| PRÊCHER, verbe trans. A. − Prêcher qqc. 1. Prêcher + subst. a)
α) RELIG., en partic., RELIG. CHRÉT. Annoncer, publier, enseigner (la parole de Dieu). Prêcher la parole de Dieu; prêcher l'Évangile (aux gentils, aux pauvres d'esprit); prêcher le royaume, l'unité, la colère, le jugement de Dieu; prêcher l'espérance; prêcher l'immortalité de l'âme; prêcher la vérité; prêcher le monothéisme, le christianisme. Cette religion toute puissante, (...) prêchée dans son origine par douze pauvres pécheurs, s'est étendue sur tout l'univers (Cottin,Mathilde, t.5, 1805, p.211).La divinité du Fils n'a point été prêchée par le Fils (Amiel,Journal, 1866, p.86).Prêchant le baptême, la foi, l'union au Sauveur, (...) [Saint-Paul] n'a fait que développer l'enseignement de Jésus-Christ (Théol. cath.t.14, 11939, p.563). ♦ Prêcher la Bonne Nouvelle. V. nouvelle1A spéc. ex. de Saint-Martin. − [P. méton.] Prêcher Dieu, Jésus, un sauveur. Nous croyons toujours que Dieu est semblable à nous-mêmes: les indulgents l'annoncent indulgent; les haineux le prêchent terrible (Joubert,Pensées, 1824, p.98).Les écrits mandéens (...) prêchent un Sauveur dont l'histoire est calquée sur celle du Christ (Philos., Relig., 1957, p.34-7): 1. Puisque des garçons de vingt ans, entre tous les royaumes du monde, choisissent la faim, la soif, la maladie, la mort, et ne découvrent la face du Dieu vivant que lorsqu'ils ont atteint le dénuement total, il importe peu que d'autres prêchent Dieu dans le confort de la réussite temporelle et dans une sécurité profonde.
Mauriac,Journal 1, 1934, p.17. ♦ Empl. pronom. réfl. [Jésus] ne prêchait pas ses opinions, il se prêchait lui-même (Renan,Vie Jésus, 1863, p.79). − Fam., vieilli. Ne faire que prêcher malheur, misère, famine. Ne parler que pour annoncer de mauvaises nouvelles (d'apr. Ac., Littré).
β) P. anal. − Répandre, faire connaître par la parole ou par la plume (une doctrine, une philosophie, des idées). Prêcher le communisme, la démocratie, le despotisme, le positivisme; prêcher la pensée occidentale; prêcher le bien, le mal. Renan (...) n'est que l'inventeur de la théorie de la vie à la douce, théorie déjà prêchée par Rabelais et dans une langue autrement succulente que la sienne! (Goncourt,Journal, 1894, p.625).Tous les sots du pays faisaient escorte à M. d'Estournelles de Constant, qui leur prêchait l'évangile du pacifisme (Maurras,Kiel et Tanger, 1914, p.167).Je me souviens, écrit Boris Voinarovski (...) qu'avant même d'entrer au lycée, je prêchais l'athéisme à un de mes amis d'enfance (Camus,Homme rév., 1951, p.209).V. adage ex.6. ♦ [P. méton.] Je crus renaître en (...) lisant [Shakspeare]. D'abord il avait l'immense avantage de n'avoir pas été loué et prêché par mes parents comme Racine (Stendhal,Brulard, t.1, 1836, p.291).L'humanisme s'est donné pour mission exclusive d'éclairer et de perpétuer la primauté de l'homme sur l'individu. L'humanisme a prêché l'homme (Saint-Exup.,Pilote guerre, 1942, p.377). − Prôner, recommander (une attitude, un comportement, une action); exhorter, inciter à la pratique d'(une vertu). Je vous (...) prends à témoin, ruines fumantes de la Vendée, où les prêtres (...) prêchaient le meurtre et le carnage un crucifix à la main (Dupuis,Orig. cultes, 1796, p.457).Appliquer ici la morale de l'Évangile, c'était se condamner d'avance à la défaite. On ne va pas prêcher la douceur au tigre dans la jungle (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p.469).V. décarêmer B ex. de Lefebvre, enrager B 1 ex. de Clemenceau, moralisateur ex. 1: 2. Pour m'inciter à la douceur, le jour brûlant s'adoucissait comme un regard se voile; pour me prêcher l'oubli des offenses, le ciel s'était fait suave comme un pardon.
