| RÉGENCE, subst. fém. et adj. inv. I. − Subst. fém. A. − 1. Gouvernement d'un état monarchique exercé par un régent. Sous l'administration de Colbert, la France sortit de la misère où l'avaient plongée deux régences et un mauvais règne (Say, Écon. pol., 1832, p. 66).P. métaph. Le voici maintenant dedans votre régence. Vous êtes reine et mère et saurez le montrer. C'était un être pur. Vous le ferez rentrer Dans votre patronage et dans votre indulgence (Péguy, Tapisserie N.-D., 1913, p. 685). ♦ Être en régence. Le gouvernement aristocratique est une monarchie dont le trône est vacant. La souveraineté y est en régence (J. de Maistre, Souveraineté, 1821, p. 452). 2. Dignité donnant pouvoir et autorité d'exercer la régence; fonction de régent. Refuser la régence du royaume. Renaud de Châtillon (...) ne s'était pas associé à la démarche des grands vassaux qui avaient arraché la régence à Guy de Lusignan (Grousset, Croisades, 1939, p. 228). − P. méton. ♦ Ensemble des personnes constituant le gouvernement. Les ministres, les membres de la régence, les frères de Napoléon, sa femme et son fils, arrivèrent pêle-mêle à Blois emportés dans la débâcle (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 499). ♦ Temps durant lequel est exercée la régence. Je croirais volontiers (...) que depuis la régence d'Anne d'Autriche, jusque vers le milieu du second empire (...) Paris (...) a moins changé (A. France, Vie fleur, 1922, pp. 321-322). − Absol., HIST. La Régence ♦ En France, régence exercée à la mort de Louis XIV par son neveu Philippe II d'Orléans de 1715 à 1723. L'aïeule tournait son rouet. Elle portait une coiffe et un bavolet de dentelle du temps de la régence (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 133): La Régence fut une réaction contre la piété, les confesseurs, les jésuites, et le duc d'Orléans, homme d'ailleurs agréable et généreux, devint l'idole d'une grande partie du public...
Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 268. ♦ En Angleterre, régence exercée par le Prince Régent de 1811 à 1820 (on dit également régence anglaise). La marche de Londres vers l'ouest (...) du Londres de la Régence vers Hyde Park, du Londres de la reine Victoria vers Kensington, s'est maintenant infléchie vers le sud (Morand, Londres, 1933, p. 70). B. − HISTOIRE 1. Conseil exerçant le gouvernement de certaines villes d'Allemagne, de Belgique et de Hollande. La régence d'Amsterdam; la régence de Kiel (Ac.1835, 1878).Mon permis de la police de Bruxelles n'a pas été vu par la régence de cette ville. Le bourgmestre se charge de me l'envoyer à Breda (Michelet, Journal, 1837, p. 228). 2. Gouvernement de petits états musulmans de la côte d'Afrique du bassin méditerranéen, exercé par délégation du sultan de Constantinople jusqu'au xixesiècle. Régences barbaresques. Le projet de la France est d'empêcher que la Turquie ne reprenne son ascendant sur les régences, parce que, de là, elle pourrait menacer la colonie d'Alger (Balzac,
Œuvres div., t. 3, 1836, p. 114).Le colonel Pelissier, ancien colonel de Sousse, a publié un tas de choses sur la régence de Tunis (Flaub., Corresp., 1857, p. 226). − P. méton. Territoire administré par cette régence. Un jour je partis pour Benghazi, dans la régence de Tripoli (Du Camp, Nil, 1854, p. 205).La souveraineté dans l'empire du Maroc et dans la régence de Tunis se confond avec leurs souverains (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 223). C. − Vieilli. ,,Exercice des fonctions de régent dans un collège`` (Ac. 1835, 1878). D. − Région. (Normandie). Pain à café. (Ds Littré, Guérin 1892). Elle prit une aile de poulet et, délicatement, se mit à la manger avec un de ces petits pains qu'on appelle « régence » en Normandie (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 