| PÉRIL, subst. masc. A.− Synon. de danger. 1. a) État, situation d'une personne qui court de grands risques, qui est menacée dans sa sécurité, dans ses intérêts ou dans son existence même. Être hors de péril; être, se mettre, se trouver en (grand) péril; être en péril de mort. Il fallut bien (...) déclarer le péril où se trouvait Charles d'Este. Il fut pansé. Incontinent après, l'anthrax parut, et l'on fit à la pauvre altesse, une première incision (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 303).La peur s'était installée en elle et rien ne pouvait l'en distraire. Cette fois-ci, c'était par delà son bonheur même qu'elle se sentait en péril (Beauvoir, Invitée,1943, p. 295). ♦ Il y a péril à + inf.Lorsqu'on rencontre des gens tellement différents de nous, il y a péril à engager la discussion. Ce n'est point orgueil, mais crainte de l'ennui (Stendhal, Racine et Shakspeare,t. 1, 1825, p. 87).À notre époque, où les croyances religieuses sont partout ébranlées, il y a un véritable péril à laisser, dans l'âme des enfants, se souder les lois de la morale aux dogmes de la religion (Martin du G., J. Barois,1913, p. 449). ♦ (Le) péril de + inf.Talma (...) notait toutes ses inflexions (...). Cette espèce de musique une fois dans sa mémoire, ramenait toutes les intonations dans un cercle dont il ne serait pas sorti sans péril de s'égarer (Delacroix, Journal,1852, p. 467).Choisir, être choisi, aimer : tout de suite après viennent le souci, le péril de perdre, la crainte de semer le regret (Colette, Fanal,1949, p. 34). − Locutions ♦ Au péril de qqc.; (vx) à péril, aux périls de qqc. Au risque de faire courir un danger en exposant quelque chose de vital, d'essentiel pour l'être humain. Au péril de sa vie. Ce peuple (...) dont j'ai épousé la défense au péril de ma liberté, de ma sûreté, de ma vie, il l'enchaîne par les trompettes de la renommée (Marat, Pamphlets,Dénonc. Necker, 1790, p. 75).Chaque mensonge était un nouveau délice dont sa gorge était resserrée comme d'une caresse; elle eût menti cette nuit sous les injures, sous les coups, au péril même de sa vie; elle eût menti pour mentir (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 89). ♦ À ses risques et périls; à ses périls (vx). En prenant sur soi l'entière responsabilité d'une initiative et en acceptant d'en subir personnellement les éventuelles conséquences fâcheuses. Tartarin (...) s'était chargé à ses risques et périls de cette corvée quotidienne (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 148).C'est seulement quand « la politique touche à l'autel » qu'elle a (...) à intervenir sur le plan politique. Dans l'ordre des activités strictement temporelles, sociales et politiques, il est normal que l'initiative vienne d'en bas, je veux dire des laïques agissant à leurs risques et périls (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 287). b) Situation d'une chose qui est menacée, qui risque la destruction. Être en (grand) péril, hors de péril; chef-d'œuvre en péril. J'admirai qu'auprès de toutes les choses en péril : cultes, patries, maisons, il y ait toujours une femme obstinée à les défendre (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 275).Toute dépense inutile de plus de cent sous mettait son budget en péril (Magnane, Bête à concours,1941, p. 35). − DR. Arrêté de péril. ,,Acte administratif (émanant du maire), qui prescrit au propriétaire d'un bâtiment menaçant ruine de le démolir ou de le réparer`` (cida 1973). En cas de contestation, l'arrêté de péril peut être déféré au tribunal administratif (cida1973). 2. Ce qui constitue une menace pour la sécurité d'une personne, l'existence d'une personne ou d'une chose. J'envie la vigueur de la jeunesse, qui s'élance au péril sans rien voir, sans tant réfléchir! Je voudrais pouvoir, les yeux fermés, me sacrifier à une idée sublime, à une femme idéale (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 623): La jeune femme semblait se plaire à l'audace et à l'impudence. Elle n'avait pas une hésitation, pas une peur. Elle se jetait dans l'adultere avec une sorte de franchise énergique, bravant le péril, mettant une sorte de vanité à le braver.