Sartre,Mouches, 1943, III, 2, p.100. SYNT. Prêcher l'amour de Dieu, du prochain, de tous les hommes; prêcher la droiture, la raison, la sagesse; prêcher l'abstinence, l'ascétisme, la charité, la chasteté, le mépris des richesses, l'obéissance, la pauvreté, la pénitence, le renoncement (aux biens de la terre), la tempérance; prêcher l'action, la confiance, le désintéressement, la mesure, la modération, la patience, la résignation, la soumission (aux lois); prêcher la conciliation, la concorde, l'entente, l'union (entre les peuples); prêcher l'égalité, la fraternité, la paix, la tolérance; prêcher l'honneur, la morale; prêcher la grève, la révolution; prêcher la guerre, la haine, l'insurrection, la révolte, le scandale. ♦ Prêcher raison à qqn. S'efforcer de lui faire entendre raison: 3. ... quand il vient voir le Général, il s'acharne à lui prêcher raison... −Écoutez, Général, (...) Vous savez bien qu'il y a trop d'intérêts en jeu et que tout le monde intrigue contre vous à Washington. Croyez-moi, passez la main.
Cendrars,Or, 1925, p.243. ♦ Au passif, vieilli [Avec adv. d'intensité]. Jamais la tolérance en fait de religion, la douceur dans le commandement, l'humanité et même la bienveillance n'avaient été plus prêchées et, il semblait, mieux admises qu'au XVIIIesiècle (Tocqueville,Anc. Rég. et Révol., 1856, p.315): 4. Le mépris des puissances étrangères est systématique chez le gouvernement suisse et il a été si affiché et si prêché que le paysan (...) fait très peu de cas des forces de ses voisins.
Gobineau,Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p.155. ♦ [P. méton. du compl. d'obj.] Prêcher un langage. Tenir un certain discours. Jamais, je crois, je n'aurai prêché un langage plus élevé et dit des vérités plus nobles sous tous les rapports (Chateaubr.,Corresp., t.2, 1816, p.387). ♦ [P. méton. du suj. ou du compl. d'agent] La vertu si touchante prêchée par les phrases si belles du Génie du Christianisme se réduit donc à ne pas manger de truffes de peur des crampes d'estomac (Stendhal,Amour, 1822, p.220): 5. Schopenhauer confond dans une même estime le brahmanisme, le bouddhisme, et ce qu'il considère comme le seul enseignement, et comme l'enseignement authentique, du christianisme. Ces trois doctrines prêchent l'abnégation et l'anéantissement.
Théol. cath.t.4, 11920, p.1274. b)
α) Rare. Prêcher un sermon, une oraison. Prononcer un sermon, une oraison. Frère Pierre Floure, inquisiteur de la foi au diocèse de Rheims, prêcha un fort beau sermon: il exhorta le Duc à ne point poursuivre la vengeance pour la mort de son père (Barante,Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.279). − P. métaph. Le plus adroit de tous les sermons nous est chaque matin prêché par notre miroir (Green,Journal, 1949, p.270).
β) [P. méton.] − Rare. Prêcher un texte. L'utiliser, en faire le sujet de son sermon. Bonaparte (...) a fait prêcher ce texte [de saint Paul: Respectez les puissances de la terre, car tout pouvoir vient de Dieu] à tout le clergé de France (Staël,Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.163). − Usuel. Prêcher l'avent, le carême, une retraite. Faire une série de sermons dans une même église lors d'une période ou dans une circonstance particulière de l'année religieuse. J'avais prêché le carême à Saint-Sulpice (Dupanloup,Journal, 1876, p.81).Il y avait eu deux retraites pour les hommes, prêchées à la cathédrale à quelques mois de distance, et Grand'mère avait persuadé à Grand-père qu'il ne pouvait pas se dispenser d'y aller (Gyp,Souv. pte fille, 1927, p.197).V. avent ex. 5. ♦ Prêcher une mission (v. mission B 3). Pendant le Carême, des Rédemptoristes étaient venus à Fairières prêcher une mission qui fut pour moi l'occasion d'entendre de nouveau le mystérieux appel de «Dieu élevé» (Billy,Introïbo, 1939, p.22). − HIST. (Faire) prêcher la croisade, la guerre sainte. Inciter, par une série de sermons, les Chrétiens à partir délivrer les Lieux Saints des Infidèles. Il s'agit d'entreprendre une nouvelle croisade en Orient. Elle est ordonnée par le pape, qui la fait prêcher à partir de l'année 1261 (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p.217).La vague d'enthousiasme des Croisades déferla sur le pays dans toute sa brutalité. Une Guerre Sainte était prêchée contre l'infidèle; en grand nombre chevaliers et aventuriers affluaient vers l'Espagne de tous les coins de l'Europe (C. Roth,Hist. du Peuple juif, Paris, éd. de la Terre retrouvée, 1948, p.216). ♦ P. métaph. Toynbee prêchant, après Spengler, la guerre sainte contre les coupures arbitraires, le cloisonnement, l'esprit de monographie? Parfait. Nous ne serons jamais trop à mener cette croisade (L. Febvre,De Spengler à Toynbee, [1936] ds Combats, 1953, p.135).Catherine II (...) pensait avant tout à ses intérêts propres (...) prêchant toujours la croisade contre la Révolution, elle y envoyait les autres (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p.462). 