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RACONTER, verbe trans.
A. − Faire (de vive voix ou par écrit) le récit de faits vrais ou faux.
1. Raconter qqc. à qqn.Synon. conter, dire, narrer, relater.
a) [Introd. un discours dir.] Jacques raconta: − « J'ai dormi comme un voleur sur le quai, sous une bâche! Et toi ? » (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p. 644).
[Situé en incise avec invers. du suj.] Je me faisais l'effet de quelqu'un, racontait-il, qui, penché sur la margelle d'un puits profond et noir, agiterait désespérément une corde dans l'espoir qu'enfin une main la saisisse (Gide,Symph. pastor.,1919, p. 887).
b) [Introd. un discours indir.]
Raconter que.En chemin, il nous raconte que sa famille est d'origine anglaise (Goncourt,Journal,1860, p. 787).
Raconter comment.Il me raconta comment la fille du roi était tombée en son pouvoir (About,Roi mont.,1857, p. 277).
c) [Le compl. est un subst., un pron. ou une sub. entière] Il m'a raconté en détail ses malheurs (Sénac de Meilhan,Émigré,1797, p. 1683).Georges racontait tout; il était d'une franchise désarmante (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1535):
1. Rouletabille, dominant son émotion par un effort visible, engagea M. Darzac à essayer de se calmer et à nous raconter par le menu tout ce qui s'était passé depuis son départ de Paris. G. Leroux, Parfum,1908, p. 28.
SYNT. Raconter une anecdote, une aventure, une bataille, une histoire, un incident, un voyage; raconter longuement, en détail(s).
P. plaisant. Raconter sa vie. [Pour ironiser sur les confessions prolixes et sans retenue d'une pers.] Ces vieilles édentées roucoulantes et combien, combien emmerdantes me racontent leur vie (Cendrars,Bourlinguer,1948, p. 202).
d) Absol. C'est le principal personnage lui-même qui décrit et raconte (Alain,Beaux-arts,1920, p. 325).« Oui », interrompit Antoine, « M. Chasle m'a raconté » (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p. 720).
[Empl. à l'impér.] « Et alors? » fit-il. « Raconte donc! » (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922p. 710).Raconte, raconte vite (Cocteau,Enfants,1929, p. 146).
2. Empl. pronom.
a) réfl. dir. Raconter sa vie, faire son autobiographie. Frémizon n'en finissait pas de se raconter (Céline,Voyage,1936, p. 155).Ce fut surtout Annie qui parla. Marat l'encourageait à se raconter. Les femmes comme les hommes aiment parler de soi-même (Vailland,Drôle de jeu,1945, p. 238).
b) indir. Se faire le récit de quelque chose. La rêverie, justement, n'est pas le rêve: l'homme qui s'y laisse aller se raconte des histoires auxquelles il ne croit point (Sartre,Imagination,1936, p. 136).Il se racontait sans fin l'histoire de cet amour misérable (Duhamel,Suzanne,1941, p. 283).
c) réciproque. Se faire mutuellement le récit de quelque chose. En s'interrompant cent fois l'un l'autre, ils parvinrent à grand'peine à se raconter ce qu'ils ignoraient (Stendhal,Rouge et Noir,1830, p. 491).
d) passif. Se dire, être dit. Peu de goût pour les histoires qu'on lit, la plus grande curiosité pour celles qui se racontent (Fromentin, Dominique,1863, p. 44).
B. − Littér. ou vieilli. Faire (de vive voix ou par écrit) la description, l'exposé de quelque chose. Synon. décrire, dépeindre.
1. Raconter qqc.Dire le détail de quelque chose. Je lui racontai les résultats de mon voyage (A. Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 224).M. Zola raconte les vastes drames de la vie animale (Lemaitre,Contemp.,1885, p. 324):
2. ... ces dames s'étaient rapprochées (...). Elles causaient toilette, Madame de Boves racontait une robe de bal. − D'abord, un transparent de soie mauve, et puis, là-dessus, des volants de vieil alençon... Zola,Bonh. dames,1883, p. 458.
[Suivi d'un nom propre de lieu] Il me raconte Compiègne, ses élèves, et tout... (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p. 713).Jean-Jean le Wolfram raconte Lisbonne (Vailland,Drôle de jeu,1945, p. 204).
2. Raconter qqn.Faire le portrait de quelqu'un. Il raconte son grand-père, son père, parle de la Bresse et de mille choses de la médecine existante (Michelet,Journal,1858, p. 401).
3. Au fig. [Le suj. désigne une chose] Qqc. raconte qqn, qqc.Être le témoignage, la manifestation de quelqu'un ou de quelque chose. L'hiver, le gaz dans le brouillard raconte tous les délires du soir: le thé, le vin chaud dans les familles, la bière et les nuages de tabac dans les cafés (Cros,Coffret santal,1873, p. 130):
3. Un corso bordé d'hôtels jadis somptueux raconte l'opulence du passé [à Raguse]. À côté, de petites ruelles aussi étroites, aussi raides, aussi impossibles que dans les Kasbahs arabes. Loti,Journal, t. 1, 1878-81, p. 191.
