| RÉFORMER, verbe trans. A. − RELIG. Rétablir dans sa forme ancienne ou primitive. Réformer un ordre religieux. L'abbé Guillaume fut appelé de Dijon en Normandie, par le duc Richard II (...) pour y réformer les couvents (Grillet, Ancêtre violon, t. 1, 1901, p. 67).Non, je ne signerai pas un formulaire qui condamne toutes les idées sur lesquelles ce monastère a été réformé, c'est-à-dire en quelque sorte fondé (Montherl., Port-Royal, 1954, p. 974). B. − 1. Supprimer, retrancher quelque chose que l'on considère comme nuisible. Réformer les excès, le luxe. On a trop parmi nous réformé l'opulence (Delille, Homme des champs, 1800, p. 34).Voilà ceux qui ont renversé ces saints lieux, ces saintes maisons, qui en ont fait des écuries!... Quand l'Église ne réforme pas de tels abus, (...) Dieu châtie ainsi des crimes par d'autres crimes (Dupanloup, Journal, 1851, p. 141). 2. Diminuer, réduire quelque chose que l'on considère comme superflu, excessif. Réformer ses dépenses. J'ai donc modifié mon régime, réformé ma table. Point de vin, des viandes blanches. Le café proscrit (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 262).Elle réforma la maison en huit jours, renvoya le chef et sa femme pour ne prendre qu'une cuisinière, qui, avec le valet de chambre et le cocher, devait suffire au service. Elle ne garda aussi qu'un cheval et une voiture (Zola, Argent, 1891, p. 65). 3. Vieilli. Réformer des troupes. ,,Les réduire à un moindre nombre`` (Ac. 1798-1878). On a réformé tel régiment, et on l'a réduit à huit compagnies (Ac.1798-1878). C. − Transformer en vue d'améliorer; procurer une amélioration. 1. Domaine moral.Synon. corriger.Réformer les mœurs. a) [Le compl. désigne une pers.] Je crois (...) monsieur, que s'il y a un homme précisément qui puisse attacher Cécile, la réformer dans ses petits défauts (...) c'est vous (Feuillet, Journal femme, 1878, p. 142). − Empl. pronom. Plus que jamais mondain, il avait rempli Avallon (...) de l'éclat surtout de ses parties de plaisir. Enfin il fut sérieusement touché (...). Il fit une confession générale à son frère, religieux minime, et se réforma pour ne plus se démentir (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 90). b) [Le compl. désigne une composante de la personnalité, le comportement] Un homme que j'ai connu assez vif de ton, et qui a réformé son caractère (Alain, Propos, 1911, p. 102).Cet état d'image [être faits à l'image de Dieu] nous permet d'abord de comprendre ce qu'il y a de vicié en nous, donc aussi ce qu'il faut réformer pour (...) permettre à l'homme de se livrer à l'étreinte mystique du Verbe (Gilson, Espr. philos. médiév., 1932, p. 91). − Absol. Ne retirons rien à l'esprit humain; supprimer est mauvais. Il faut réformer et transformer (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 618). c) [Le compl. désigne une not. abstr. de valeur nég.] La mission de l'homme dans la nature c'est de réformer le laid et l'immoral (Renan, Avenir sc., 1890, p. 526).Fermer les cabarets et réformer les mœurs des colons (Camus, Homme rév., 1951, p. 71). − Empl. pronom. À l'époque que nous allons étudier, (...) vous verrez la force et le mensonge se réformant peu à peu sous la main du temps; le droit et la vérité prenant place dans la civilisation (Guizot, Hist. civilis., leçon 3, 1828, p. 10). 2. Domaine intellectuel.Exercer une influence prépondérante. Réformer le monde, les idées, la société. « Nos spectacles », (...) revue qui cherche à réformer le théâtre (Becquet, Organ. loisirs travaill., 1939, p. 216).Comment Ronsard conçoit l'épopée, comment Du Bellay défend et illustre la langue française ou comment De Baïf tente de réformer la versification (J. Vuillemin, Être et trav., 1949, p. 36). D. − Changer quelque chose qui est institué afin de le transformer; organiser quelque chose. 1. Organiser, modifier quelque chose (un état de fait, un système, une institution) en transformant les règles existantes afin d'améliorer ses structures, son fonctionnement. Réformer l'Église, l'État; réformer les études, les institutions, le calendrier. Lorsque Turgot, en 1775, proposa au roi de réformer l'administration des campagnes, le plus grand embarras qu'il rencontra (...), vint de l'inégale répartition des impôts (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 305).L'ordonnance du 7 mars 1944 réforma le statut de l'Algérie (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 567). − Empl. pronom. L'ancienne corporation devait se transformer, pour continuer à remplir son rôle dans les nouvelles conditions de la vie économique. Malheureusement, elle n'eut pas assez de souplesse pour se réformer à temps (Durkheim, Divis. trav., 1902, p. xxvii). 2. [Le compl. désigne un acte, un écrit] Modifier les termes, la rédaction d'un accord, d'une décision, d'une loi. Réformer la constitution, un jugement, un arrêt. Présenter au tribunal civil une expédition en bonne forme du jugement de condamnation, avec un certificat du tribunal criminel, portant que ce même jugement n'est plus susceptible d'être réformé par aucune voie légale (Code civil, 1804, art. 261, p. 49): ... Birotteau n'ayant pas entendu donner à mademoiselle Gamard cette somme énorme (...), il y avait, judiciairement parlant, lieu à réformer leurs conventions; autrement la vieille fille eût été coupable d'un dol volontaire.
