| RAGEUR, -EUSE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − Qui est irascible, hargneux. Synon. coléreux.Cet homme intelligent, ce poète, sent le prêtre rageur et de sang âcre (Renard, Journal, 1900, p. 570).Chez eux aussi y avait des scènes, mais alors pour la jalousie. Son mari voulait pas qu'elle sorte. C'est lui qui sortait toujours. C'était un ancien officier, un petit brun rageur (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 88). B. − 1. [En parlant d'une pers.] Qui est en rage. Quand maman a terminé ses achats, plus personne (...) Nous revenons enfin (...) à la station du tramway. Là une heure ou à peu près de mesures pour rien. Maman était rageuse (Estaunié, Bonne Dame, 1891, p. 234): ... après les rappels du public (...) ma vieille voisine rageuse, redressant sa taille minuscule, posant son corps de biais, immobilisa les muscles de son visage et plaça ses bras en croix sur sa poitrine pour montrer qu'elle ne se mêlait pas aux applaudissements des autres et rendre plus évidente une protestation qu'elle jugeait sensationnelle, mais qui passa inaperçue.
Proust, Guermantes 1, 1920, p. 50. ♦ P. anal. [En parlant d'un animal] Des chats rageurs dont le poil se hérisse et dont le gosier râcle (Romains, Vie unan., 1908, p. 262). − [P. méton. du déterminé] Qui exprime la mauvaise humeur. ♦ [Le déterminé désigne une partie du corps, un trait de comportement]
Œil, regard, ton rageur; voix rageuse. Sa bouche rageuse et muette mâche l'insulte, sans pouvoir la faire entendre (Goncourt, Journal, 1871, p. 814).Il prenait son air rageur d'enfant malade, qui a besoin qu'on le plaigne (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 297). ♦ [Le déterminé désigne un sentiment] Chagrin, désespoir rageur; colère rageuse. Le Journal des Goncourt nous a laissé une peinture fidèle de la rageuse désolation de la princesse Mathilde, lorsque son commensal habituel, Sainte-Beuve, entra au Temps, trahissant ainsi la cause impériale (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 51).Sa raison enfiévrée, frappée d'une rageuse impuissance (Gracq, Argol, 1938, p. 121). ♦ [Le déterminé désigne une action, son résultat] Écriture rageuse; paroles rageuses. Un coup de sonnette brusque tinta dans le corridor. On le connaissait bien, ce coup de sonnette rageur du chef (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 468).Arbaud fauchait l'herbe sèche (...) à grands coups de faux rageurs sans équilibre, comme ivre ou fou (Giono, Colline, 1929, p. 162).Dans le vocab. de la crit. esthét. Les sommations du païen Félix sont exprimées par un allegro rageur (Willy, Entre deux airs, 1895, p. 26).Les lavis de Rembrandt, faits de taches que l'on croirait hasardeuses et de larges traits rageurs (Arts et litt., 1935, p. 30-11). 2. P. anal. [En parlant d'un phénomène physique, d'un bruit] Qui fait rage. Vent rageur. Une pluie rageuse crépitait comme une grêle sur les vitres (Bernanos, Crime, 1935, p. 799).Les aboiements rageurs du canon anti-aérien (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 367). II. − Empl. subst. Personne irascible, hargneuse. J'ai quitté une modiste qui m'avait manqué deux chapeaux. La rageuse est venue vingt-sept fois me demander vingt francs (Balzac, Homme d'affaires, 1845, p. 403).À ces rageurs vêtus de jaquettes [les professeurs], à ces pistolets qui, du haut de leur étroite chaire (...) nous collaient une retenue sans exemption, j'opposais le maître du plein air [Linné] (Jammes, Mém., 1922, p. 9). Prononc. et Orth.: [ʀaʒ
œ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. a) 1832 « qui est sujet à des accès de colère » (E. Sue, Le Parisien en mer ds Le Livre des Cent et un, VI, 74 cité par R. Weil ds R. Philol. fr. t. 45, p. 34); 1840 empl. subst. (Carmouche et Laloue, Les Invalides, XVII, in Répertoire dram., IV ds Quem. DDL t. 6); b) 1887 en parlant d'un animal insectes rageurs (Zola, Terre, p. 516); 2. 1836 « qui dénote la colère » rageuse curiosité (Balzac, Lys, p. 46). Dér. de rager*; suff. -eur2*. Fréq. abs. littér.: 297. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 19, b) 293; xxes.: a) 706, b) 663. Bbg. Darm. 1877, p. 104. |