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QUERELLE, subst. fém.
A. − Différend passionné, discussion où les adversaires s'opposent vivement. Synon. altercation, conflit, démêlé, dis-pute.Sujet, terrain de querelle; réveiller une vieille querelle. Une querelle s'élevait à la porte entre Mariette et un soldat qui devint si pressant, que la cuisinière entra au salon (Balzac,Cous. Bette, 1846, p. 251).Elle ne disait rien afin d'éviter les explications, les discussions et les querelles (Maupass.,Une Vie, 1883, p. 106).MmeArchambaud sentait lui échapper l'avantage et il en allait d'ailleurs ainsi chaque fois que le ton de leurs querelles montait (Aymé,Uranus, 1948, p. 14).
Querelle d'amoureux, de famille, de ménage. Dispute entre amoureux, membres d'une famille, entre mari et femme. Je suis las de voir l'Europe se mêler de mes querelles de ménage; mon divorce avec Catherine d'Aragon m'a valu la guerre (Dumas père, C. Howard, 1834, i, 1ertabl., 4, p. 221).Je déteste les querelles de famille, les scènes (Duranty,Malh. H. Gérard, 1860, p. 160).
Loc. verb.
Avoir (une) querelle avec qqn. Il est assez simple que vous ayez ici des différends, des querelles; mais il faut une explication et non pas une bouderie: l'une amène des résultats, l'autre ne fait que compliquer les choses (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 482).Qui t'amène à cette heure? As-tu une querelle? Faut-il te servir de second? (Musset,A. del Sarto, 1834, i, 3, p. 72).Un Della Rebbia, officier au service de Naples, se trouvant dans un tripot, eut une querelle avec des militaires, qui, entre autres injures, l'appelèrent chevrier corse (Mérimée,Colomba, 1840, p. 43).
(Être) en querelle (vieilli). Toujours en querelle entr'eux, indifférens pour leurs enfans, vrais tyrans de leurs femmes (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 195).Nous étions constamment en querelle pour celui de nos désirs auquel nous donnerions la préférence (Balzac,Goriot, 1835, p. 108).Un gentilhomme en querelle avec son voisin, et mécontent des dispositions de ses juges, demande au conseil d'évoquer l'affaire (Tocqueville,Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 124).
Chercher querelle à qqn. Se comporter d'une manière agressive, provoquante envers quelqu'un. Synon. chercher noise* à qqn.Sur un seul mot de son papa Vautrin, il cherchera querelle à ce drôle qui n'envoie pas seulement cent sous à sa pauvre sœur (Balzac,Goriot, 1835, p. 131).Il a cherché querelle aux fermiers généraux du prince, qui étaient des fripons; le comte les a remplacés par d'autres fripons qui lui ont donné 800 000 francs (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 399).
Faire (une) querelle à qqn (vieilli). On me fit une querelle abominable, mon père se mit contre moi dans une des plus grandes colères dont j'aie souvenance (Stendhal,H. Brulard, t. 1, 1836, p. 190).MmeSimons fit une querelle très-aigre à Dimitri, et comme elle se retournait en arrière, elle me montra une figure aussi anguleuse que la lame d'un couteau de Sheffield (About,Roi mont., 1857, p. 51).
Chercher, faire une mauvaise querelle à qqn, chercher, faire une querelle d'Allemand à qqn. Engager avec quelqu'un une querelle sans raison valable. Les autorités (...) expulsèrent Fritz du territoire de cette ville libre, en lui faisant une querelle d'Allemand (Balzac,Cous. Pons, 1847, p. 62).Mais, monsieur, répliqua le vieillard Nicodème, nous ne nous en prenons ni aux Grâces ni aux Ris, encore moins aux images de Dieu et des saints, et vous nous cherchez une mauvaise querelle (A. France,Opin. J. Coignard, 1893, p. 237).
Se prendre de querelle contre qqn, avec qqn (vieilli). Engager une dispute avec quelqu'un. Le jour où elle se prit de querelle avec Gilbert au jardin du Luxembourg, tandis qu'elle se dirigeait en hâte vers sa maison, elle n'éprouvait plus pour lui que de l'animosité (Arland,Ordre, 1929, p. 216).
Vider une querelle. Mettre fin à un différend par la réconciliation ou par le combat. Vous avez pu croire que je permettrais qu'un autre que moi vidât la querelle que vous êtes venu me chercher (Dumas père, P. Jones, 1838, 5, p. 198).
B. − P. ext. Controverse, lutte d'idées, débat dans lesquels les thèses s'opposent vivement. Synon. polémique.Querelles byzantines, économiques, idéologiques, linguistiques, littéraires, religieuses, scolaires, théologiques; querelles domestiques, intestines. Moins on met de son esprit dans une œuvre, plus on y tient d'ordinaire; et rien n'égale, on le sait, l'âpreté des querelles de grammairiens et d'éditeurs (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 3, 1848, p. 450).Les brouhahas qui, en France, font parfois la une des journaux, à propos du Goncourt ou d'une querelle politico-universitaire, sont inconnus de l'autre côté de la Manche (Le Point, 16 août 1976, p. 60, col. 1):
On remet, ou on retire, selon le flux ou le reflux, un peu plus de grec ou un peu plus de latin dans les programmes. Mais quel grec et quel latin! La querelle dite des « humanités » n'est que le combat des simulacres de culture. Valéry,Variété III, 1936, p. 277.
