| RABIOT, subst. masc. A. − Arg. mar. et milit. 1. a) Reste de boissons, de nourriture après une première distribution. Synon. excédent, supplément, surplus.Rabiot de café, de viande, de vin; distribuer, se partager le rabiot; il y a du rabiot. Dans un coin [du bureau du chef], quatre boules de son empilées, rabiot des hommes en permission opéré sur la distribution de la veille (Courteline,Train 8 h 47, 1888, 1repart., iii, p. 30).Le tas de boules rousses (...) peu à peu a décru, jusqu'à disparaître. Et Brémond (...) vient de distribuer « le rabiot de barbaque » (Genevoix,Nuits de guerre, 1917, p. 8).En cercle, tendant le quart, nous entourons Bréval qui partage le vin. Pendant qu'il verse le rabiot goutte à goutte, Sulphart ausculte le bidon d'eau-de-vie (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p. 83). − Loc. adj. De rabiot. En supplément après la distribution. Favret [montrant les deux pains]: C'est tout ce qu'il y a de rabiot? Bernot: Bien sûr. Favret: C'est pas bésef (Courteline,Gaîtés esc., 1886, i, 1, p. 8). − Loc. verb. Avoir du rabiot de. Avoir un supplément de. Le capitaine nous les capitalisait [les heures de permission], nous disant que nous aurons du rabiot de perme quand le régime des permissions serait régularisé (Cendrars,Main coupée, 1946, p. 145). b) Vieilli. ,,Reste que le distributeur s'adjuge indûment`` (Esn. Poilu 1919). − Loc. verb. Faire du rabiot. ,,Prélever indûment une part sur les vivres`` (France 1907); p. ext., voler, faire du bénéfice sur les fonds qu'on vous confie. Hein? reprit Laguitte, doit-il faire du rabiot, l'animal [le boucher], pour nous lâcher ainsi deux mille francs! (Zola,Cap. Burle, 1883, p. 28).[Le sergent-major] faisait du rabiot sur tout (Bruant1901, p. 452). 2. a) Temps de service supplémentaire imposé à un militaire à la fin de son temps de service normal, en cas de peines disciplinaires. Faire du rabiot; un mois de rabiot. Il n'est pas encore arrivé [le général], dit Barnavaux d'un ton conciliant; mais il se fera un devoir de te rendre visite dans tes salons, sûr! Et il te collera trente jours de rabiot (Mille,Barnavaux, 1908, p. 133). − Arg. (gdes éc. milit.). Temps de retenue imposé à un élève à la fin de l'année lorsqu'il a obtenu une note insuffisante aux examens. [C'est] la fin de l'année d'études (...) Dans une quinzaine, il ne restera plus à l'École que quelques malheureux punis d'un rabiot (Claris,Éc. polytechn., 1895, p. 297). b) P. ext., fam. Temps de travail supplémentaire. Être obligé de faire du rabiot; prendre du rabiot: Grande difficulté pour le recrutement des pagayeurs. Le plus grand nombre se défile (...). La compagnie de l'Ouham et Nana a coutume de les payer, non à la journée, mais au voyage. Ils doivent recevoir tant pour le trajet de Lamy à Moosgoum, puis Bangor. Ce que nous leur demandons est du rabiot, dont il ne leur sera pas tenu compte.
