| * Dans l'article "QUENOUILLE,, subst. fém." QUENOUILLE, subst. fém. A. − 1. Bâton, canne de roseau dont l'extrémité supérieure est garnie d'une touffe de matière textile brute (chanvre, lin, soie, coton, laine) destinée à être filée au fuseau ou au rouet. Des vieilles, au profil anguleux, assises à des rouets, filaient le chanvre, trempaient leurs doigts dans un gobelet d'étain pour mieux saisir le fil, qu'elles tiraient des quenouilles chargées d'étoupe (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 14): La Perrine tenait sa quenouille bien droite, enfoncée sous le lien de son tablier et rattachée par un cordon à son corsage. Sans cesse elle mouillait son pouce. Le fuseau tournoyant montait, descendait et remontait.
Pourrat, Gaspard, 1931, p. 102. ♦ P. métaph. Dans les tours, des hommes cachés jusqu'aux épaules promenaient, au bord des grands arcs tendus, des quenouilles en fer garnies d'étoupe allumées (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 167).Des écheveaux de gros boudins noués d'une faveur, des quenouilles de saucissons de foie succulents, des chaînes de saucisses rouges supendues à tous les crocs de la boutique (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 251). − En partic. ♦ Vieilli. [Symbole de la condition féminine et des travaux réservés aux femmes] Qui donc est le maître ici (...) qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille? (Sand, Indiana, 1832, p. 215).La femme a pour domaine le jardin, pour outil la quenouille (A. France, Rabelais, 1909, p. 15). ♦ [Symbole de lâcheté, de manque de virilité pour un homme] Vous avez fait un appel à mon honneur, à mon courage, et je n'ai pas dû reculer. Je n'ai pas voulu mériter la quenouille que vous envoyez aux poltrons (Sand, Lélia, 1839, p. 431). − MYTHOL. [Attribut de la Parque Clotho, symbolisant le déroulement des jours, le fil de l'existence] La forêt tour à tour se pare et se dépouille; Après le beau printemps, on voit l'hiver venir; Et de la Parque aussi la fatale quenouille Allonge un fil mêlé de peine et de plaisir (Moréas, Sylves, 1896, p. 225). 2. P. méton. Matière textile dont est garnie une quenouille. Marjolaine s'assit et fila. Patiemment elle tourna le fuseau, tordit le chanvre, et le détordit. Les quenouilles s'amincissaient et se regonflaient (Schwob, Monelle, 1894, p. 85).On laisse derrière soi les vieux pays retirés, les landes de genêts et bruyères où de vieilles femmes filent leur quenouille au bord des haies (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 245). B. − Loc. fig. − Tomber en quenouille ♦ Vieilli. Passer aux mains des femmes, en particulier lorsqu'il s'agit du patrimoine, d'un pouvoir. Tous les hommes de sa famille avaient été tués, la terre était tombée en quenouille et la marquise de Baraudin, ma grand'mère, lasse de tout soin et de toute affaire, avait laissé les bâtiments s'écrouler (Vigny, Mém. inéd., 1863, p. 29).L'influence féminine a été en 1848, une des pertes de la République. George Sand, femme et artiste, composant avec J. Favre, autre artiste, les bulletins fameux, c'était la République tombée en quenouille (Proudhon, Pornocratie, 1865, p. 166). ♦ P. ext. Aller à l'abandon; tomber dans l'oubli, en désuétude. Swann qui en tant que fils Swann était parfaitement « qualifié » pour être reçu par toute la « belle bourgeoisie », par les notaires ou les avoués les plus estimés de Paris (privilège qu'il semblait laisser tomber un peu en quenouille) (Proust, Swann, 1913, p. 17).La pratique avait faussé pas mal de ses rouages, fait tomber en quenouille la présidence de la République, avec son droit de message et de dissolution (P. Boncourt, 1945ds Rec. textes hist., p. 288). − Filer une triste quenouille (pop.). Avoir beaucoup d'ennuis. Synon. filer un mauvais coton.Il filait une triste quenouille, il était bel et bien hypothéqué, le brave garçon, et, ma foi! Certes, on pouvait parier à coup sûr qu'on n'aurait pas ce soir-là le plaisir de le voir se tirer la bourre avec chacun de ses dénigreurs (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 67). C. − P. anal. (de forme) 1. BOTANIQUE a) [Nom courant de certains roseaux, en particulier de la massette ou de son fruit] Des joncs lisses y luisaient faiblement, des roseaux y trempaient leurs panaches, de grandes massettes la traversaient de leurs quenouilles à pointes aiguës (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 67). b) Tige et épi de certaines plantes, en particulier du maïs. Tout ce pays était fleuri comme un éden: des chèvrefeuilles, de grands asphodèles en quenouilles blanches et des digitales en quenouilles roses (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 213).Les maïs étaient hauts, touffus. Les bêtes s'égaillèrent un peu, puis leur colonne s'enfonça à travers les tiges bruissantes. Un long frémissement passa sur les feuilles, et l'on entendit craquer les tuyaux et les quenouilles (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 153). 