Querelles de boutiques, de clocher. Querelles locales. Ceux qui ne mordent pas à notre politique locale et à nos querelles de clocher (Amiel,Journal, 1866, p. 449).Suis un peu déçu de le voir épouser si vite, avec tant de chaleur, ces querelles de boutiques, ces discussions de presse (Martin du G.,Notes Gide, 1951, p. 1395).Sans parler des vanités et des jalousies, des querelles de clocher, des passions politiques et religieuses (Coston,A.B.C. journ., 1952, p. 130).
[Querelles d'écoles de pensée] La grande querelle des nominalistes et des réalistes (Renouvier,Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 142).Une autre vieille querelle est celle des littéralistes et des allégoristes, un des aspects ou des épisodes de la lutte entre la science et la philosophie, d'une part, et la religion révélée, de l'autre (Weill,Judaïsme, 1931, p. 71).La grande querelle des vitalistes et des mécanistes, dont la futilité nous étonne aujourd'hui (Carrel,L'Homme, 1935, p. 38).
HIST. LITTÉR. Querelle des Anciens et des Modernes. Querelle entre les partisans des auteurs anciens et des auteurs modernes, dans la deuxième moitié du xviies. La querelle des Anciens et des Modernes introduit déjà dans l'idéologie européenne la notion parfaitement absurde d'un progrès artistique (Camus,Homme rév., 1951, p. 240).
HIST. MUSICALE. Querelle des Bouffons. ,,Célèbre querelle musicale qui, entre 1752 et 1754, mit en présence en France les partisans des mus[iques] française et italienne à l'occasion d'une représentation de la Serva padrona, « La Servante maîtresse », de Pergolèse, par la troupe des Bouffons`` (Mus. 1976). Il semble (...) que les reproches [que l'on fit à la musique de Rameau] aient été bien injustes, des critiques favorables aux Italiens (dans la Querelle des Bouffons) et défavorables au grand musicien français (Koechlin,Harm., t. 2, 1930, p. 161).
P. ext. Querelle de mots. Dispute qui n'a pas trait à la réalité des choses, aux idées elles-mêmes, mais à leur expression. Mais, me dira-t-on, c'est une querelle de mots... Je vais vous dire quelle importance ont les mots. C'est que, quand on a perdu toute retenue dans les mots, on finit par perdre toute retenue dans les actes (Thiers, 1864ds Doc. hist. contemp., p. 28).Si l'on veut absolument sauver la notion de monuments « épigraphiques », on ne peut le faire qu'en la réservant exclusivement à ce dernier ordre de monuments. Il ne s'agit point ici d'une vaine querelle de mots, il s'agit de la répartition critique d'un vaste matériel en vue de recherches déterminées (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 562).
C. − Vx, littér. Conflit qui oppose des partis, des groupes, des États. Si les mouvements actuels qui ont lieu en Europe peuvent s'appeler la querelle des rois, ils méritent bien aussi de porter le nom de la querelle des peuples (Le Moniteur, t. 2, 1789, p. 305).Les venimeuses et interminables querelles autour des frontières historiques et des frontières naturelles (Perroux,Écon. XXes., 1964, p. 124).
D. −
1. DR., vx. ,,Demande, plainte en justice`` (Lep. 1948).
2. Vieilli. Parti, cause, intérêts de l'un des adversaires dans un litige.
Embrasser, épouser la querelle de qqn. Prendre le parti de l'un des adversaires dans un différend, un démêlé. Que chacun, par écrit, embrassant ma querelle, S'engage avec serment à me rester fidèle (Constant,Wallstein, 1809, i, 6, p. 9).Par une méchanceté de femme, elle aurait voulu voir ce dernier malheureux en ménage; et elle poussait le magistrat à faire épouser sa querelle par sa sœur (Zola,E. Rougon, 1876, p. 319).Que ceux-ci viennent à épouser les querelles de celles-là, c'est le démembrement certain (De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p. 204).
P. métaph. Daniel: La France est une mère aussi. Marthe: Une mère qui veut qu'on s'égorge pour elle. Daniel: Nous lui devons nos bras pour venger sa querelle (Coppée,Idylle pendant siège, 1874, p. 77).
Prononc. et Orth.: [kə ʀ εl]. Tendance à amuïr les voy. inaccentuées dans certains entourages (v. G. Straka ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 n o1 1981, p. 190). Ainsi Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930: [kə ʀ εl] ou [kʀ εl], de même pour quereller [kə ʀ εle] ou [kʀ ε-], querelleur [kə ʀ εlœ:ʀ] ou [kʀ ε-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1155 « plainte, accusation en justice » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 9676); 2. 1174-87 « affaire, question » estre an la querele « être en cause, en question » (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 798); 3. ca 1220 « lutte, combat intérieur, moral » (Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 4440 ds T.-L.); 4. ca 1260 « différend où des adversaires s'opposent » (Philippe de Novare, Quatre Ages de l'homme, éd. M. de Fréville, § 136); xvies. querelle d'Allemagne (doc. Arch. Gironde ds Gdf. Compl.); 1611 querelle d'Aleman (Cotgr.); 1712 chercher querelle (Fénelon, Dialogue des morts. Dialogue entre Anciens, XIV, éd. Paris, 1716, p. 66); 5. fin xives. [ms. de Besançon 865] − xves. « parti que l'on prend, cause » (Froissart, Chron., I, § 237, leçon des mss A 1 à 33, éd. S. Luce, t. 3, p. 98 et 319: preeçoit sa querelle); 1671 épouser la querele (de quelqu'un) (Pomey). Empr. au lat.querel(l)a « plainte, lamentation; doléances, réclamations », spéc. « plainte en justice ». Fréq. abs. littér.: 2 297. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 593, b) 3 389; xxes.: a) 3 526, b) 2 765. Bbg. Zevaco (D.). Querelle. R. Philol. fr. 1917/18, n. 30, pp. 36-40.