, vaguement; se rappeler fort bien, dans tous ses détails; se rappeler avec délices, intérêt, orgueil, plaisir, ravissement, reconnaissance; se rappeler avec douleur, effort, effroi, épouvante, rancune qqc./qqn. C. − [Dans des tournures avec un suj. indéf.] On se rappelle; on doit, on voudra bien se rappeler; il faut, il suffit de se rappeler; que l'on se rappelle. Bien que les limites d'un caractère donné quelconque, comme la nature des cheveux ou la forme de la tête, soient subdivisées en un certain nombre de groupes auxquels on donne des noms spéciaux, on doit se rappeler que ces démarcations sont purement arbitraires (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p. 275): 11. Pour comprendre pleinement l'évolution qui a donné aux institutions de 1787, la physionomie que nous leur connaissons aujourd'hui, il faut se rappeler les grandes lignes de l'histoire des États-Unis...
Vedel, Dr. constit., 1949, p. 60. D. − Absolument: 12. Il est des jours − avez-vous remarqué? −
Où l'on se sent plus léger qu'un oiseau,
Plus jeune qu'un enfant, et, vrai! plus gai
Que la même gaieté d'un damoiseau.
L'on se souvient sans bien se rappeler...
Évidemment l'on rêve, et non, pourtant.
Verlaine, Poèmes div., 1896, p. 166. − [Dans un dialogue] C'était à Aix, sur cette place dont je ne me rappelle plus le nom. Nous étions dans le jardin d'un café, au gros soleil, sous des parasols oranges. Tu ne te rappelles pas: nous buvions des citronnades et j'ai trouvé des mouches mortes dans le sucre en poudre (Sartre, Nausée, 1938, p. 184): 13. Incapable de rattraper deux idées, je ne pus que répéter stupidement: − Dame, depuis le temps!... Mais je parvins à dire le mot pour lequel j'étais venu: − Tu te rappelles? − Si je me rappelle!... La voix étranglée, poignante, me bouleversa.
Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 253. − [Dans une injonction] Peuple, rappelle-toi, debout sur ce rivage, Ainsi qu'un vendangeur qui revient de l'ouvrage, Quand tu lavais ton front parmi ces joncs penchés. Dans la voix de l'Écho ta voix résonne encore (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 132).Cette nuit, rappelle-toi, quand je t'ai éveillée, tu rêvais qu'on poursuivait sur une route Daniel et son ami Thibault. Tu as dit Thibault, très distinctement (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 594). Rem. Parce que rappeler est trans. dir., les grammairiens condamnent la tournure se rappeler de qqc. que l'on trouve pourtant fréq. chez les bons aut. (comme on entend fréq. l'expr. pop. je m'en rappelle) et recommandent de la remplacer par se souvenir de; l'empl. trans. dir. n'est cependant pas possible avec les compl. me, te, nous, vous; on dira tu te rappelles de moi et non tu te me rappelles; se rappeler de constr. avec un inf. passé, att. par Littré et Ac. 1798-1878 est considéré comme correct mais vieilli; avec un inf. compl. exprimant une action encore à accomplir, se rappeler (ou rappeler à qqn) se constr. avec de (rappelle-moi de te donner ce papier; rappelle-toi de le lui dire) (d'apr. Grev. 1986, p. 429 et 1333). REM. 1. Rappelable, adj.Qui peut, qui doit être rappelé (supra I A 1 b γ et I B 1 b). Lorsque les infirmités ont cessé, quand il est constaté que les officiers peuvent reprendre leur service, ils sont rappelables dans les rangs (Journ. offic., 14 févr. 1872, p. 1076, col. 2 ds Littré). Un homme rappelable sous les drapeaux (Lar. Lang. fr., Rob.1985). 2. Rappelant, part. prés. en empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre.Le rappelant de qqn. Caractère attirant ou provocant de quelqu'un; fait qu'il ne laisse pas indifférent (v. appelant II A 2). Après avoir été séduit par le goût relevé et le rappelant de cette étrangère, il fut entraîné par ce qu'il sentait chez elle d'enthousiasme désintéressé (Barrès, Enn. Lois, 1893, p. 111). 