2. ARBORIC. Arbre fruitier ou ornemental auquel la taille a donné une forme effilée. Les tuteurs s'abattaient l'un après l'autre, − et les malheureuses quenouilles, en se balançant, entrechoquaient leurs poires (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 42).Les quenouilles et les espaliers réclamaient aussi la visite du sécateur. Déjà les bourgeons formés commençaient de grossir (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 107). ♦ En quenouille.En forme de quenouille, qui a reçu cette forme. Entre les deux allées latérales est un carré d'artichauts flanqué d'arbres fruitiers en quenouille et bordé d'oseille, de laitue ou de persil (Balzac, Goriot, 1835, p. 9).En hiver, on ramasse la feuille et on émonde les chênes en quenouille (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 271). 3. MENUIS. Lit à quenouilles. Colonne, pilier d'un meuble sculpté en forme de quenouille et pouvant porter un ciel de lit. Dans l'ancien temps, dit Philippe, il y avait au-dessus du lit, un dais carré de planches porté par quatre quenouilles, et, tout autour, s'accrochaient des rideaux jaunes à bordure verte (Renard, Nos frères farouches, 1910, p. 133). D. − MÉTALLURGIE 1. Obturateur servant à fermer les évents d'un moule de fonderie. (Dict. xixeet xxes.). Synon. quenouillette (infra rem.). 2. P. méton. Appareillage servant à obturer l'orifice inférieur d'une poche de fonderie. L'acier est coulé dans des poches le plus généralement. Quand la poche a été vidée dans les lingotières, elle est amenée au-dessus de la cuve de décrassage où la crasse s'écoule par renversement de la poche. Auparavant, l'attache de la glissière et de la quenouille est libérée et la quenouille tombe (Barnerias, Aciéries, 1934, p. 215). REM. 1. Quenouillé, -ée, adj.Qui est pourvu d'une quenouille, d'une touffe de matière textile. P. anal. Si c'est vous, Cèbe, rendez-moi donc mon piquet et mon cordeau à repiquages! J'en ai besoin pour aligner les laitues. Et faites doucement, je suis contre les hortensias! Apport de songe, fruit d'une lévitation magique, jouet de sabbat, le piquet, quenouillé de ses dix mètres de cordelette, voyageait par les airs, tombait couché aux pieds de ma mère (Colette, Sido, 1929, p. 33). 2. Quenouillette, subst. fém.a) Petite quenouille. Mais à l'étage, l'enseigne faisait voir une agréable pastoure habillée de ses dimanches, qui filait sa quenouillette sous un arbre chargé de pommes pareilles à ses joues (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 8).b) Métall., vieilli. Synon. de quenouille (supra D 1).Quenouillettes. Tige de fer se terminant par une olive, et à l'aide desquelles on peut à volonté obturer ou non l'entrée des jets dans l'opération de la fonte. On dit aujourd'hui quenouilles (Adeline, Lex. termes art, 1884). Prononc. et Orth.: [kənuj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1179 quenoille (Renart, éd. M. Roques, br. 1, vers 885); b) 1606 tomber en quenouille « se disait d'une maison dont une femme devenait l'héritière » (Nicot); 1913 id. « laisser à l'abandon, tomber dans l'oubli » (Proust, Swann, p. 160); 2. a) 1495 quenoulles « pilier qui supporte un dais, un ciel de lit » (doc. ds Leroux de Lincy, Vie de la reine Anne de Bretagne, III, 222); b) 1797 « arbre, plante au port élancé » (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, p. 420); c) 1821 « taille effilée que l'on donne à certains arbres » (Fontanes,
Œuvres, La Maison rustique, t. 1, p. 219). Du b. lat. conucula « même sens », issu p. dissim. du 1er-l- de colucula « id. » (v. TLL), lui-même élargissement pop. vies. du lat. class. colus « quenouille ». Fréq. abs. littér.: 215. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 398, b) 373; xxes.: a) 318, b) 182. DÉR. Quenouillée, subst. fém.Quantité de matière textile garnissant une quenouille. La veille du mariage, on transporte le mince trousseau dans un chariot. La fille donne aux assistants un millier d'épingles ornées de rubans et reçoit d'eux une belle quenouillée (Michelet, Journal, 1831, p. 99).P. métaph. La jeune fille (...) tourna à nouveau vers lui un visage menu que des cheveux semblables à une quenouillée d'or couronnaient d'un édifice brillant (Toulet, Comme une fantaisie, 1918, p. 245).Trois arbres enchevêtrés ressemblaient à des araignées, avec leurs bras cassés chargés de quenouillées grises (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 270).− [kənuje]. −1reattest. 1552 (C. Estienne, Dict. latinogallicum, 967a ds Rom. Forsch., t. 32, pp. 140-141); de quenouille, suff. -ée*. BBG. − Hasselrot 1957, p. 194 (s.v. quenouillette). − Quem. DDL t. 6. |