| QUIÉTISME, subst. masc. A. − HIST. RELIG. Doctrine mystique inspirée des œuvres de l'Espagnol Molinos, répandue en France à la fin du xviies., suivant laquelle la perfection chrétienne réside dans la quiétude, c'est-à-dire l'« amour pur » et la contemplation de Dieu, en l'absence de toute activité propre de l'âme. Synon. molinosisme.[Nicole] avait pris la plume dans sa dernière année contre le quiétisme; Fénelon n'y figurait pas encore par ses écrits, mais seulement le père La Combe et Madame Guyon (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 4, 1859, p. 394).C'est (...) l'erreur même du quiétisme de prétendre entrer par notre propre industrie dans une passivité que Dieu seul peut donner (Maritain,Primauté spirit., 1927, p. 169). − P. anal. Tendance mystique rappelant cette doctrine par certains aspects (notamment la contemplation passive, le désintéressement vis-à-vis du salut personnel). Un fait digne de remarque, et qui prouve que la doctrine du quiétisme n'est pas uniquement chrétienne, et qu'avant tout elle se rattache à une origine orientale, c'est qu'elle est presque inconnue, du moins avec son caractère exclusif, aux premiers siècles de l'Église, tandis que dès le troisième, elle s'exprime de la manière la plus précise dans l'école d'Alexandrie (Franck1875).Je ne puis ni espérer reconnaître après coup ce que voulait Dieu, ni − ce qui revient d'ailleurs au même − affirmer massivement que tout ce qui arrive est voulu par lui. Un autre problème surgit d'ailleurs ici, celui du quiétisme: Comment ne serais-je pas tenté de m'abandonner purement et simplement à la volonté divine? (G. Marcel,Journal, 1920, p. 259): 1. La disposition où veut nous mettre Condren « n'est pas un état de paresse et de nonchalance, comme quelques-uns se le sont imaginé, disait déjà le P. Amelote, c'est un recueil des principales vertus chrétiennes »; non pas seulement des principales, mais de toutes. Rien de plus inintelligent que de les soupçonner de quiétisme, ou de je ne sais quel dilettantisme religieux.
Bremond,Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 388. − P. méton. Repos de l'âme dans la contemplation; quiétude. Je doute que le tableau du paradis, qui est vis-à-vis celui de l'enfer, produise sur eux [des Indiens] un aussi bon effet: le quiétisme qu'il représente, et cette douce satisfaction des élus qui environnent le trône de l'Être suprême, sont des idées trop sublimes pour des hommes grossiers (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 262).Quitter la solitude pour la foule, les chemins verts et déserts pour les rues encombrées et criardes où circule pour toute brise un courant d'haleine humaine chaude et empestée; passer du quiétisme à la vie turbulente, et des vagues mystères de la nature à l'âpre réalité sociale, a toujours été pour moi un échange terrible, un retour vers le mal et le malheur (M. de Guérin,Journal, 1834, p. 214). B. − P. anal. Attitude ou état d'indifférence, de passivité, d'inaction. Il y demeure [à l'Ermitage] par paresse aussi, par cette sorte de quiétisme profond qu'il y a en lui. Le quiétisme est une langueur et une frénésie tout ensemble, mais détruit dans l'être le sens de la responsabilité (Guéhenno,Jean-Jacques, 1950, p. 217): 2. Avec cette métaphysique trop élevée, tu peux être à droite et à gauche, agir ou ne pas agir à volonté: c'est du quiétisme politique. Or le temps n'est pas au quiétisme, et la destinée humaine et sociale de chaque individu travaillant en ce bas monde à son bien et à celui de l'ensemble ne comporte pas devant Dieu le quiétisme. Les événements n'étant jamais neutres, l'homme n'a jamais le droit de l'être lui-même.
Lamart.,Corresp., 1832, p. 258. Prononc. et Orth.: [kjetism̭], [kɥije-]. V. quiet. Ac. 1718, 1740: quietisme; dep. 1762: quié-. Étymol. et Hist. 1688 (Nouv. de la république des lettres, t. 1, p. 217). Dér. sav. du lat. quietus, ou dér. de quiet*; suff. -isme*. Fréq. abs. littér.: 84. Bbg. Quem. DDL t. 18. |