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RANIMER, verbe trans.
Redonner vie ou vitalité à celui ou à ce qui les a perdues.
A. − [Le compl. d'obj. désigne une pers.]
1. Vx ou littér. Faire revivre, ressusciter. Page 268. Superbe, Barabbas dans la chapelle! Il y a là un souffle à ranimer Rabelais dans son tombeau (Flaub.,Corresp., 1880, p. 372).Pâles, debout, les ombres ranimées Crièrent, écartant les linceuls de leurs seins: − Malheur! Malheur! Malheur à tous ces assassins! (Hugo,Légende, t. 6, 1883, p. 347).
P. anal. La science italienne du corps humain [se] (...) dévoilait [dans ces fresques] avec une précision intransigeante (...). Des cadavres écorchés, peints directement, ranimés, rejetés dans le cours de la vie avec une incroyable violence (Faure,Hist. art, 1914, p. 410).
2.
a) Ramener à la vie en rétablissant les fonctions vitales. Synon. réanimer.Ranimer un blessé, un malade, un noyé. En vain j'essayai de ranimer mon malheureux compagnon. Mes efforts furent inutiles (Chateaubr.,Martyrs, t. 2, 1810, p. 123).Le patient a un arrêt du cœur, (...) le chirurgien (...) le ranime (...) par massages (Ruyer,Cybern., 1954, p. 135).
Empl. pronom. Lorsque l'enfant vient au monde foible, décoloré, ayant les membres flasques (...) on ne lie point le cordon ombilical avant qu'il ne se soit ranimé (Baudelocque,Art accouch., 1812, p. 220).
P. anal. Le paganisme (...) appartient [aux artistes]; il suffit de génie plastique pour ranimer les dieux païens (Hourticq,Hist. art, Fr., 1914, p. 175).
Empl. pronom. Le moteur se ranimait, s'effondrait, râlait; la voiture, favorisée par la descente, achoppait au raidillon, zigzaguait, butait un arbre ou un parapet (Arnoux,Nuit St-Avertin, 1942, p. 89).
b)
α) P. anal. Elle trouva un moineau. Il vivait encore (...). Elle [le] ranima (...), lui donna à manger et à boire, lui pansa sa blessure et, dès qu'il put voler, lui ouvrit la fenêtre (Renard,Journal, 1902, p. 796).V. anabiose ex.
β) Littér. ou poét. Réveiller au sortir de l'hiver. Les rosées et les pluies du printemps (...) fertilisent les terres; les végétaux ranimés poussent tour à tour leurs premiers feuillages (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 302).Des parfums les plus doux la colline embaumée Voit bondir le chevreuil joyeux Sur la verdure ranimée (Baour-Lormian,Ossian, 1827, p. 258).
Empl. pronom. Le lendemain 22, visite à Lagaubertie par un beau soleil; la nature semble se ranimer (Maine de Biran,Journal, 1818, p. 169).
c) P. anal.
[Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] Réchauffer; restituer la circulation sanguine, le fonctionnement physiologique normal à. Elle essayait de ranimer les mains glacées de mon père en les réchauffant dans les siennes (Duras,Édouard, 1825, p. 130).Le colonel s'était accroupi devant le brasier et cherchait à ranimer ses membres engourdis (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 1, 1859, p. 10).Et pourtant une chose la soulagerait, (...) faire monter dans sa chambre l'aide-jardinier (...) entr'ouvrir sa chemise et alors plonger, (...) dans la chaleur et le velu de ce poitrail de rustre, ses pauvres mains transies et ses pieds grelottants, les ranimer à cette tiédeur humaine, dans cette vivante moiteur (Lorrain,Âmes automne, 1898, p. 44).
Empl. pronom. Après une demi-heure d'anéantissement, le visage de Fortuné Trubert creusé par la mort, se ranima, ses mains se soulevèrent (A. France,Dieux ont soif, 1912, p. 198):
1. Ce n'est pas lorsqu'un membre est mort de froid, que l'on souffre; c'est lorsque la vie y revient. Aujourd'hui, inquiétude... analogue aux élancements et aux fourmis dans les doigts qui se raniment. Gide,Journal, 1949, p. 340.
[Le compl. d'obj. désigne une fonction, une propriété, une activité de l'organisme] Réactiver, stimuler. La petite goutte de liqueur avait un peu ranimé nos forces (Toepffer,Nouv. genev., 1839, p. 351).Rien de tel [qu'un sorbet] pour ranimer un appétit en voie d'apaisement (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 3, col. 2).
Empl. pronom. Le tissu osseux, dans les conditions normales, ne fait preuve d'aucune activité constructrice; mais si un os se brise accidentellement, cette activité assoupie se ranime aussitôt, et les deux morceaux ne tardent pas d'être unis par un cal de néo-formation (J. Rostand,La Vie et ses probl., 1939, p. 117).
