| * Dans l'article "PÊLE-MÊLE,, adv. et subst. masc. inv." PÊLE-MÊLE, adv. et subst. masc. inv. I. − Adv. Dans le plus grand désordre, dans une grande confusion. A. − 1. [Avec verbe trans., l'adv. qualifiant indirectement l'obj.] En vrac, indistinctement. a) [L'obj. désigne des pers.] Accueillir, chasser, entraîner, transporter pêle-mêle; enterrer hommes et femmes pêle-mêle. Les soldats n'avancent qu'en déblayant le chemin avec des fourches, et jetant pêle-mêle dans des fosses les vivans et les morts (Michelet, Hist. romaine, t.2, 1831, p.104).Dans ces grandes barques, les femmes sont entassées pêle-mêle, négresses, mulâtresses, abyssiniennes, nues, brûlées par le soleil, abruties, humbles et sans force (du Camp, Nil, 1854, p.131).Pendant mon second séjour à New York, je n'ai quasi pas fermé l'oeil; j'ai vu pêle-mêle un tas de gens et j'ai traîné partout (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.307). b) [L'obj. désigne des choses concr. ou abstr.] Accumuler, amasser, amonceler, confondre, empiler, ramasser, renverser, répandre pêle-mêle. [Le temps] suit son cours, et emporte pêle-mêle les croyances, les moeurs, les opinions, les lois (Lamennais, Religion, 1826, p.257).Encriers, règles, porte-plumes, on jetait tout pêle-mêle au fond des pupitres (A. Daudet, Pt Chose, 1868, p.67).Je te dis tout cela pêle-mêle comme ça me revient (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1905, p.29): 1. J'espère que tu m'écriras un volume la prochaine fois (...). Je veux une masse de facéties, de dévergondage, d'emportement, le tout pêle-mêle, en fouillis, sans ordre, sans style, en vrac, comme lorsque nous parlons ensemble et que la conversation va, court, gambade...
Flaub., Corresp., 1840, p.63. 2. [Gén. avec verbe intrans., l'adv. qualifiant indirectement le suj.] Tous ensemble, indistinctement mêlés. En sortant [de la réunion], on cause pêle-mêle, on aborde des hommes qu'il serait très difficile de rencontrer ailleurs (M. de Guérin, Corresp., 1834, p.137).De grosses meules (...) gisaient pêle-mêle sur le sol, debout, couchées, en piles, comme les pièces d'un énorme damier bouleversé (Hugo, Rhin, 1842, p.21).Tout cela me vient pêle-mêle et ne tient pas compte du temps (Aragon, Rom. inach., 1956, p.240): 2. Ce portique est (...) le seul lieu où les hommes et les femmes se trouvassent réunis. On faisait pêle-mêle, à pas lents, et en récitant en choeur des poésies sacrées, le tour de la Caaba...
Stendhal, Amour, 1822, p.194. SYNT. Courir, déboucher, descendre, entrer, grouiller, monter, ramper, reculer, refluer, rouler, sortir, suivre, tomber pêle-mêle; se coudoyer, s'engouffrer, se précipiter, se presser, se ruer pêle-mêle. − Vivre pêle-mêle. De larges buissons d'aubépine où vivaient pêle-mêle, au printemps, des merles moqueurs et des fauvettes (Ponson du Terr., Rocambole, t.1, 1859, p.401). ♦ Péj. On voit bien là ce que c'est que la Cour; il n'y est question que d'empoisonnement, de débauche de toute espèce, de prostitution. Ils vivaient vraiment pêle-mêle (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1822, p.914). B. − Emploi adj. inv., vieilli ou littér. Mêlé, emmêlé. Elle prend à pleines mains les longs cheveux qui lui pendent sur les épaules, plus blancs et pêle-mêle que le lin de sa quenouille (Flaub., Tentation, 1856, p.578).Le soir, on va aux Champs-Élysées (...) les belles dames et les lorettes assez pêle-mêle, et très difficiles à distinguer (Mérimée, Lettres à une inconnue, 1860, p.103).Le lendemain matin, distribution d'un café trouble, à odeur de camphre. En prévision d'un voyage où femmes et hommes seraient pêle-mêle, les Allemands imposaient ainsi à ce bétail un antiaphrodisiaque (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.231): 3. ... les grands bancs de coquillages que l'on trouve au sein des terres n'y sont point pêle-mêle et confondus (...); mais ils sont déposés par couches (...), disposés, pour ainsi dire, par familles.
Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.172. C. − Pêle-mêle avec, loc. prép. Père, mère, enfants, tous habitent pêle-mêle avec les bestiaux, dans des trous recouverts de paille (Balzac, Physiol. mar., 1826, p.72).Pêle-mêle avec les voitures d'ambulance, avec les cacolets, défilent, un peu à la débandade, sans musique, moroses, abattus, harassés et tout couverts de boue, les hommes des compagnies de marche de la Garde Nationale (Goncourt, Journal, 1871, p.722).Pierre Louys me récitait, pêle-mêle avec des suites de vers du Satyre de Hugo, de longs passages de La Faute de l'Abbé Mouret (Gide, Journal, 1934, p.1220).V. désordre ex. 5: 4. ... condamnant à la fois le régime d'avant-guerre et celui de Vichy, je déclare: «Nous tenons pour nécessaire qu'une vague grondante et salubre se lève du fond de la nation et balaie les causes du désastre pêle-mêle avec l'échafaudage bâti sur la capitulation.
De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.241. II. − Subst. masc. inv., vieilli ou littér. A. − 1. Désordre, confusion, capharnaüm, fouillis, méli-mélo, cohue; mélange inextricable (de gens ou de choses); fam. bordel (v. ce mot B 1). L'amour et le respect, une certaine crainte et la plus naïve confiance, toutes les contradictions du sentiment le plus vif et le plus doux s'agitent et font le pêle-mêle dans mon coeur (M. de Guérin, Corresp., 1837, p.275).Ma mère avait aussi cette démangeaison De serrer mes effets (...) Et je n'ai jamais pu obtenir de sa grâce Qu'elle laissât un peu mon pêle-mêle en place (Augier, Gabrielle, 1850, p.310).L'entre-sol était un pêle-mêle. Les rayons n'avaient pas suffi aux livres et le plancher en était couvert (MmeV. Hugo, Hugo, 1863, p.131): 5. ... partout l'inutilité lamentable de la démolition (...), partout (...) ce je ne sais quoi d'inconsistant et de liquide qui caractérise tous les pêle-mêle, depuis les mêlées d'hommes qu'on nomme batailles jusqu'aux mêlées d'éléments qu'on nomme chaos.
Hugo, Travaill. mer, 1866, p.247. 2. + adj.Pêle-mêle extraordinaire, incroyable, indescriptible, inextricable; pêle-mêle bizarre, bruyant, étrange, effrayant; pêle-mêle amusant, charmant, délicieux, magnifique; pêle-mêle universel; pêle-mêle politique. Vers dix heures, la foule inondait l'immense rez-de-chaussée du château, où les toilettes, les lumières et les fleurs se confondaient dans un pêle-mêle éblouissant (Feuillet, Pte ctesse, 1857, p.121).Confondus dans la brume, la grande tour de la cathédrale, les girouettes aiguës du château ducal, les arêtes vives des vieilles maisons, tout le pêle-mêle gothique de l'ancien Nevers forme une vision de rêve (Estaunié, Empreinte, 1896, p.1).Au vestiaire le pêle-mêle fraternel, les êtres qui ne se dissimulent pas, parce qu'ils ont pris mesure les uns des autres et qu'on n'a pas peur ici de la réalité (Montherl., Olymp., 1924, p.298). 3. + compl. du nom a) [Le compl. désigne ce qui est en désordre] − [Le compl. désigne des pers., des animaux] Pêle-mêle de femmes, d'hommes, de gens, de populations; pêle-mêle d'oiseaux. Dans ce pêle-mêle de frais visages, je reconnus à sa fraîcheur la petite Pauline, déjà pensive (Janin, Âne mort, 1829, p.215).La guerre avec la Prusse éclata. (...) c'était un pêle-mêle de militaires et de bourgeois; des mères pleuraient, des pères plus calmes suaient le vin, des enfants sautaient de joie et braillaient, de toute leur voix aiguë, des chansons patriotiques! (Huysmans, Soir. Médan, Sac au dos, 1880, p.111).V. affairé ex. 11: 6. ... la débandade continuait, les traînards n'étaient plus, sans sacs et sans fusils, qu'une foule égarée, piétinante, un pêle-mêle de vauriens et de mendiants, à l'approche desquels les portes des villages épouvantés se fermaient.
Zola, Débâcle, 1892, p.35. − [Le compl. désigne des choses concr. ou abstr.] Comme le faisceau d'un projecteur, la lumière isolait théâtralement la table miroitante, un pêle-mêle de papiers jetés en désordre (Gracq, Beau tén., 1945, p.193).J'ai rêvé que je trouvais le temps long, ça m'a réveillée et j'ai défait les valises. Qu'est-ce que tu penses de l'installation? Elle désigne le pêle-mêle des vêtements sur le lit et les chaises (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 1, p.58).V. confusion ex. 5: 7. ... je m'étonnais qu'une tête humaine pût résister au spectacle de ce tourbillon (...), à ce pêle-mêle de pierreries étincelantes et de poitrines découvertes, de fleurs et de rubans, d'habits noirs et d'épaulettes.