Gide,Retour Tchad, 1928, p. 920. B. − Pop., fam. 1. Supplément. Le neuf fois centenaire plus le rabiot, n'entendait rien, quoiqu'il eût le tympan encore passable (Arnoux,Visite Mathus., 1961, p. 138). − Loc. adj. De rabiot, en rabiot. En supplément. − Voulez-vous cinq louis, et un petit écu de rabiot? − Bourgeois, j'ai dit six (Hugo,Travaill. mer, 1866, p. 173).Les munitions arrivèrent, et quelques fusils de rabiot (Malraux,Espoir, 1937, p. 839). 2. Avantage supplémentaire dont on bénéficie. Il est de neuf ans plus vieux que moi. Autant de rabiot de force que j'aurai toujours sur lui (Montherl.,Olymp., 1924, p. 323).Il fallut presque toujours la nuit faire encore travailler sa fatigue, souffrir un petit supplément, rien que pour manger, pour trouver le petit rabiot de sommeil dans le noir (Céline,Voyage, 1932, p. 43). Prononc. et Orth.: [ʀabjo]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. a) 1831 arg. mar. rabiau « ce qui reste de boisson après la distribution des rations aux hommes » (Will., v. aussi Fr. mod. t. 26, p. 56); 1859 id. rabiot « soupe que les soldats laissent quelquefois au fond de la gamelle » (Larch., p. 80); b) 1859 id. « temps de service supplémentaire auquel est astreint un militaire qui a encouru une peine disciplinaire » (ibid.); 2. 1832 arg. rabio « avantage supplémentaire, excédent dont on souhaite bénéficier » vingt pour cent de rabio (E. Corbière, Le Négrier, aventures de mer, Paris, 1834, 2eéd., t. III, p. 195 ds R. Philol. fr. t. 28, p. 207); 1866 rabiot (Hugo, loc. cit.); 3. 1920 fam. « temps supplémentaire de travail » faire du rabiot (Bauche). Prob. du gasc. rabiot « petits poissons, rebut de la pêche » (pat. de Teste ds FEW t. 10, p. 70a), dér. de rabe « œufs de poisson » var. des pat. de l'Ouest (1730, Savary Suppl., p. 1111: rabes de morue ... le terme n'est en usage qu'à La Rochelle, v. aussi FEW t. 10, p. 69b); de rave « œufs de morue, le plus souvent salés » (1679, J. Savary, Le Parfait négociant, t. 2, p. 198: déjà au xvies., une attest. isolée de raue au sens de « sorte de poisson » Statuts de la cour de Monsieur Saint Lasche, éd. Techener ds Romania t. 34, p. 608) ce sens s'expliquant par le fait que les œufs de poisson formaient un renflement du corps de l'animal comparable à une rave*. La forme norm. rebiots « surcroît de taxes » (1638, Lettre d'une mère à son fils ds Ferrand, Muse norm., t. II, p. 171; 1642, Cant ryal, ibid., p. 241, ligne 8), « primes de séance des absents réparties en surplus aux présents dans un chapitre » (1770 à Caen d'apr. Esn. 1965) est prob. à rapprocher de rabiot. Fréq. abs. littér.: 24. DÉR. Rab(e), rab',(Rab, Rabe) subst. masc.,apocope. a)
α) Arg. milit. ou fam. [Corresp. à supra A 1 a] Avoir du rab; il y a du rab. C'est une boule de pain en rab, elle est moisie (Sartre,Mort ds âme, 1949, p. 235).Rab de rab. ,,Portion qui fait l'objet d'une troisième tournée complémentaire des deux premières; « superlatif » de rab`` (Esn. Poilu 1919, p. 443). On le voyait s'amener à l'heure de la soupe. Il (...) surveillait de près la distribution du rabiot et du rab' de rabe [sic] quand il y en avait (...) mendigotait, pleurnichait (Cendrars,Main coupée, 1946, p. 19).
β) En partic., arg. milit. [Corresp. à supra A 2 a] Trois ans de prison à chacun... Avec les remises de peine, ils ne feront pas dix mois de rab! (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 137).b) Fam.
α) [Corresp. à supra B 1] Loc. adj. En rab. En trop. Bon Dieu, il m'en manque un paquet [de cartouches] ... T'en as pas un en rab'? (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p. 68).
β) [Corresp. à supra B 2] Je peux me renfoncer dans les draps pour savourer cette heure de grâce, ce rab de nuit où s'éteint enfin la veilleuse qui brûle dans ma tête (H. Bazin,Huile sur feu, 1954, p. 287).− [ʀab]. − 1resattest. 1893 (École des Arts et métiers ds Esn. 1966), 1913 (Argot des soldats, ibid.), 1919 en rab' « en trop » (Dorgelès, loc. cit.); abrév. de rabiot. |