3. Ramener à la conscience, faire revenir à soi (une personne évanouïe). Marie-Jeanne (...), ranimée un peu par la fraîcheur de l'air, se redressait en rouvrant les yeux (Bourget,Actes suivent, 1926, p. 106).Mésange était encore à moitié évanoui; Voussois le ranima (Queneau,Pierrot, 1942, p. 194).
Empl. pronom. La jeune infortunée (...) étoit toujours sans connoissance (...) tout à coup elle parut se ranimer, et rouvrit les yeux (Genlis,Chev. Cygne, t. 1, 1795, p. 172).Il regardait le Père. − Je resterai près de vous, lui dit-il doucement. L'autre parut se ranimer et tourna vers le docteur des yeux où une sorte de chaleur semblait revenir (Camus,Peste, 1947, p. 1407).
4.
a) Redonner des forces, de l'énergie, du courage à (une personne épuisée ou abattue). Synon. réconforter, revigorer, stimuler.Gavroche, complètement envolé et radieux, s'était chargé de la mise en train (...). L'énorme barricade le sentait sur sa croupe. Il gênait les flâneurs, il excitait les paresseux, il ranimait les fatigués (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p. 333).Si morne que je pusse être avant sa venue, je me sentais bientôt tout ranimé par ses propos, et par l'attention affectueuse qu'il portait aux miens (Gide,Journal, 1949, p. 340).
Empl. pronom. Jour du dîner de Véron. J'étais exténué en y allant. Je me suis ranimé et amusé (Delacroix,Journal, 1849, p. 279):
2. Elle avait l'air accablée, vieillie de dix ans; elle regardait Christophe avec de bons yeux soumis et suppliants. Il promit tout ce qu'elle voulut. Alors elle se ranima, sourit, redevint gaie. Et, le soir, elle riait et flirtait, comme à l'ordinaire. Rolland,J.-Chr., Foire, 1908, p. 740.
Part. passé en empl. adj. Plein de vie. Un étonnement profond glaça le père, la fille et Auguste (...) − Eh! bien, celle qui vous a sauvé votre fille, reprit Godefroid en regardant le vieillard, qui vous l'a rendue jeune, belle, fraîche, ranimée (...) C'est une femme que vous avez envoyée innocente au bagne pour vingt ans! (Balzac,Initié, 1848, p. 459).
b) [P. méton.] Ranimer les cœurs, les esprits; ranimer les courages. Il souriait, ragaillardi par cette chaleur d'automne qui ranimait ses vieux os (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 20).Des fanatiques (...) aspiraient à reprendre la lutte et (...) pour ranimer les énergies, exploitaient tous les incidents (Bainville,Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 170).
B. −
1. Ranimer (un feu). Raviver, augmenter l'intensité de. Un tison noir et presque éteint, où courent seulement quelques étincelles (...) que je ranime éperdument de mon souffle (Coppée,Bonne souffr., 1898, p. 99).La Mère, devant la cheminée, s'efforce de ranimer les braises (Claudel,Annonce, 1912, i, 1, p. 26).Elle était auprès de lui, redressait ses oreillers, rebordait son lit; puis ranimant le feu, elle prépara une tisane (Arland,Ordre, 1929, p. 511).
Empl. pronom. Vers la fin de la période pléistocène, au moment du recul définitif des glaciers, les feux souterrains se ranimèrent sur divers points du Massif Central, en Auvergne, dans le Velay et le Vivarais (Boule,Conf. géol., 1907, p. 184).
Part. passé en empl. adj. Les soirs d'hiver, les soirs de feux et de légendes, les lueurs mourantes ou ranimées ébauchent au fond de l'ombre de fuyantes apparitions (Faure,Hist. art, 1909, p. 29).
[En cont. métaph.] Voici que, déjà, tout s'abaisse et se relâche. Cette flamme d'ambition nationale, ranimée sous la cendre au souffle de la tempête, comment la maintenir ardente quand le vent sera tombé? (De Gaulle,Mém. guerre, 1959, p. 178).
Empl. pronom. [Avec compl. prép.] J'ai vu dans ses regards la flamme de la vie, Sous la main du trépas par degrés assoupie, Se ranimer encore au souffle de l'amour! (Lamart.,Médit., 1820, p. 44).
2. P. anal. Nous (...) replongions cent fois dans l'eau [les cailloux d'émeraude, de lapis et de corail] pour en ranimer l'éclat (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 276).Elle avait bruni. Son teint, ranimé par un hâle léger, rapportait de ses courses en plein air comme un reflet de lumière et de chaleur qui le dorait (Fromentin,Dominique, 1863, p. 97).
Empl. pronom. Des enveloppements sonores, vaporeux ou brillants (...) s'éteignent ou se raniment à volonté par un simple mouvement de pédale (Arts et litt., 1935, p. 38-4).De petits incendies inflammatoires locaux (...) s'éteignent en un point, se ranimant ailleurs (Ravault, Vignon,Rhumatol., 1956, p. 12).
