| PÉLICAN, subst. masc. I. A. − ORNITHOL. Gros oiseau aquatique palmipède, dont la mandibule inférieure est garnie d'une grande poche membraneuse extensible où il met en réserve le produit de sa pêche. Parmi les becs non tranchans on doit remarquer d'abord ceux qui sont applatis horizontalement. Lorsqu'ils sont longs et forts comme dans le pélican, ils servent à avaler une forte proie (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.195).C'est ce souci persévérant [d'inquiétude et de sobriété] qui a doué le pélican d'un organe tout particulier, lui creusant sous son bec distendu un réservoir mobile, signe vivant d'économie et d'attentive prévoyance (Michelet, Oiseau, 1856, p.61): . Lorsque le pélican lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage,
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie,
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Musset, Nuit mai, 1835, p.66. Rem. Le pélican est le symbole de l'amour paternel, la fable voulant qu'il s'ouvre la poitrine avec son bec pour nourrir ses petits de son sang; c'est la raison pour laquelle l'iconographie chrétienne en a fait un symbole du Christ. Lorsque le sauvage pélican se résout à donner sa poitrine à dévorer à ses petits, n'ayant pour témoin que celui qui sut créer un pareil amour, afin de faire honte aux hommes, quoique le sacrifice soit grand, cet acte se comprend (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p.151). Chacun de nous est sauvé par le pélican rédempteur qui peut sauver jusqu'à des notaires! Mais il vous sauve très-particulièrement, parce que le coeur de Jésus avait besoin d'un peintre et qu'aucun peintre ne se présentait. À force d'amour et de foi, vous avez été jugé digne d'entrevoir le pélican rouge, le pélican qui saigne pour ses petits (Bloy, Journal, 1906, p.299). − Empl. adj. [En parlant d'une personne ou d'un sentiment qui l'anime] Qui fait penser au pélican en tant que symbole de l'amour paternel. Du côté de cette femme (...) qui n'était pas la maîtresse de Marchenoir (...) la sollicitude pélicane de son mamelouk le délivrait de tout rongeur souci (Bloy, Désesp., 1886, p.68).On y touche [dans une lettre de George Sand] l'intelligence; on y pèse la bonté un peu lourde, derechef maternelle, pélicane (G. de Pourtalès, Chopin, 1927, p.117). − HÉRALD. ,,Meuble de l'écu, représentant un oiseau qui (...) placé debout dans son aire et les ailes éployées, fouille du bec sa poitrine d'où s'échappent quelques gouttes de sang que boivent ses petits, au nombre de trois`` (Nouv. Lar. ill.). Dans l'écu, le pélican paraît de profil sur son aire (Grandm.1852). B. − P. anal. 1. CHIM. ,,Alambic de verre d'une seule pièce, avec un chapiteau tubulé, d'où sortent deux becs opposés et recourbés, qui font anse et se rendent à la cucurbite, où ils rapportent les vapeurs condensées dans le chapiteau`` (Chesn. t.2 1858). Le pélican servait de récipient circulatoire: sa panse était également surmontée d'un chapiteau duquel partaient deux tubes qui rentraient latéralement dans cette même panse, de sorte que le liquide distillé retombait constamment dans cette dernière (Caron, Hutin, Alchimistes, 1959, p.63). 2. CHIR. Instrument utilisé pour l'extraction des dents molaires (d'apr. Chesn., loc. cit.). Un charlatan, revêtu d'un costume en serge rouge, se démenait, un pélican à la main, sur une estrade enjolivée par des guirlandes de dents canines, incisives ou molaires, enfilées dans des fils de laiton (Gautier, Fracasse, 1863, p.296). 3. MENUIS. ,,Crochet de fer dont les menuisiers font usage pour assujettir sur l'établi les morceaux de bois qu'ils veulent travailler`` (Havard 1890; dict.xixeet xxes.). Synon. valet. II. − BOUCH. L'un des muscles piliers du diaphragme. Chez le boeuf, le pilier droit s'appelle l'onglet, le gauche est atrophié et ne compte guère à côté de son frère droit. C'est celui-là qu'on appelle le pélican et c'est ce morceau que le tueur prélève habilement et garde pour lui: c'est sa dîme (Dr. Bécart ds R. Lallemand, La Vraie cuis. de Paris et de l'Île-de-France, La Rochelle, 1975, p.103). REM.Arg., vx. Paysan. Le pélican jouant de l'orgue, J'aguige [son argent] (...) (L. de Bercy) (Bruant1901,p.85). Prononc. et Orth.: [pelikɑ
̃]. Ac. 1694, 1781: pellican; 1740: peli-; dep. 1762: péli-. Étymol. et Hist.1. 1remoitié du xiies. zool. (Psautier Oxford, 101, 7 ds T.-L.); 2. ca 1516 «alambic» (J. Perréal, Les Remonstrances ou la Complainte de Nature à l'alchymiste errant ds Rose, éd. Méon, t.4, p.127); 3. 1540 «instrument de dentiste» (Triomphe de dame verolle ds Anc. poés. fr., éd. A. de Montaiglon, t.4, p.277). Empr. au b. lat. pelecanus, pelicanus «pélican», gr. π
ε
λ
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ν «id.». Fréq. abs. littér.: 139. Bbg. Gossen (Ch.-Th.). Du pélican au coq de bruyère. Notes d'ornithonymie. R. Ling. rom. 1974, t.38, pp.231-244. |