Reybaud, J. Paturot, 1842, p.227. SYNT. Pêle-mêle d'arbres, de fleurs, de plantes, de torrents; pêle-mêle de chefs d'oeuvre, de couleurs; pêle-mêle de livres, de notes, de paperasses; pêle-mêle de bagages, de marchandises, de meubles, d'ustensiles, de voitures; pêle-mêle de débris, d'ossements, de vestiges; pêle-mêle d'écoles, d'idées, d'opinions, de pensées, de périodes; pêle-mêle de scrupules, de souffrances. b) [Le compl. désigne le contenant] Pêle-mêle d'atelier; pêle-mêle du théâtre. Il y a loin de cette organisation hiérarchique au pêle-mêle de la philosophie écossaise, qui se pique de multiplier plutôt que de réduire le nombre des vérités premières (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.134): 8. ... au milieu du luxueux pêle-mêle des salons, chacun se retrouvait chez soi et reconnaissait ses ancêtres dans quelque bibelot, vieux meubles français, étoffes orientales, japonaiseries, argenteries anglaises, figurines grecques, bouddhas laqués en contemplation devant une vierge préraphaélite ou une icône russe.
Vogüé, Morts, 1899, p.56. B. − Cadre destiné à recevoir plusieurs photos. (Dict.xxes.). REM. Pêle-mêler, verbe trans.,rare. Mettre en pêle-mêle; mêler de façon désordonnée. [Les flots] vont, sans ordre, par troupes Qui pêle-mêlent leurs bonds (Richepin, Mer, 1886, p.90).Elle saute sur ses tiroirs, les vide d'un coup, pêle-mêlant tout, ajoutant le tourbillon de sa colère à son désordre permanent (Morand, Clef souterr., 1956, p.54).Part. passé adj. En cherchant son roman, il a trouvé des papiers pêle-mêlés, qu'il nous lit ce soir (Goncourt, Journal, 1863, p.1348). Prononc. et Orth.: [pεlmεl]. Martinet-Walter 1973 [pεlmεl], [pε:lmε:l] (10/5). Ac. 1694, 1718: pesle-mesle; dep. 1740: pêle-mêle. Étymol. et Hist. I. Loc. adv. A. 1. Type mesle pesle ca 1175 [ms. de base fin xiies.] mele pesle (Benoît de Ste-Maure, Chron., éd. C. Fahlin, 6599); xiiies. [ms.] melle pelle (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. W. Foerster, 1527, var. B); 2. type pesle et mesle 1174-77 [ms. de base fin xiiies.] pel et melle (Renart, éd. M. Roques, 6507); ca 1250 [ms. de base xiiies.] pelle et mesle (Atre périlleux, éd. B. Woledge, 2776); 3. type pesle mesle début xiiies. [ms.] pesle mesle (Chrétien de Troyes, op. et loc. cit., var. M.); xiiies. [ms.] pesle mesle (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 9275, var. E); xiiies. [ms.] pelle melle (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. W. Foerster, 443, var. P, G); 1225-30 [ms. de base xiiies.] pelle melle (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 1786). B. 1. Type mesle mesle 1176-81 [ms. de base xiiies.] mesle mesle (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 443); 2. type mesle et mesle xiiies. [ms.] melle et melle (Id., Cligès, éd. W. Foerster, 1527, var. C). II. Subst.1. 1596 «mélange, confusion» un pelemele de depit et de compassion (Pasquier, Rech., VI, XV ds Gdf. Compl.), rare; spéc. 1835 «présentation sans préséance» le prince ordonna le pêle-mêle (Ac.); 2. 1932 «cadre destiné à présenter plusieurs photographies» (Lar. 20e). Pesle mesle est peut-être une simple altération de mesle mesle (formé de la forme verbale mesle redoublée, avec ou sans coordination par et, v. mêler) afin d'éviter la rencontre des deux m- initiaux (Bl.-W.). Seconde hyp.: pesle pourrait être, d'apr. FEW t.6, 2, p.166b, note 29, à identifier avec l'a. fr. pesle «verrou» (1remoitié xiies. pedles Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, CXLVII, 2; xiiies. Bible, Mazarine 684 ds Gdf.; déb. xives. [ms.] Guillaume d'Angleterre, éd. W. Foerster, 317, var. C; issu du lat. pessulus «verrou»), un verrou mal fermé suggérant une idée de désordre, de confusion. Fréq. abs. littér.: 795. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1051, b) 1905; xxes.: a) 1102, b) 799. |