C. − Au fig.
1. Faire revivre, ressusciter (ce qui fut). Un sujet périlleux, tout en nuances, une évocation d'amours anciennes, un instant ranimées, tout ce qui, chez d'autres, eût risqué d'être banal ou guindé, devenait sous (...) [la] plume [de Gabriel Pierné] miracle de grâce légère et attendrie (Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p. 194).
Empl. pronom. Je retournai chez Jacques. Il arpenta la galerie avec des gestes et des sourires d'autrefois et le passé se ranima (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 260).
[P. méton.] Je ne puis exprimer l'émotion que je ressentis, un déluge de pleurs couvrit mon visage, tous mes souvenirs se ranimèrent: rien ne retrace le passé comme la musique (Staël,Corinne, t. 2, 1807, p. 405).
2.
a) Raviver, réactiver (ce qui est assoupi). Il est (...) 11 heures à New-York et l'Amérique commence à effectuer des transactions qui raniment le marché des changes jusqu'à la clôture des banques européennes à 18 heures (Baudhuin,Crédit et banque, 1945, p. 138):
3. Ils s'apercevaient brusquement qu'ils étaient des étrangers l'un pour l'autre, et ils se surveillaient. Ils firent de vains efforts pour ranimer la conversation: elle retombait aussitôt. Rolland,J.-Chr., Matin, 1904, p. 152.
SYNT. Ranimer l'affection, la confiance, le courage, l'enthousiasme, l'espérance, la gaité, le patriotisme; ranimer l'angoisse, la douleur, la fureur, la haine; ranimer l'attention, l'intérêt (de qqn pour qqc.); ranimer la mémoire; ranimer des ambitions, des émotions; ranimer un conflit, une dispute, une guerre, une polémique, une querelle; ranimer des accusations, des soupçons; ranimer une alliance, une coalition; ranimer l'agriculture, le commerce; ranimer les affaires, les beaux-arts.
Empl. pronom. L'aversion première qu'il lui avait inspirée, et qu'il était parvenu à éteindre, se ranima vivace au fond du cœur de la comtesse (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 1, 1859, p. 22).La révolte agraire couvait toujours; à la fin de l'hiver, elle se ranima dans le Quercy (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 252).
Empl. pronom. réciproque. L'idéalisme se sentait périr et demandait à se faire absoudre par le dogme. Une science mourante, une foi mourante, liées ensemble, et qui cherchent à se ranimer l'une l'autre (Quinet,All. et Ital., 1836, p. 73).
b) En partic. [Le compl. d'obj. désigne un groupe, une région] Rendre à nouveau actif, dynamique; faire sortir de son inertie, de sa léthargie. J'essayai de ranimer cette société endormie: je leur proposai de lire des vers, de faire de la musique (Staël,Corinne, t. 2, 1807, p. 374).L'action régionale s'efforce de ranimer les provinces menacées d'une lente dévitalisation (Univers écon. et soc., 1960, p. 24-3).
Empl. pronom. L'armée, au souffle de la guerre, se ranima de ses cendres (Chateaubr.,Mém., t. 3, 1848, p. 194).Les pays protestants avaient vu le mysticisme réveiller la ferveur. En Angleterre, le méthodisme continuait ses conquêtes et les autres sectes se ranimaient (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 68).
REM. 1.
Ranimable, adj.,rare. Qui peut être ranimé. La jeune fille lui causa ces sensations extrêmes qu'il ne croyait plus ranimables (Balzac,Séraphita, 1835, p. 261).
2.
Ranimage, subst. masc.Action de ranimer. Ranimage de la Flamme (sous l'Arc de Triomphe) (A. Thérive,Querelles de lang., 1929-40ds Dupré 1972).
3.
Ranimant, -ante, part. prés. en empl. adj.,rare. Qui ranime. Poussières de maquis! il me semble en humer l'âpre et ranimante odeur de genièvre et de lentisques (Lorrain,Heures Corse, 1905, p. 63).
4.
Ranimation, subst. fém.Action de ranimer. Synon. usuel réanimation.Les gouvernements de la république française, de la Grande-Bretagne et des États-Unis se sont accordés... pour procéder à l'« alignement » de leurs devises dans le triple but de permettre, dans la stabilité reconquise, la ranimation du commerce international, la renaissance de la confiance des peuples, la consolidation de la paix (Moch, 1936ds Doc. hist. contemp., p. 165).
Prononc. et Orth.: [ʀanime], (il) ranime [-nim]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) 1560 se r'animer « devenir plus fort » (J. Grevin, L'Olimpe, éd. L. Pinvert, p. 297); b) av. 1573 « rendre à la vie » (Jodelle, Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 95); c) 1601 ranimer qqn au combat (Montchrestien, Les Laceuls ds Tragédies, éd. Petit de Julleville, p. 162). Dér. de animer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 1 284. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 068, b) 1 531; xxes.: a) 1 440, b) 1 152. Bbg. Notes de lexicogr. critique. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1986, t. 24, n o1, p. 229. − DDL t. 26 (s.v. ranimable).