| RÉVÉLATEUR, -TRICE, subst. et adj. I. − Substantif A. − [Désigne une pers.] 1. Vieilli. Personne qui révèle, dévoile (un complot, une action criminelle), dénonce (ses auteurs). Révélateur de conspiration, d'assassinat. Soit qu'il eût joué quelque rôle convenu, soit qu'il fût un des révélateurs [du complot], Philippe resta sous le poids d'une condamnation à cinq années de surveillance sous la Haute Police (Balzac,Rabouill., 1842, p. 490).Voilà les gens qui tiennent Picquart, révélateur de la trahison d'Esterhazy, dénonciateur des faussaires! (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p. 222). 2. Personne qui révèle, fait connaître quelque chose. Si Jésus n'a pas créé le nom de Père céleste, il lui a donné une signification qu'il n'avait pas avant lui et on peut dire qu'il est le révélateur de la paternité de Dieu (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1016). − Empl. abs. Celui qui apporte des révélations (dans le domaine intellectuel, artistique, religieux). Dans l'ordre poétique et artistique, tout révélateur a rarement un précurseur (Baudel.,Curios. esthét., 1855, p. 149). ♦ Empl. adj. V. révélable dér. s.v. révéler ex. de Sand. B. − [Désigne une chose; avec ou sans compl. prép.] Ce qui fait connaître ou apparaître des choses inconnues, cachées ou insoupçonnées. La guerre, voyez-vous, Bardamu, par les moyens incomparables qu'elle nous donne pour éprouver les systèmes nerveux, agit à la manière d'un formidable révélateur de l'esprit humain (Céline,Voyage, 1932, p. 117).[La nuit] apparaît bientôt au poète comme la grande révélatrice, la source cachée à la fois de nos sentiments et des choses, le trésor infini où s'éveille sous le pas de l'explorateur tout un monde d'images (Béguin,Âme romant., 1939, p. 212). − PHOT. Révélateur ou (en appos). bain révélateur. Produit chimique, généralement en solution, utilisé pour rendre visible l'image photographique latente. Révélateur chromogène; révélateur à grain fin. Certains photographes se plaisent à rendre des effets originaux et souvent très remarquables en éclairant très brièvement l'épreuve quand elle est encore dans le bain révélateur (Prinet,Phot., 1945, p. 45).P. métaph. La rétine agit comme (...) une plaque sensible, mais dont le seul révélateur serait la conscience (Ch. Lalo, Esthét. mus. sc., 1908, p. 106). ♦ ,,Produit renforçant ou faisant apparaître une coloration sur un chromatogramme, p. ex.`` (Duval 1959). − TECHNOL. Révélateur de fuites. ,,Appareil employé pour constater une fuite sur une conduite de gaz d'éclairage`` (Lar. 19e; ds Guérin 1892; Nouv. Lar. ill., Lar. 20e). II. − Adj. [Appliqué à une chose; avec ou sans compl. prép.] Qui révèle, dévoile, manifeste quelque chose de caché, d'inconnu, d'insoupçonné. Cependant on n'avait pas trouvé le meurtrier. Aucune trace certaine n'existait; et le seul objet révélateur était un morceau de papier presque brûlé, noir de poudre, ayant servi de bourre au fusil de l'assassin (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Drame, 1882, p. 821): ... le choix qu'ils ont fait [certains écrivains comme Proust, Malraux, Kafka, etc.] d'écrire en images plutôt qu'en raisonnements est révélateur d'une certaine pensée qui leur est commune, persuadée de l'inutilité de tout principe d'explication et convaincue du message enseignant de l'apparence sensible.
Camus,Sisyphe, 1942, p. 138. SYNT. Être révélateur, très révélateur, particulièrement révélateur de qqc.; révélateur d'un état, d'une situation; fait, indice, signe, symptôme révélateur; document, instrument révélateur; circonstances révélatrices. − En partic., empl. abs. ♦ Qui est chargé de signification, qui fournit des informations importantes ou exprime des réalités profondes. Quand je dis: amusant, il faut s'entendre. Intéressant, révélateur, symptomatique. Symptomatique, c'est cela. Toute la vie moderne s'est réfugiée dans ces étalages (Arland,Ordre, 1929, p. 128).Cette tragédie [les Bacchantes d'Euripide] qui me paraissait, non peut-être plus admirable que quelques autres, mais inquiétante, révélatrice entre toutes et dont la rencontre avait été pour moi d'une si décisive importance (Gide,Journal, 1940, p. 48).[En constr. impers.] Il est révélateur que + prop. compl.; il est révélateur de + inf.N'est-il pas révélateur de songer que la première œuvre tragique à laquelle se soit appliqué ce jeune homme [Corneille] soit cette pièce à coups d'épée, à bandits, à enlèvements (...)? (Brasillach,Corneille, 1938, p. 111).N'est-il pas révélateur que cette dichotomie de l'artisan se soit précisément effectuée à la Renaissance, c'est-à-dire au moment où naissait la « civilisation du livre »? (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 36). ♦ RELIG., MYSTIQUE. Qui apporte des révélations, la perception de réalités cachées. Toute « connaissance mystique » est fondée sur la croyance à la valeur révélatrice de l'extase (G. Bataille,Exp. int., 1943, p. 115).Les déviations panthéistes témoignent de l'immense besoin que nous avions d'une parole révélatrice tombant de la bouche de celui qui est (Teilhard de Ch.,Milieu divin, 1955, p. 161). Prononc. et Orth.: [ʀevelatœ:ʀ], fém. [-tʀis]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 1444 [ms. du xvies.] « personne qui révèle quelque chose » (Trad. du Gouvernement des princes de G. Colonne, ms. Ars. 5062, fol. 185 r ods Gdf. Compl.); 2. a) 1823 « ce qui révèle, fait connaître quelque chose ou constitue un indice, un signe » (Boiste); b) 1895 phot. (Guérin Suppl.). B. Adj. 1826 « qui révèle quelque chose » (Balzac, Physiol. mariage, p. 153). Empr. au b. lat. eccl.revelator « celui qui révèle (en parlant de Dieu) » (v. Blaise Lat. chrét.), dér. du lat. de l'époque impériale revelatum, supin de revelare, v. révéler. Fréq. abs. littér.: 368 (révélatrice: 46). Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 149, b) 166; xxes.: a) 438, b) 1 084. |