| RÊVERIE, subst. fém. A. − 1. Vieilli. Délire causé par une maladie; l'effet de ce délire. Il n'a jamais de fièvre qu'il ne tombe en rêverie, qu'il n'ait des rêveries. Des rêveries de malade (Ac.1798-1878). − P. ext. Idée extravagante. Synon. chimère.Il veut débiter ses rêveries pour des vérités. Cet ouvrage est plein de rêveries. Ce que vous dîtes est une rêverie (Ac.1798-1878). 2. Réflexion profonde dans laquelle l'esprit est plongé; l'intuition, la pensée qui en découlent. Synon. rêve (v. ce mot D 1).Rêverie profonde; rêverie métaphysique, philosophique. La méditation profonde (...) la rêverie intense et presque douloureuse qui arrive au cœur du poète (Flaub., Corresp., 1844, p. 153).Dans la rêverie, nous réfléchissons, nous cherchons, pour revenir sur le passé, à ralentir, à suspendre le mouvement perpétuel où nous sommes entraînés (Proust, Guermantes 1, 1920, p. 12). − Rêverie sur qqc.Une admirable rêverie sur la religion (Mauriac, Journal 1, 1934p. 44). B. − 1. État de conscience passif et généralement agréable dans lequel l'esprit se laisse captiver par une impression, un souvenir, un sentiment, une pensée et laisse aller son imagination au hasard des associations d'idées. Rêverie délicieuse, heureuse; douce, tendre rêverie; se laisser aller à la rêverie, être perdu dans une rêverie. Le moindre fait me plonge dans des rêveries sans fin. Je m'en vais de pensées en pensées, comme une herbe desséchée sur un fleuve, et qui descend le courant flot à flot (Flaub., Corresp., 1850, p. 281).La rêverie (...) nourrie par les images de la douceur de vivre, par les illusions du bonheur (...) Ainsi la rêverie n'est pas un vide d'esprit. Elle est bien plutôt le don d'une heure qui connaît la plénitude de l'âme (Bachelard, La Poétique de la rêverie, 1960, pp. 54-55). ♦ Tomber en rêverie. Il avait suspendu, sur le mur de son cabinet, tout contre le miroir et à hauteur de regard, un fort beau portrait du père, devant lequel il aimait de tomber en rêverie (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 20). ♦ Rêverie éveillée. Synon. de rêve* éveillé.Dans la rêverie éveillée, le rêve de vol paraît sous la dépendance absolue des images visuelles (Bachelard, L'Air et les songes, Paris, J. Corti, 1943, p. 30). ♦ Rêverie poétique. La rêverie positive (...) une rêverie qui (...) peut bien être dénommée rêverie poétique (...). La rêverie assemble de l'être autour de son rêveur. Elle lui donne des illusions d'être plus qu'il est (Bachelard, La Poétique de la rêverie, 1960, pp. 130-131). 2. Le plus souvent au plur. Les pensées, les idées, les images évoquées au cours de la rêverie. Rêveries chimériques, folles; amères rêveries. Chante encore, chante Pasiphaé, divin ivrogne, et fais-moi oublier mes sombres rêveries (A. France, Vie fleur, 1922, p. 500). − P. méton., LITT. [P. réf. à J.-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire] La Cinquième Rêverie du Promeneur solitaire est un événement capital de la sensibilité moderne (Du Bos, Journal, 1923, p. 338). Prononc. et Orth.: [ʀ
εvʀi]. Ac. 1694, 1718: resverie; dep. 1740: rê-. Étymol. et Hist. 1. a) Déb. xiiies. resverie « délire, folie » (Chardry, Sept dormants, 1069 et 1085 ds T.-L.); ca 1320 reverie « ivrognerie » (Watriquet de Couvin, Dits, 390, 301, ibid.); b) xiiies. [date du ms.] Resveries [titre d'une pièce en vers formée de jeux de mots, d'espèces de coq-à-l'âne] (Achille Jubinal, Jongleurs et Trouvères, p. 34); 2. a) 1580 resverie « activité de l'esprit qui médite, qui réfléchit » (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t. 1, p. 146); 1631 recueil de rêveries (Descartes, Lettre du 5 mai ds
Œuvres, éd. F. Alquié, t. 1, p. 293); b) ca 1590 « pensée obsédante » (Montaigne, op. cit., I, 26, p. 100); 1776-78 Les Rêveries du promeneur solitaire [titre d'un ouvrage de J.-J. Rousseau]. Dér. de rêver*; suff. -erie*. Fréq. abs. littér.: 2 932. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 415, b) 4 675; xxes.: a) 3 244, b) 4 245. Bbg. Kress (N.). L'Évol. sém. de rêver et songer jusqu'à la fin du 17es. Thèse, Strasbourg, 1970, pp. 215-225. − Morrissey (R.). Vers un topos littér.: la préhistoire de la rêverie. Mod. Philol. 1980, t. 77, n o3, pp. 261-290. − Tripet (A.). La Rêverie littér.: essai sur Rousseau. Genève, 1979, 148 p. |