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RÉSISTER, verbe trans. indir.
I. − [Le suj. désigne un inanimé] Faire obstacle à une action ou à une force.
A. − Ne pas céder sous l'effet d'une force.
Qqc. résiste à qqc.Béton, bois, métal qui résiste à la compression, à l'écrasement, à la pression. Il n'y a que le vieux chêne qui résiste à toutes les tempêtes (Dumas père, P. Jones, 1838, v, 2, p. 193).Une hutte primitive toute pétrie de terre, bien assise sur la terre pour résister au vent (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 71).
Absol. L'acier est incontestablement celui de tous les métaux qui résiste le mieux (Verne, Île myst., 1874, p. 466).
B. − Ne pas s'altérer sous l'effet d'un agent extérieur. Métal qui résiste à la corrosion de l'eau; pierre dure qui résiste à l'érosion; vase qui résiste au feu. Nos bâtiments (...) pouvaient résister aux grosses mers que nous aurions à parcourir (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 41).[La fonte] paraît résister à la rouille beaucoup mieux que le fer (Résal, Ponts métall., t. 1, 1885, p. 492).
BOT. Le blé peut résister à des cas exceptionnels de sécheresse parce qu'il a la faculté de faire pénétrer ses racines jusqu'à une profondeur de 1 m 70 à 2 mètres (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 133).Une vigne vigoureuse résiste mieux qu'une vigne faible, une vigne âgée mieux qu'une jeune vigne (Levadoux, Vigne, 1961, p. 99).
II. − [Le suj. désigne un animé ou une entité en relation avec un animé] Qqn résiste à qqc., à qqn
A. − Supporter quelque chose, tenir victorieusement contre quelque chose.
1. [Le suj. désigne le corps physique] Supporter sans dommage grave les effets d'une contingence naturelle ou d'une épreuve physique.
a) Qqn résiste à (une force naturelle).Résister à la force de l'eau, du vent. John Mangles démarra le radeau (...). Tout alla bien pendant une quinzaine de toises. Wilson résistait à la dérive (Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 249).Absol. Elle avait peur de perdre pied. Le courant la poussait, la faisait dériver, la forçait à s'incliner, à résister, à lui opposer tout son poids (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 340).
b) Qqn résiste à (des conditions climatiques, des privations vitales, des maladies).Résister à la chaleur, à la fatigue, au froid, au poison, au sommeil, à la souffrance, à la torture. L'organisme semble acquérir par accoutumance la faculté de résister aux maladies, comme il acquiert la faculté de résister à l'action graduée des poisons et des venins (Bretonneau, Inflamm. tissu muqueux, 1826, p. 55).Absol. Ce n'est point ma faute si le corps humain ne peut résister trois jours sans boire. Je ne me croyais pas prisonnier ainsi des fontaines (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 237).
Fam. On n'y peut plus résister. Il fait ici une si grande fumée, qu'on n'y saurait résister (Ac.1798-1878).
2. [Le suj. désigne la pers. morale, sa force d'âme] Supporter les épreuves. Résister aux catastrophes, aux chagrins, aux peines, aux vicissitudes; résister au destin, au malheur, au mauvais sort. Sa grande âme résistait à tout et contribuait même à le tromper sur son corps; mais nous pouvions le voir dépérir à vue d'œil (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 454).Tout d'un coup ma grand'mère se dressa à demi, fit un effort violent, comme quelqu'un qui défend sa vie. Françoise ne put résister à cette vue et éclata en sanglots (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 345).
3. [Le suj. désigne un sentiment, une chose abstr.] Durer, demeurer vivace en dépit des causes d'usure et de destruction. Synon. persister.Résister à l'absence, à l'éloignement, au mensonge, à la séparation. Les calomnies mordent difficilement sur l'amitié; mais quelle amitié résisterait à une suite de rêves qui y serait contraire? (Alain, Propos, 1921, p. 332).L'œuvre fondée sur le temps résiste elle-même au temps, ayant puisé dans la durée laborieuse dont elle était le fruit de quoi durer à son tour (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 152).
Ne pas résister à l'analyse, à l'examen. Être peu solide, sans force probante. Synon. ne pas tenir à...Tous ces gens savent que la calomnie ne peut pas résister à cinq minutes d'examen (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 214).
