| RÉSIGNER, verbe trans. A. − Empl. trans., vieilli 1. Abandonner (un droit, une charge, un office) en faveur de quelqu'un. Synon. quitter, renoncer à, se démettre de.Le roi Richard (...) fut contraint de se rendre humblement prisonnier; peu après il résigna sa couronne. Les chambres du Parlement l'accusèrent et le déposèrent (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 247).Il s'était vu obligé par ses infirmités de résigner sa cure à M. Le Ragois de Bretonvilliers, mais en se réservant la haute main (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 529). − P. métaph. Abandonner, renoncer à. [La grand-mère] avait ce port de reine qu'elle ne résigna qu'avec l'âge et qu'elle tentait parfois de retrouver dans la rue (Camus, Env. et endr., 1937, p. 50). 2. Remettre (sa vie, son âme) entre les mains de Dieu, du destin. Elle s'efforce de résigner son ame, et de vaincre la douleur comme elle a vaincu le plaisir (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 175).Le prince (...) ôta vivement sa casquette, la posa sur la table, et, comme un homme qui résigne sa vie, dit au président: « Monsieur, je n'ai plus rien à dire. » (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 155). B. − Empl. pronom. 1. Se résigner à a) Se résigner à Dieu, à sa volonté. Accepter sans révolte son sort et se soumettre à la volonté divine. Synon. s'abandonner, s'incliner, se soumettre.L'adieu d'une voix consolatrice m'eût rendu si facile le passage de cette existence à l'autre!... Dieu ne le veut pas; résignons-nous à la volonté de Dieu! (Dumas père, P. Jones, 1838, IV, 2, p. 181).« Il ne faut se résigner à Dieu... prions! » se dit Omer (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 500). b) Se résigner à qqc.Accepter sans se révolter, une chose pénible, désagréable, mais que l'on juge inévitable. Synon. se plier à, se résoudre à. − Se résigner à + subst.Se résigner à son sort, à la mort. Il se résigna à l'une des plus pénibles démarches qu'il pût faire (Arland, Ordre, 1929, p. 400). ♦ P. plaisant. [Les Belges] ont la rage de mettre du sucre et de la farine dans tout. Vous demandez une omelette, résignez-vous à du flan (Hugo, Fr. et Belg., 1885, p. 110). − Se résigner à + inf.Se résigner à partir. Il ne voulait pas se résigner à la perdre, et comme c'est un homme de grande envergure, il avait engagé la lutte (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 318). 2. Absol. Adopter, devant certains événements pénibles, désagréables, une attitude de soumission, d'acceptation. Synon. céder, s'incliner, se soumettre.Je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans... je ne la déplore pas moi... je ne me résigne pas moi... je ne pleurniche pas dessus moi... je la refuse tout net... (Céline, Voyage, 1932, p. 82). REM. 1. Résignable, adj.Qui peut être résigné. Charge, fonction résignable. (Dict. xixeet xxes.). 2. Résignant, subst. masc.Celui qui résigne (un office, un bénéfice, etc.) en faveur de quelqu'un. La résignation n'eut pas lieu, parce que le résignant mourut avant qu'elle fût admise (Ac.). Prononc. et Orth.: [ʀeziɳe], (il) résigne [-ziɳ]. Ac. 1694, 1718: re; dep. 1740: ré-. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1223 trans. « renoncer à » (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. Fr. Koenig, II Prière 37, 72: Pecheeur ne desdaingnes qui son pechié resigne); 2. 1261, 4 juill. id. « se démettre (d'un office, d'un bénéfice) » (Layettes du Trésor des chartes [J 203], t. 4, p. 13a); 1316 [en parlant du pape] resiner du siege de Romme (Geffroi de Paris, Chron. métr., 2167 ds T.-L.); 1467, 21 oct. part. prés. subst. (Lettres ds Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. 10, p. 542); 3. 1263 trans. « abandonner, céder quelque chose à quelqu'un » (doc. Arch. Somme ds Gdf. Compl.: a resigné le [...] tere en une main). B. 1. 1541 se resigner à Dieu « se soumettre, s'abandonner à sa volonté » (Calvin, Instit., XVII, p. 796 ds Hug.); 1686 part. passé adj. (Bossuet, Oraison funèbre de Le Tellier ds
Œuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, p. 170: résigné à la volonté divine); 1767, 13 janv. se resigner à la fatalité (Voltaire, lettre à Richelieu ds Corresp., éd. Th. Besterman, t. 21, p. 253); 2. 1690 se résigner à + inf. ou subst. « accepter sans révolte ce qu'on ne peut empêcher » (Fur.); id. part. passé adj. (ibid.); 1776, 29 mai empl. abs. (Voltaire, lettre à Anne de La Tour du Pin, t. 43, p. 163: À quoi servirait-il d'avoir vécu quatre vingt deux ans [...] si je n'avais pas apris à me resigner?). Empr. au lat.resignare, propr. « rompre le sceau, ouvrir (une lettre, un testament) »; fig. « rompre, annuler », spéc. au Moy. Âge « renoncer à, céder (une possession, une charge) » (1112 resignare ecclesiam ds Du Cange, s.v. resignare3); de la notion de « renoncer », est issu, dans le vocab. relig., le sens B 1, et p. ext. B 2. Fréq. abs. littér.: 1 365. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 569, b) 2 087; xxes.: a) 2 339, b) 1 939. DÉR. Résignataire, subst. masc.Celui en faveur de qui l'on a résigné (un office, un bénéfice, etc.). Synon. bénéficiaire.M. de Pontchâteau a pleuré toute sa vie cette faute, et il regrettait, quelques années avant sa mort, de savoir que ce résignataire ne faisait pas l'usage qu'il devait du bénéfice qu'il lui avait donné (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 104).− [ʀeziɳatε:ʀ]. Ac. 1694-1740: re-; dep. 1762: ré-. − 1reattest. 1539, août « celui en faveur duquel a été résigné un office, un bénéfice » (Ordonnance ds Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. 12, p. 613); de résigner d'apr. le part. passé de resignare, suff. -aire*. BBG. − Gohin 1903, p. 304. |