125). II. − Adj. inv. ou en appos. Qui appartient à l'époque de la Régence de Philippe d'Orléans ou la rappelle. A. − Dans le domaine de l'art, de la décor.Qui appartient au style de transition entre Louis XIV et Louis XV. À sa mort je suis restée avec une salle à manger Renaissance, trois fauteuils Régence qu'on avait toujours crus vrais, et qui étaient faux (Anouilh, Répét., 1950, ii, p. 57).Elle (...) prit place tout à côté d'elle sur un grand canapé Régence en soie gorge-de-pigeon (Green, Malfaiteur, 1955, p. 209). − Empl. subst. masc. Le style régence. Un tout jeune homme dans un cadre baroque, à la limite du régence et du modern-style (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 141). B. − Dans le domaine de la morale.Digne des mœurs galantes des Roués ou de la cour du Régent; d'une grande liberté de mœurs. Mais cette profession d'athéisme et de royalisme lui paraissait témoigner d'une grande liberté d'esprit; il se trouvait très régence (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 23).Cet homme m'intriguait (...) son air régence, son air éveillé de flâneur des rues de Paris à la manière du Neveu de Rameau, son air vicieux, l'œil à l'affût (...) oui, j'avais déjà dû rencontrer cet oiseau (Cendrars, Main coupée, 1946, p. 277). C. − Vieilli. [En parlant d'une pers., de son comportement] Qui est distingué; qui a des manières raffinées, un peu surannées, rappelant celles de l'Ancien Régime. L'habit noir de Rodolphe allait au-devant des dames et leur baisait la main avec une grâce toute régence (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 75).La langue japonaise ne possède pas un seul mot injurieux et, dans le monde des marchandes de poissons ou des portefaix, les formules les plus régence sont d'usage (Loti, Exilée, 1893, p. 258). Prononc. et Orth.: [ʀeʒ
ɑ
̃:s]. Ac. 1694, 1718: re-; 1740: ré-. Étymol. et Hist. 1. a) 1403 « gouvernement d'un État pendant la minorité ou l'absence du souverain » (Ordonnance Charles VI ds Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. 7, p. 54); b) 1687 « pouvoir et autorité de celui ou de celle qui gouverne pendant la minorité ou l'absence du souverain » (Bossuet, Oraisons funèbres, Prince de Condé, éd. J. Truchet, p. 376); c) 1694 « période pendant laquelle un état est ainsi gouverné » (Ac.); 2. 1466 « exercice du droit d'enseigner dans une université » (P. Michault, Doctrinal, XXXIX, éd. Th. Walton, p. 107, l. 12); 3. a) [2emoit. xviies. « gouvernemnt municipal dans certains pays d'Europe » (Mmede Sévigné d'apr. FEW t. 10, p. 205a)] 1752 « gouvernement local » (Trév. Suppl.: Régence, s. f. se dit aussi en quelques villes ou Républiques, du corps des Officiers ou Magistrats qui en ont l'administration. Les trois Régences de Barbarie, sont Alger, Tunis et Tripoli. On dit aussi la Régence de Kiel); b) 1773 « pays ou principauté arabe administré par un tel gouvernement local par délégation du pouvoir ottoman » (Bern. de St-P., Voyage, p. 89); 4. a) 1740 la Régence absol. « période de la régence du Duc d'Orléans pendant la minorité de Louis XV » (Varenne, Mém. du Chevalier de Ravanne, Liège, 1740, t. 1, p. 118); b) 1838 en appos. ou attribut « qui est caractéristique de cette période » (Balzac, Mais. Nucingen, p. 629); 5. 1856 norm. « petit pain au levain de bière » (Dubois, Gloss. du pat. norm.). Formé sur régent*; suff. -ance, -ence*. Au sens 2 d'apr. le lat. médiév. regentia utilisé en concurrence avec regimen dans les universités (v. O. Weijers, Terminol. des universités au XIIIes., Rome, 1987, pp. 293-299). Sens 5 prob. de 4, sans témoignage permettant de le préciser. Fréq. abs. littér.: 323. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 742, b) 412; xxes.: a) 155, b) 425. Bbg. Quem. DDL t. 14. |