Absol. J'ai donné à la lecture beaucoup d'heures que j'aurais pu donner à mes livres, mais c'était ma façon d'élever ce que j'appelle la digue et de résister (Green, Journal, 1949, p. 313):
1. ... les circonstances étaient défavorables (...)? Résister, toujours résister, et prendre son point d'appui en soi-même. C'est aussi une circonstance que le courage d'un honnête homme, et personne ne saurait prévoir ce qu'elle peut entraîner. Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 329.
B. − Répondre à quelqu'un (ou à quelque chose) en refusant explicitement ou implicitement son action, son projet; l'action qui en découle.
1. Opposer de la résistance, se défendre par les armes, par les moyens de la guerre. Résister à un agresseur, à un assaut, à une attaque, à la cavalerie, à un ennemi, à une offensive. Cyrus Smith ne pourrait évidemment pas résister à cinquante bandits, armés de toutes pièces (Verne, Île myst., 1874, p. 434):
2. À la suite de ce triomphe, il s'empara de toute l'Alsace, et il avait osé concevoir le projet de s'y maintenir et de s'en déclarer le souverain, en résistant à la fois aux armées françaises et aux forces impériales. Constant, Wallstein, 1809, notes hist., p. 198.
Absol. Résister opiniâtrement, vaillamment, victorieusement; résister jusqu'au sang, jusqu'à la mort. C'est effectivement dans l'islam que ce peuple afghan maintient sa cohésion et puise la force morale qui lui permet de résister (Le Figaro Magazine, 5 déc. 1987, p. 18, col. 1).
2. Se rebeller contre une autorité physique ou morale ressentie comme abusive. Résister à sa famille, à l'oppression, au pouvoir. Ce destin est grave, je vous l'accorde. C'est celui du Christ qu'on cloue sur la croix parce qu'il résiste à la police romaine, de sainte Jeanne qu'on brûle parce qu'elle résiste à l'Église militante (Cocteau, Poés. crit. II, 1960, p. 228):
3. ... quand MmeStevens avait décidé quelque chose, il n'y avait plus qu'à se résigner: nul ne pouvait lui résister. Elle était la forte tête de la famille; (...) elle dirigeait tout: son mari, sa fille, et ses amants... Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 783.
Absol. Volat (...) reparut aussitôt, tirant après soi la fillette: elle résistait, la tête dans son bras replié sous la menace des coups attendus (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 91).
Résister à l'impôt. Refuser de payer tout ou partie de l'impôt. Quand le travail manque, quand le commerce est nul, le contribuable résiste à l'impôt par pénurie, épuise et dépasse les délais (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 220).
,,Ce cheval résiste au cavalier. Le cavalier a de la peine à le faire obéir`` (Ac.). Ce ne fut pas sans résister, sans se cabrer, sans hennir violemment, que le cheval de Thalcave se résigna à garder le pas (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 169).
[Pendant la Seconde Guerre Mondiale] Participer à la lutte contre les armées allemandes d'occupation. De Gaulle (...) a été le premier, à une époque où presque tous désespéraient, à proclamer qu'il fallait résister, à refuser de rendre les armes (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 262).Résister à qqc.Je me souviens très bien encore que, pour résister à ce régime fasciste et policier (...) nous avions (...) créé une sorte d'Université libre, c'est-à-dire, clandestine, qui se réunissait dans l'arrière salle d'un café (L'Arc, 1979, n o75, p. 62).
C. − Repousser des avances amoureuses. Résister aux assiduités, à l'insistance de qqn. Infâme!... Que vois-je?... Adèle!... morte!... Antony: Oui, morte! Elle me résistait, je l'ai assassinée! (Dumas père, Antony, 1831, v, 4, p. 226).Elle s'était mis à l'aguicher. Est-ce qu'on peut faire autrement, seule avec un homme quand la nuit tombe? (...) Il ne résistait pas, d'ailleurs. Il était amoureux perdu (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 429).
D. −
1. S'opposer à ce qui plaît, à ce qui attire mais qui est jugé raisonnablement ou moralement négatif ou mauvais. Résister à la facilité, au péché, au plaisir, à la séduction. Pour résister à ce que les puritains appellent « la tentation », je ne vaux rien. Je n'essaie même pas (Gide, Ainsi soit-il, 1951, p. 1193).
[P. méton.; à propos d'une pers. qui a un grand pouvoir de séduction] On ne peut lui résister. Tenez! Vous êtes un gentil garçon, je vous aime... On ne peut pas vous résister (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 689).
