| QUÊTER, verbe trans. A. − Chercher à trouver, à découvrir. 1. Vx. [Le compl. désigne une pers.] Il l'aperçut ameutant les curieux, quêtant un médecin, apprêtant des fumigations (Balzac,Peau chagr., 1831, p. 13).Une auto passait, le chauffeur incliné et railleur quêtant parmi tant de « purée » le client improbable et providentiel (L. Daudet,Mésentente, 1911, p. 132). ♦ Aller quêter qqn. Aller chercher quelqu'un. Elle est allée me quêter deux ou trois hommes d'esprit (Chateaubr.,Mém., t. 4, 1848, p. 381). 2. Littér. [Le compl. désigne un bien d'ordre matériel ou, plus fréq., d'ordre moral] Quêter la vérité, la sagesse. Le monde des choses et des personnes ne le limite pas [le moi], puisque c'est en lui qu'il pose sa propre existence. Rien ne lui demeure étranger. Sa liberté ne consiste pas à se retirer en lui-même, mais à quêter la joie du monde dans le travail et dans l'amour (J. Vuillemin,Essai signif. mort, 1949, p. 208).Le boa inoffensif se réveille pour changer de peau et quêter sa subsistance (Tharaud,Randonnée Samba Diouf, 1922, p. 28): ... partout l'homme a cherché les poésies de l'infini, la solennelle horreur du silence; partout il a voulu se mettre au plus près de Dieu: il l'a quêté sur les cimes, au fond des abîmes, au bord des falaises, et l'a trouvé partout.
Balzac,Langeais, 1834, p. 194. − Absol. Jamais le regard des hommes n'a été aussi avide qu'aujourd'hui; jamais il n'a quêté aussi désespérément (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 386). 3. CHASSE. [Le suj. désigne le chien ou, p. méton., le chasseur] Chercher la voie du gibier. Quêter un cerf, un sanglier, un lièvre; quêter des perdrix (Ac. 1798-1935). ♦ P. anal. [P. méton. de l'obj.] Fouiller. [Un chien] allait le long des maisons, la queue basse, quêtant la terre de son museau, cherchant un maigre souper qui sera peut-être resté une chimère (Barb. d'Aurev.,Memor. pour l'A... B..., 1864, p. 422). − Absol. Bon à courre et ferme à l'arrêt, Il quête, haut le nez dans la brise (Murger,Nuits hiver, 1861, p. 79).En été, et si l'on veut chasser le matin, il faut être au lieu de la quête, à l'instant où le soleil finit d'enlever la rosée de la nuit. Il y a des chasseurs qui, dans cette saison, commencent à quêter au lever du soleil, sans s'inquiéter de la rosée; ils abîment le nez de leurs chiens (La Hêtraie,Chasse, vén., fauconn., 1945, p. 154). B. − Chercher à obtenir (de quelqu'un). 1. Vx. Quêter une, des aumônes. Ouvre tes cartons, regarde ces grandes places carrées (...) où passe un carrosse Louis XIV chargé de laquais, pendant que des vauriens approchent, quêtant une aumône (Taine,Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 119).Un mendiant [dans los Borrachos de Velasquez], voyant des gens rassemblés, profite de l'occasion et, soulevant son feutre avachi, tend la main pour quêter une aumône (Gautier,Guide Louvre, 1872, p. 273). 2. Faire la quête (v. quête1B). a) Empl. abs. Nous venons d'avoir la visite de M. le curé de Cauterets, accompagné de son vicaire et du maire. Ces messieurs quêtaient pour les pauvres (E. de Guérin,Lettres, 1846, p. 487).Malgré toutes les précautions, le secret a suinté; quelques aigrefins en profitent qui, dans les départements pieux, vont quêtant de famille en famille, et, toujours au nom de la croisade, récoltent pour eux l'argent qui devrait nous revenir (Gide,Caves, 1914, p. 804).À vingt mètres devant eux, un chanteur populaire faisait semblant de toucher de la guitare, mais sa fille, sans déguisement, quêtait (Malègue,Augustin, t. 1, 1933, p. 309). b) [Avec un compl. d'obj. dir. désignant la ou les pers. que l'on sollicite] − Région. Tiens, il s'en vient me quêter (Canada1930). − [Dans l'usage cour., considéré comme incorrect] [Il] mendiait la couronne en quêtant le peuple avec son chapeau orné d'une aune de ruban tricolore, tendant la main à quiconque voulait en passant aumôner cette main (Chateaubr.,Mém., t. 3, 1848, p. 631).Il demande volontiers aux grands, estimant que c'est les obliger que de les quêter (A. France,Rabelais, 1909, p. 109).Je ne puis aller demain à l'hôpital que dans la soirée, tenant à relancer moi-même certaines des maisons que j'ai quêtées (Montherl.,Exil, 1929, i, 1, p. 22). 3. [Avec un compl. d'obj. désignant une chose matérielle] Demander et recueillir à titre de don (généralement auprès de plusieurs personnes). Il faudrait m'étouffer si j'oubliais jamais le bon traitement qu'elle me fit à Ferentino, où j'allais quêtant de porte en porte un peu de pain pour ne pas mourir (Courier,Lettres Fr. et Ital., 1808, p. 761).Songez que tout mon matériel, lits, cuvettes, vaisselle, linge, tout m'a été fourni par des voisins! Et, tenez: nous prévoyons un nouvel arrivage... Nicole et Gisèle sont parties quêter de la literie (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 852).Munis d'un long bâton porté sur les épaules, ils [des jeunes gens] se rendent dans les maisons amies pour quêter les vivres qu'on y accroche: lapins, poulets, oies et autres produits de cette collecte, forment le repas qu'ils offrent à leur tour aux mariés (Menon, Lecotté,Vill. Fr., 2, 1954, p. 45). 4. Au fig. Demander, chercher à obtenir quelque chose avec insistance, parfois d'une manière peu digne. Synon. quémander, réclamer, solliciter.Quêter des louanges, des compliments; quêter des suffrages, des voix; quêter la pitié. Autant il est dégradant de quêter des places et des grâces, autant il est ridicule de ne pas être à portée de les accepter (Balzac,Lys, 1836, p. 179).Je comprends que je paraissais quêter des baisers, j'avais honte de mon esclavage (Zola,Th. Raquin, 1867, p. 40).L'œil gris, derrière l'écran de la parole lente, quêtait une approbation qui chassât les doutes (Gracq,Syrtes, 1951, p. 50). Prononc. et Orth.: [kεte], [ke-], (il) quête [kεt]. [ε] se maintient grâce à l'infl. graph. de l'accent circonflexe. Ac. 1694, 1718: quester; dep. 1740: quêter. Étymol. et Hist. 1. a) Déb. du xiiies. « chercher » (Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, XXXV, 11: quester); b) 1394 chasse (Hardouin, Trésor de vénerie, 319 ds T.-L.); de nouv. 1606 (Nicot); 2. a) α) 1246 « acquérir » (Gautier de Metz, Image du monde ds Romania t. 21 1892, p. 39: quester rentes et tresors);
β) 1288 absol. « id. » (Jacquemard Gielee, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 1324); b) α) 1588 quester les aumosnes (Montaigne, Essais, I, 30, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 201);
β) 1740 quéter des louanges (Ac.). Dér. de quête1*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 299. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 272, b) 403; xxes.: a) 500, b) 513. |