Balzac, Curé Tours, 1832, p. 230. − Au fig. Incapable, ainsi que la plupart des hommes, de réformer ses jugements sur de nouvelles expériences, il s'en tenait aux opinions acquises et aux idées préconçues (A. France, Vie fleur, 1922, p. 310). 3. Vieilli. Réformer les monnaies. ,,Changer la valeur ou l'empreinte des espèces, sans faire de refonte`` (Ac. 1835, 1878). E. − Domaine milit.Retirer du service, mettre à la réforme. 1. [Le compl. désigne un militaire] a) [Le compl. désigne un officier] Lui retirer son commandement en lui versant sa solde (notamment en cas de réforme des troupes). Synon. arg. usuel fendre* l'oreille.Le Général: Vous avez réformé les vieux officiers et c'est une grande faute (Fongeray, Soir. Neuilly, t. 2, 1827, p. 352). b) [Le compl. désigne un soldat] Le retirer du service auquel il est (devenu) impropre. Robert Claisse (...) un jeune, qui a été réformé, qui n'a jamais été soldat (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 642).Monsieur a fait la guerre. Il était réformé au début des hostilités, réformé pour déficience générale (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 144). 2. a) [Le compl. désigne un animal de l'armée] Réformer des chevaux (Ac. 1835-1935). b) [Le compl. désigne du matériel] Réformer une partie du matériel (Ac. 1835, 1878). Réformer des effets de petit ou de grand équipement (Ac. 1935). V. réforme B 2 b ex. de Lubrano-Lavadera. Prononc. et Orth.: [ʀefɔ
ʀme], (il) réforme [-fɔ
ʀm]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. « ramener à sa forme primitive » (Sermons St Bernard, 17, 22 et 24 ds T.-L.); 1546 eglises réformées (Calvin,
Œuvres, éd. J. W. Baum, E. Cunitz et E. Reuss, X, col. 48 ds Richard, p. 19); 1585 religion réformée (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 279); 2. déb. xves. « changer une chose abstraite pour l'améliorer » (Jean Gerson, Harengue au roi Charles VI, p. 16 ds Littré); 1491 refformer un testament « en modifier la teneur » (Exéc. testam. de Thomas de Turby, A. Tournai ds Gdf. Compl.); 1656-57 réformer un jugement (Pascal, Provinciales, éd. Brunschvicg, XVIII, VII, p. 44); 3. 1636 « supprimer ce qui paraît excessif » (Monet); 1666 « réduire les dépenses d'une maison » (Boileau, Satire, III ds Littré); 4. 1651 « changer de forme pour transformer (de vieilles robes) » (Scarron, Roman comique, éd. E. Magne, 267); 5. a) 1636 réformer les monnaies (Monet); b) 1671 reformer un régiment (Pomey); 1675 capitaine reformé « congédié » (Widerhold); 1844 être réformé « être dispensé des obligations militaires » (Balzac, Paysans, p. 201). Empr. au lat.reformare « rendre à sa première forme, rétablir, restaurer »; fig. « améliorer, corriger ». Fréq. abs. littér.: 409. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 876, b) 348; xxes.: a) 643, b) 412. DÉR. Réformable, adj.Qui est susceptible d'être réformé. [Montesquieu] ne voulait certainement pas la ruine de la monarchie, même de Louis XV; il la considérait comme tempérée par les Parlements et réformable en elle-même (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 7, 1852, p. 77).Le raïa turc n'en veut à personne des exactions qu'il souffre: c'est la fatalité. L'Anglais pauvre n'en veut à personne, s'il meurt de faim; c'est la fatalité. Le Français se révolte s'il peut soupçonner que sa misère est la conséquence d'une organisation sociale réformable (Renan, Avenir sc., 1890, p. 495).− [ʀefɔ
ʀmabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1762. − 1reattest. 1483 refformable (Lettres ds Rec. anc. lois fr., éd. Jourdan, Decrusy, Isambert, t. 11, p. 15); de réformer, suff. -able*. BBG. − Raymondis (L. M.), Le Guern (M.). Le Lang. de la justice pénale. Paris, 1976, pp. 42-45. |