| RAFRAÎCHIR, verbe trans. A. − Rendre plus frais, donner de la fraîcheur à quelqu'un, quelque chose. 1. [L'obj. désigne l'air ambiant, un lieu] Abaisser la température de façon agréable. Anton. réchauffer.La brise, la pluie rafraîchit l'atmosphère; rafraîchir une pièce en l'aérant. Une cour pavée de marbre, ombragée de sycomores, rafraîchie par deux fontaines moresques (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 212).Les heures du matin ont le timbre plus clair, et leur parfum pulvérisé rafraîchit l'air (Romains, Vie unan.,1908, p. 90). − Empl. pronom. et empl. intrans. [Le suj. désigne l'air ambiant, un lieu] Devenir plus frais ou modérément froid. Synon. moins usité fraîchir.Le temps se rafraîchit. On se disait: « Ça va enfin rafraîchir ». Ça mit dans l'air une braise de plus (Giono, Baumugnes,1929, p. 108).Voilà le temps qui rafraîchit!... que remarque tout de suite ma mère! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 384): 1. Ce fut une légère fraîcheur qui d'abord atteignit ma somnolence. Sans qu'il se fût levé un souffle d'air, toute la campagne se rafraîchit autour de moi et je sentis tomber un peu d'humidité sur mes mains.
Bosco, Mas Théot.,1945, p. 224. 2. [L'obj. désigne une pers., une partie du corps] a) Abaisser la température, donner une sensation de fraîcheur, en partic. par contact de la peau avec quelque chose de froid. Rafraîchir le front, les tempes d'un malade avec un linge humide, un peu d'eau. Un vent léger rafraîchissait le front, les yeux, la bouche de mon amie Bérénice et découvrait sa nuque énergique de petite bête (Barrès, Jard. Bérén.,1891, p. 95).V. alcarazas ex. 4. − Empl. pronom. réfl. ♦ dir. Le désir lui vint tout à coup de se baigner dans la Brindille pour se rafraîchir et apaiser l'ardeur de son sang (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Pte Roque, 1885, p. 1039). ♦ indir. Se rafraîchir le visage. Trempe tes mains, cria Albine. Au fond, l'eau est glacée. En effet, ils purent se rafraîchir les mains. Ils se jetèrent de l'eau au visage (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1386). − Au fig. Donner une impression de fraîcheur, de jeunesse, de pureté. Rafraîchir le cœur, l'âme. Ces mines drôles, ce langage pittoresque et facile [de l'enfant] lui rafraîchissaient l'esprit comme les caresses sur son front (Chardonne, Épithal.,1921, p. 173).Part. passé adj. À présent, l'âme rafraîchie et légère, elle découvrait avec ivresse une beauté nouvelle dans les choses (Chardonne, Épithal.,1921p. 140). − MÉD., vieilli. Nourriture, remède qui rafraîchit. Nourriture, remède qui facilite le transit intestinal. (Dict. xixeet xxes.). Rafraîchir le sang. Calmer l'échauffement, l'irritation du sang par des dépuratifs et par un régime et des soins appropriés. Anton. échauffer.Le sommeil rafraîchit le sang (Ac.).Il n'y a plus de vie en moi: ce que je mange ne me nourrit pas, l'air en entrant dans ma poitrine ne me rafraîchit pas le sang (Balzac, Béatrix,1839, p. 252). ♦ Au fig. Calmer l'inquiétude, revigorer. Des œuvres comme Ruy-Blas vous rafraîchissent le sang! Cela vous sort de la crasse littéraire qui nous entoure (Flaub., Corresp.,1879, p. 252).Empl. pronom. réfl. indir. Orso se rafraîchit le sang en pensant qu'il pourrait faire à miss Nevil un tableau de l'état de son âme, tableau qui ne pourrait manquer d'intéresser puissamment cette belle personne (Mérimée, Colomba,1840, p. 83). b) Apaiser la soif, désaltérer; donner une sensation de fraîcheur. Cette pâte légère [le loukoum], transparente et fondante, qui rafraîchit délicieusement la bouche des fumeurs (About, Grèce,1854, p. 396). − Empl. abs. Cette boisson rafraîchit bien. Comme le café ne rafraîchit pas, il boit encore un verre de vin (Renard, Journal,1900, p. 594): 2. Il est des boissons qu'on prépare
Avec le jus des oranges pressurées,
Des citrons, des limons,
Et qui rafraîchissent parce qu'elles sont
À la fois acides et douceâtres.