2. Lutter contre un penchant naturel, un sentiment que la raison ou la morale réprouvent. Résister à la haine, à l'impatience, à ses passions; résister au désir de + inf. Nous avions été calmes, nous avions résisté à l'indignation, à la colère que vous inspirent l'insolence et l'hypocrisie! (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 240).C'est pourquoi Platon parlait d'un élan ascensionnel (...) cet élan doit sa détente aux résistances mêmes qu'il rencontre (...) Une vie morale privée de tout ce qui lui résisterait est donc vouée à la dissolution et à l'inanition (Jankél., Traité des vertus, Paris, Bordas, t. 1, 1968, p. 17).
[À la forme nég.] Ne pas/plus résister à qqc. Céder. J'arrive aujourd'hui, ma chère Pauline, et je ne résiste pas à la tentation de t'écrire (Michelet, Journal, 1830, p. 727).Absol. Monsieur ne résiste plus! Il cède complètement à ses vices!... Monsieur se laisse emporter!... Il roule au ruisseau! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 490).
Par antinomie. [Corresp. à résistance D] Résister à la lumière, à la vérité. Dans les interrogatoires, on nous demande si nous sommes capables de résister à la grâce, et si le Christ est mort pour tous les hommes (Montherl., Port-Royal, 1954, p. 990).
Empl. pronom. réfl. [Corresp. à supra D 2] Le vrai bonheur est de renoncer à ce que tous les hommes appellent des biens, de s'oublier, de se résister à soi-même, de poursuivre et de combattre dans ses derniers retranchements cet indestructible moi, source de toutes nos peines et de toutes nos fautes (Lamennais, Lettres Cottu, 1819, p. 56).
REM. 1.
Résistable, adj.Synon. rare, pop. de résistible (infra dér.).Pour ronfler, c'est pas vrai. C'est pas résistable (Barbusse, Feu, 1916, p. 286).
2.
Résistif, -ive, adj.,électr. ,,Se dit d'un dispositif ou d'un circuit dont la grandeur essentielle, dans les conditions données, est la résistance`` (GDEL).
3.
Résistivité, subst. fém.,électr. ,,Résistance, spécifique pour chaque corps, d'un conducteur d'un mètre de long et de 1 m2de section. Elle s'exprime en ohm x m. Elle varie avec la température`` (Sc. 1962). Anton. conductivité.
Prononc. et Orth.: [ʀeziste], (il) résiste [-zist]. Ac. 1694, 1718: resister; dep. 1740: ré-. Étymol. et Hist. A. 1. 1327 résister « faire effort contre l'emploi de la force par une autorité » (Doc. ds Arch. admin. de la ville de Reims, éd. P. Varin, t. 2, 1repart., p. 445b); ca 1350 « s'opposer par les moyens de la guerre » (Gilles li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 313); spéc. 1940 en France lors de la 2eguerre mondiale (ds Résistance: B. officiel du Comité National de Salut Public, n o1, 15 déc., p. 1); 2. ca 1350 « opposer sa volonté à une impulsion, à une volonté contraire » (Gilles li Muisis, op. cit., p. 2); 3. ca 1393 « repousser des sollicitations amoureuses » (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, I, chap. 3, § 97, lignes 26 et 28). B. 1. 1530 « ne pas céder à l'effet d'(une force) » ici, trans. (Contredictz de Songecreux, f o136 r ods Gdf. Compl.); 2. 1530 part. prés. adj. resistent « qui supporte sans faiblesse des épreuves » (ibid., f o52 v o, ibid.); 1539 resister (Est.). Empr. au lat.resistere « se tenir en faisant face » d'où « tenir tête » et « opposer de la résistance à quelqu'un ou quelque chose », d'abord « s'arrêter, ne pas avancer davantage », dér. de sistere « se placer, s'arrêter ». Fréq. abs. littér.: 4 432. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 145, b) 5 318; xxes.: a) 5 463, b) 6 614.
DÉR.
Résistible, adj.,littér. Ce à quoi, à qui on peut résister. La propriote s'efforçant de le retenir dans sa maison qu'il a résolu de fuir (...). Cette personne, heureusement résistible, suit à Paris, les cours de littérature (Bloy, Journal, 1903, p. 161). [ʀezistibl]. 1resattest. 1688 (Boss., Variat., XIV ds Littré), puis 1808 (Boiste); de résister, suff. -ible*. Cf. l'angl. resistible de même sens dep. 1643 ds NED.
BBG.Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, p. 372 (s.v. résistible). − Verreault (Cl.). Les Adj. en -able en franco-québécois. Trav. de ling. québécoise .3. Québec, 1979, pp. 220-221, 225-226.