Zola, Th. Raquin,1867, p. 40. SYNT. Péril immédiat, imminent, grave, lointain, redoutable, terrible; affreux, grand péril; à l'heure, au milieu, au moment du péril; en cas de péril; être ferme, intrépide dans le/les péril(s); courir un/des péril(s); échapper, s'exposer, être exposé, se soustraire au/à des péril(s); affronter, fuir, sentir le péril; craindre, éviter un péril; préserver, sauver, tirer qqn d'un péril; protéger qqn contre un péril. − [En parlant d'une pers.] Synon. usuel danger public.L'ennemie irréconciliable du christianisme devrait être la femme (...). La femme est le grand péril, la grande tentation, le grand suppôt du diable, le grand démon. C'est le péché, c'est le mal (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 156).C'est tout autour de moi que j'ai appris combien étaient rares les circonstances où le héros est utile à l'État. Pour l'ordinaire, ce genre de personnage est un péril public (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 319). − [P. allus. à Corneille, Le Cid II 2] Il se moquait si gaillardement de moi que je n'hésitais plus. Je lui tendis la main. « Bonsoir, lui dis-je. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Et, ma foi, mon cher, la victoire vaut le danger. » Et j'entrai d'un pas ferme dans la chambre de Francesca (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Sœurs R., 1884, p. 1271). − Loc. fam. Il y a / il n'y a pas péril en la demeure. V. demeure I A 1. B.− [Suivi d'un compl. prép. ou d'un adj. spécifiant la cause] Risque, danger (causé par quelque chose). Péril de l'anarchie, de l'arbitraire; péril atomique, clérical, communiste, nucléaire, socialiste. Des malins crient au péril juif, et jamais le danger d'étouffer sous l'Église ne fut plus manifeste (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 238).Dans la bourgeoise le point de vue esthétique prime tous les autres, et en face du péril révolutionnaire le sentiment poétique parle plus haut que l'instinct de conservation (Aymé, Confort,1949, p. 185).Que j'aimais la faiblesse, çà et là, d'un être qui par ailleurs semblait mesurer, du même regard dominateur, les périls de la solitude et ceux de la vie à deux (Colette, Fanal,1949p. 191). − Locutions ♦ Péril jaune*. . Péril rouge*. ♦ Péril(s) de (la) mer. Accident(s), sinistre(s) maritime(s) d'ordre naturel. Dans cette baie, dite d'opale, les plages d'or semblent plus douces encore pour être attachées, comme de blondes Andromèdes, à ces terribles rochers des côtes voisines, à ce rivage funèbre, fameux par tant de naufrages, où tous les hivers bien des barques trépassent au péril de la mer (Proust, Swann,1913, p. 130). Prononc. et Orth. : [peʀil]. Vieilli, Littré : [-ʀij]; Passy 1914 : [-ʀi], [-ʀij] à côté de la prononc. mod.; à partir de DG : [-il]. V. gril. Ac. 1694, 1718 : pe-; dep. 1740 : pé-. Étymol. et Hist. Ca 980 peril (Jonas, éd. G. de Poerck, vo1, 26, 196) : 1176-81 sor le peril de s'ame « au risque de perdre son salut » (Chrétien de Troyes, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 4431); 1433 à peril de « au risque d'encourir » (Arch. Nord. B 17644, dossier Thérouanne : à peril de despens) − 1535 (Coutumes de Bihencourt, ibid., p. 448a : à peril d'amende); 1549 au peril de (Est.); 1461 a mes perilz « sous ma responsabilité » (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 1520); 1690 aux risques, perils et fortunes (de qqn) (Fur.). Du lat. periculum, -i « essai, expérience, épreuve » d'où « danger, péril, risque » et spéc. « danger couru en justice, procès », également att. en lat. médiév. « péril de l'âme, damnation » (829 ds Nierm.), dér. du verbe inus. perior « éprouver, expérimenter », très tôt remplacé par experior, se rattachant à une racine *per- « aller de l'avant, pénétrer dans », comme le gr. π
ε
ι
̃
ρ
α « expérience, tentative » (cf. Ern.-Meillet et Chantraine). Fréq. abs. littér. : 2606. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 863, b) 3 365; xxes. : a) 2 487, b) 3 633. |