3. Rappeleur, -euse, subst.Celui, celle qui rappelle. a) Chasse. Synon. de appeleur.Ce M. Mouret est au moment d'avoir réussi un pinson artificiel et, mieux, une grive artificielle, espèce d'oiseau dont on n'a jamais pu faire un rappeleur (Goncourt, Journal, 1894, p. 626).En appos. Il me conte la chasse aux oiseaux de passage, l'unique chasse de Marseille et qui se fait avec un oiseau rappeleur, généralement un pinson (Goncourt, Journal, 1894, p. 626).b) Hist. Partisan du rappel de l'Union (v. rappel A 2 c γ). [C'est ce monopole qui] produit tous les maux de l'Irlande, et cause tant de tribulations à O' Connel, impuissant, avec toute sa faconde, à conduire ses rappeleurs à travers ce labyrinthe (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 240).c) Littér. [Corresp. à supra I C 2 a α] La femme ne fut jamais pour moi que des paysages, que la rappeleuse d'heures, de pays et de paysages (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1906, p. 385). Prononc. et Orth.: [ʀaple], (il) rappelle [-pεl]. Ac. 1694, 1718: rappeller; dep. 1740: rappeler. Conjug. verbes -eler, -eter, v. jeter. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) ca 1100 « faire revenir auprès de soi en appelant » (Roland, éd. J. Bédier, 1912); en partic. 1remoit. xiies. « (en parlant de Dieu) faire mourir » (Psautier Oxford, 101, 25 ds T.-L.); b) ca 1170 « appeler de nouveau pour faire venir » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 924); c) ca 1245, juin « faire revenir quelqu'un qui est exilé ou en disgrâce » (Philippe Mousket, Chron., éd. de Reiffenberg, 370); d) 1670 rappeler à la vie (Racine, Bérénice, IV, 7, 1232); e) 1675 « (d'une chose) constituer une raison majeure qui provoque le retour de quelqu'un » (Boileau, Epistre, VIII, Au Roy, éd. A. Cahen, 26); 1802 « enjoindre à quelqu'un de regagner son poste, une ville... » (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, p. 23: rappeler une grande partie du détachement à la Nouvelle-Orléans); 1854 rappeler un diplomate (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], p. 211); f) 1839 « faire revenir un acteur sur scène par des applaudissements » (Balzac, Massimilla Doni, p. 442: La Tinti rappelée fut applaudie avec fureur); 2. a) ca 1175 « réprimander quelqu'un en lui remettant à l'esprit l'attitude dont il n'aurait pas dû s'écarter » rapeler qqn a bienvoillance (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 23150); ca 1265 « (d'une chose) déclencher chez quelqu'un une prise de conscience qui l'amène à se corriger » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, II, 118, p. 299, ligne 9); b) xiiies. « faire revenir dans la mémoire » rapele a ta memore ton anemi (Livre de Job, f o38 r ods Rois, éd. Le Roux de Lincy, p. 490), attest. isolée; à nouv. au xviies. 1640-44 (D'Ablancourt, trad. des Annales de Tacite ds Mél. Grevisse, p. 21); 1661 pronom. (Molière, Dom Garcie de Navarre, IV, 7, 1235); en partic. 1789 rappeler qqn, se rappeler au souvenir de qqn (Staël, Lettres jeun., p. 329); c) 1744 « (d'une chose) évoquer autre chose par sa ressemblance » (Volt., Mérope, II, 2 ds Littré); 3. a) fin xvies. « faire revenir ce qui n'est plus » r'appeller sa foy (D'Aubigné, Les Tragiques, Princes, éd. J. Bailbé et M. Soulié, p. 75); b) 1831 « (d'une chose) remettre dans sa position initiale, faire revenir en arrière » (Nodier, Fée Miettes, p. 129: comme les dents acérées d'une tenaille que la clef à vis rappelle de cran en cran à l'endroit où elles se mordent); cf. 1905 les ressorts ... qui rappellent en arrière (Schmitt, Simon, Guédon, Nouv. manuel organiste, p. 46); c) 1904 alpin. (C.A.F., Manuel ds Petiot); d) 1904 mar. rappeler le navire sur tribord (Nouv. Lar. ill.). B. Intrans. 1. av. 1755 « (d'un tambour, d'un clairon...) battre, sonner le rappel » (Saint-Simon, Mémoires, éd. A. de Boislisle, t. 9, p. 183); 2. 1842 mar. rappeler sur son ancre (Dumont d'Urville, Voy. Pôle Sud, t. 3, p. 163); 3. 1898 « (d'oiseau) faire entendre le rappel » (Claudel, Violaine, p. 643). Comp. de l'élém. formant r(e)-* et de appeler*. Fréq. abs. littér.: 15 447. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 21 373, b) 22 584; xxes.: a) 23 571, b) 21 177. Bbg. Baldinger (K.). Sém. et struct. conceptuelle. Cah. Lexicol. 1966, t. 8, pp. 27-30; Se rappeler, se souvenir. In: [Mél. Grevisse (M.)]. Gembloux, 1966, pp. 21-37; Vers une sém. mod. Paris, 1984, pp. 136-167. − Wüest (J.). Wie weit ist die Wahl der Verbalkonstruktionen semantisch bedingt? Rom. Forsch. 1980, t. 92, p. 66. |