Gide, Nourr. terr.,1897, p. 217. − Empl. pronom. réfl. Se désaltérer; prendre un rafraîchissement. Se rafraîchir dans un bistrot. On se rafraîchit dans ce village avec un petit vin blanc mousseux qui ressemble beaucoup à la tisane de Champagne (Nerval, Filles feu,Angélique, 1854, p. 585).Pour me rafraîchir ensuite, j'avalai un plein bol de cidre et je me remis à bondir comme un possédé (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Ma femme, 1882, p. 669).Ce jeune homme doit être épuisé par sa course (...); ne vaudrait-il pas mieux qu'il se rafraîchisse, qu'il se repose, et vous l'interrogeriez après (Cocteau, Machine infern.,1934, iv, p. 125). 3. [L'obj. désigne une chose] Plonger dans de l'eau froide, dans de la glace, dans un milieu froid. Rafraîchir le vin, le champagne. Quand elles [les laitues] ont bouilli une demi-heure vous les rafraîchissez dans un seau d'eau fraîche (Viard, Cuisin. roy.,1831, p. 3).Tout le monde se précipite à la pompe pour inonder les bouteilles et les rafraîchir un peu (Colette, Cl. école,1900, p. 251). − Empl. intrans. Mettre les fruits à rafraîchir. Les domestiques sont couchés et c'est Nanie qui va périodiquement chercher à la cuisine les bouteilles qui rafraîchissent dans le frigidaire géant (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 207). B. − Remettre en état de fraîcheur primitive ou en meilleur état. 1. Vieilli. [L'obj. désigne une pers. ou un groupe de pers., en partic., des troupes, un animal] Rétablir les forces, la santé par la nourriture et le repos. Synon. requinquer (fam.), retaper (fam.).Rafraîchir des troupes, des chevaux. Nous nous proposions de faire quelque séjour dans la rade, afin d'y rafraîchir et d'y reposer nos équipages (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 316).M. Méridier, rajeuni, rafraîchi, ayant reconquis une partie de sa gaieté d'autrefois, se soumettait cet avenir (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 101). − P. méton. Rafraîchir une place (d'hommes et de munitions). Y faire entrer de nouvelles troupes, de nouvelles munitions. (Dict. xixeet xxes.). − Empl. pronom. Ces troupes ont besoin de se rafraîchir (Ac.1935).Il fallait que les chevaux se rafraîchissent, et la côte qui suivait était rude à monter (Flaub., Éduc. sent.,1845, p. 116).[Avec ell. du pron.] On faisait rafraîchir les chevaux fatigués d'une marche de trois heures (Krüdener, Valérie,1803, p. 46). 2. [L'obj. désigne une chose] a) Revigorer une plante, une fleur. En Octobre, quelques pluies avaient rafraîchi les prés, les arbres étaient encore verts et feuillés au milieu du mois de novembre (Balzac, Tén. affaire,1841, p. 29). b) Rénover, réparer, nettoyer ce qui était défraîchi, fané ou usagé. Synon. retaper (fam.).Rafraîchir un appartement, des couleurs, un mobilier; rafraîchir une robe en transformant le col. [Angèle] crut, en outre, devoir rafraîchir sa toilette de gala par une garniture de rubans mauves (Zola, Curée,1872, p. 361).V. radoub ex. de Pagnol: 3. Beaucoup trop pauvres, au moment de notre arrivée, pour renouveler les peintures du logement ou obtenir du moins qu'elles fussent rafraîchies, nous avions souffert (...) d'avoir à toucher et à sentir la crasse des autres.
Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 64. ♦ Rafraîchir un tableau. ,,Lui rendre la vivacité des couleurs en le nettoyant et le vernissant`` (Ac.). ♦ Rafraîchir une tapisserie. ,,La raccommoder aux endroits où elle est gâtée pour la réparer`` (Ac.). c) Rogner, tailler les extrémités d'une chose; en partic., couper légèrement les cheveux, la barbe. Rafraîchir les bordures d'un parterre. Le farouche chasseur s'était fait rafraîchir les cheveux et la barbe (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 63). ♦ Part. passé adj. Le petit M. Mazerelles, ganté de clair, la barbe rafraîchie, trop aimable, jouait au beau parmi les dames (Martin du G., Devenir,1909, p. 132). − Spécialement ♦ AGRICULTURE Couper l'extrémité des racines d'une plante pour la revigorer. On rafraîchit les racines en en coupant l'extrémité avec la serpette ou avec tout autre instrument; puis on les repique en lignes et au plantoir (Carrière, Pépinières,1878, p. 63).Rendre lisse une coupe faite à l'aide d'une scie, d'un sécateur; ,,aviver la surface d'une cassure ou d'une meurtrissure accidentelle`` (Bén.-Vaesk. Jard. 1981). La serpette (...) sert à rafraîchir les plaies faites par la scie [de jardinier] pour aviver les tissus mâchés et pour aplanir les coupes selon une surface unie (Brunet, Matér. vitic.,1909, p. 48).De mars en octobre, chaque semaine, le résinier rafraîchit la plaie. Cette opération s'appelle le « piquage » (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 120). ♦ BÂT. ,,Retailler d'anciens joints ou d'anciens lits de pierre ou une vieille menuiserie`` (Barb.-Cad. 1963). ♦ MAR. Rafraîchir un câble, une amarre. En couper le bout ou ,,filer une certaine longueur de manière que le portage sur le bord ne soit plus à la même place`` (Gruss 1978). Notre câble (...) fut ragué, ce qui nous obligea de le rafraîchir de 25 brasses (Freycinet, Voy. terres austr.,1815, p. 171). 3. Au fig. Animer, renouveler, revigorer ce qui était amoindri. Où nous aspirons, c'est à leur affection [des autres], à leur volonté, à leur action dévouée et aimante, comme à la source capable de rafraîchir une ardeur qui ne peut se concentrer toute en nous (Blondel, Action,1893, p. 253). ♦ Rafraîchir la tête, les idées. Reposer l'esprit en clarifiant les idées. Baptiste va vous conduire tout à l'heure à la Grange-Allard. Vous me ferez le plaisir d'y passer quelques semaines; cela vous rafraîchira les idées (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 122).Empl. pronom. Je sens que ma tête se rafraîchit, que mes idées ensuite seront plus claires (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1910, p. 236). ♦ Rafraîchir la mémoire, le souvenir. Rappeler à quelqu'un ce qu'il a oublié. La voisine d'Augustin venait de découvrir qu'il pouvait rafraîchir d'assez confus souvenirs qu'elle avait gardés d'un unique voyage d'Italie (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 80).Les gens ont drôlement besoin qu'on leur rafraîchisse la mémoire (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 347). Prononc. et Orth.: [ʀafʀeʃi:ʀ], [-ε-], (il) rafraîchit [ʀafʀeʃi], [-ε-]. Ac. 1694, 1718: raffraischir; dep. 1740: rafraîchir. Étymol. et Hist. I. 1. 1176-84 rafrescir « redonner de la vigueur » (Gautier d'Arras, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 1679); id. verbe pronom. soi rafrescir (Id., ibid., 1729); 2. 1180-90 rafreschir « rendre plus vif en renouvelant; rappeler » (Alexandre de Paris, Alexandre, br. I, v. 11 ds Elliott Monographs n o37, p. 1); xvies. rafraischir la mémoire (Lettres [sans date] de Catherine de Navarre, Bibliothèque des Chartes, 4esérie, t. 3, p. 334 ds Littré); 3. déb. xvies. « remettre à neuf, réparer » (Garin le lorr., ms. Berne 113, f o30c ds Gdf. Compl.; enforcir, éd. I. E. Vallerie, 11670 et éd. P. Paris, t. 2, p. 271); 1690 rafraischir les vieux tableaux (Fur.); 4. 1600 « revigorer quelque chose en coupant les extrémités » (O. de Serres, Théâtre d'agriculture, p. 646); 5. 1815 mar. rafraîchir un câble (Freycinet, loc. cit.); 6. 1834 « redonner vie à un végétal » (Lamennais, Paroles croyant, p. 224); 7. 1894 rafraîchir un bois (Bricka, Cours ch. de fer, t. 1, p. 302). II. 1. a) Fin xiiies. [ms.] « procurer une sensation de fraîcheur » (1reContinuation de Perceval, éd. W. Roach, II, 7974); b) fin xives. « procurer une sensation de fraîcheur par une boisson » (Froissart, Chron., éd. S. Luce, VI, 170); 1330 verbe réfl. « se désaltérer » (Hugues Capet, 106 ds T.-L.); 2. 1673 méd. « donner une sorte de fraîcheur à l'intérieur du corps » (Molière, Malade Imaginaire, I, 1); 3. 1689, 20 juill. fig. « rendre frais, jeune » (Mmede Sévigné, Lettres, éd. La Pléiade, t. 3, p. 645). Dér. de fraîchir*; préf. r(a)-*; en a. et m. fr., on rencontrait parallèlement la forme refraîchir. Fréq. abs. littér.: 677. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 086, b) 1 230; xxes.: a) 1 074, b) 646. Bbg. Quem. DDL t. 13. |