RELIG. [P. allus. au Psaume XIX: « Les cieux racontent la gloire de Dieu »] C'est pendant la nuit que les cieux peuvent raconter la gloire de Dieu, et c'est aussi pendant la nuit que les anges de Noël annoncèrent la plus étonnante de ses œuvres (Bloy,Désesp.,1886, p. 105).
C. − Présenter comme vrais des faits douteux (avec ou sans malveillance). Raconter des histoires, des sornettes; raconter n'importe quoi. Non, n'est-ce pas? On m'a raconté une blague (Bloy,Journal,1892, p. 56).Est-ce que l'oncle Adolphe m'aurait raconté une craque? (Gyp,Souv. pte fille,1928, p. 201).
[Précédé de la loc. interr. qu'est-ce que empl. avec une valeur dépréc.] En tout cas, tu ne me laisseras pas dans l'embarras, je suis sûre. − Qu'est-ce que tu racontes là? fit-il (Bernanos,Soleil Satan,1926, p. 102):
4. ... à Paris, pendant le siège (...): − (...) des bavardages toujours! Qu'est-ce que vous leur racontez encore aux Parisiens? Vrai, il faut qu'ils aient bon caractère. Leur en faites-vous assez gober de ces blagues! Voyons voir la nouvelle tartine? H. Céard, Soir. Médan, Saignée, 1880, p. 158.
Raconter qqc. sur qqn.Calomnier quelqu'un, dire sur lui des médisances. Moi qui sais ce qu'on raconte sur lui et sur sa femme: − Oui, dis-je. Nous avons chacun notre petit paquet (Renard,Journal,1901, p. 668).
En raconter (de belles). Dire des choses étonnantes, qui semblent incroyables ou exagérées. Tu le vois? Au fond, près du comptoir. Il en raconte, va! (Peyré,Matterhorn,1939, p. 180).J'étais sûre qu'elle m'en aurait raconté de belles, si je l'avais couchée sur mon divan (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 207).
REM.
Racontance, subst. fém.,vx, rare. Récit, exposé. Je leur racontai en peu de mots mes voyages de tour de France. « Mon Dieu! Que le monde est grand! » disaient-elles à mes racontances (Lamart.,Tailleur pierre,1851, p. 537).
Prononc. et Orth.: [ʀakɔ ̃te], (il) raconte [-kɔ ̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1130-40 « faire un récit détaillé » raconter que (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 122, ms. A); 1160-74 (Id., Rou, éd. A. J. Holden, II, 1313: l'epitaphe... Qui raconte sez fez et comment il vesqui); 1798 fam. en raconter (Ac.); 2. 1169-78 « expliquer, dépeindre » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5738: Se tu veuz que je t'en raconte [de l'amour], Quels est le defenissemenz...); a) 1679 avec un compl. désignant une pers. (La Fontaine, Fables, IX, 18: Je vous raconterai Térée et son envie); b) av. 1757 avec un suj. désignant un inanimé (Fontenelle, Cassini ds Littré: Les cieux qui racontent la gloire de leur créateur); 3. 1746 réfl. dir. « s'analyser, parler de soi » se raconter naïvement (Vauvenargues, Réflexions sur quelques sujets, 23 ds Œuvres, éd. H. Bonnier, t. 1, p. 309); 4. 1877 « dire à la légère ou de mauvaise foi » (Zola, Assommoir, VI ds Œuvres, éd. H. Mitterand, t. 3, p. 551). Dér., à l'aide du préf. re-*, de l'a. fr. aconter « décrire, raconter » (Roland, éd. J. Bédier, 534; 1038), dér. de conter*, préf. a-1*. Cf. l'a. fr. reconter « conter » (1119 Ph. de Thaon, Comput, 2001 ds T.-L.), dér. de conter*. Fréq. abs. littér.: 12 191. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 452, b) 19 884; xxes.: a) 22 227, b) 17 194.
DÉR. 1.
Racontable, adj.Qui peut être raconté. J'ai tout raconté au marquis (...). Tout ce qui était racontable (Augier,Mariage Olympe,1855, p. 247). [ʀakɔ ̃tabl]. 1reattest. ca 1200 « qui peut être, qui mérite d'être raconté » (Li Dialoge Gregoire, 211, 21 ds T.-L.: chose [...] racontable [factum [...] memorabile]); de raconter, suff. -able*; cf. l'a. fr. recontable (ca 1175, ibid.), dér. de reconter, v. raconter.
2.
Racontage, subst. masc.,région., vieilli. Bavardage, racontar. Tous ces racontages, sujets de conversation qui occupent dans le premier moment les petites villes et les petites gens (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 9).[ʀakɔ ̃ta:ʒ]. 1reattest. 1807 (Michel (J.-F.) Expr. vic., p. 13), terme des dial. du Nord et de l'Est (FEW t. 2, p. 995a); de raconter, suff. -age*.