2. Prêcher que + ind.Enseigner que, répéter que. Calvin prêchait que la liberté doit être interdite aux méchants (Stendhal,Mém. touriste, t.2, 1838, p.283).J'avais beau te prêcher qu'une femme habile doit (...) encourager son mari à se créer des occupations, tu ne voulais rien entendre (Curel,Nouv. idole, 1899, i, 1, p.159). 3. Prêcher (qqn/à qqn) de + inf.Recommander avec insistance (à quelqu'un) de. Croyez-vous que j'avais raison quand je prêchais mon frère de ne pas se marier, surtout avec une femme pareille (Champfl.,Bourgeois Molinch., 1855, p.219).Vos amis, vos soutiens dans le Parlement, prêchaient de désarmer et d'oublier l'Alsace: vous les avez laissés dire (Maurras,Kiel et Tanger, 1914, p.154): 6. la soeur angélique: (...) Vous êtes instruite et capable, et je ne m'en plains pas; mais vous manquez de simplicité d'esprit, et vous parlez trop hardiment. la soeur françoise: Ne me rendez pas fine en me prêchant trop d'être simple.
Montherl.,Port-Royal, 1954, p.989. B. − Absolument 1. Répandre par des sermons la parole de Dieu; faire un (des) sermon(s). On prêchait. Le sermon commençait. Le prédicateur venait d'apparaître (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p.169).Les pouvoirs sacerdotaux sont (...) d'offrir à l'autel, de bénir, de présider, de prêcher et de baptiser (Billy,Introïbo, 1939, p.142). ♦ Chaire à prêcher. La figure 692 offre des modèles de balustrades, de mains-courantes, pour escaliers de chaires à prêcher (Nosban,Manuel menuisier, t.2, 1857, p.230). − [Avec compl. prép.] Je me souviens encore d'avoir entendu, dans ma jeunesse, le père Bridayne prêcher à Saint-Roch: on se disputait les places (Jouy,Hermite, t.2, 1812, p.29).Le christianisme à peine né avoit pris racine dans la capitale du monde. Les apôtres avoient prêché à Rome vingt-cinq ans avant le règne de Néron (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t.2, 1821, p.187).Les séculiers (...) [faisaient] interdire aux réguliers de prêcher sur le parvis pendant la célébration des offices (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p.224). ♦ Prêcher contre qqn/qqc.Prêcher contre les Infidèles; prêcher contre les opinions du temps. On défère aux supérieurs pour les punir (...) [les prêtres] qui prêchent contre le gouvernement (Thibaudeau, 1827ds Doc. hist. contemp., p.103).En 1517, Luther commença à prêcher contre les débordements et la simonie de la papauté (Du Camp,Hollande, 1859, p.239): 7. ... elle tenta (...) d'assister au service du pasteur anglican. Mais il prêcha contre les athées en la regardant avec une telle insistance que, malgré toute son ardeur conformiste, elle sentit que sa dignité d'épouse ne lui permettait pas d'y retourner.
Maurois,Ariel, 1923, p.301. ♦ Prêcher sur qqc.Une demi-douzaine de prédicateurs viennent tour à tour prêcher sur la prédestination, la pénitence, la damnation et autres sujets aussi agréables (Taine,Notes Paris, 1867, p.19).V. communion ex. 10. 2. Avec une connotation péj. Faire un discours moralisateur. La vie... commença M. Baslèvre. −Oh! Justin, tu vas prêcher!... Non! Pas de discours! Téléphone plutôt... car j'oubliais aussi d'ajouter que c'est assez pressé (Estaunié,Ascension M. Baslèvre, 1919, p.16).Je ne veux pas prêcher, Florentine. Mais je veux que tu saches qu'il n'y a pas que des joies dans le mariage. Y a gros de peines aussi (Roy,Bonheur occas., 1945, p.424): 8. Je ne puis souffrir (...) [l'] ironie [de Stevenson], si légère soit-elle, non plus que son inclination à prêcher. Cet Écossais a toujours un petit sermon dans sa poche et je crois que, malheureusement, l'ironie n'est là que pour faire avaler le prêche.
Green,Journal, 1931, p.38. 3. Locutions − Prêcher dans le désert. V. désert II A 1 loc. a ex. de Sartre. − Prêcher à des/pour les sourds; prêcher un sourd. Même sens. Le sage Ahmed comprit que la logique aurait tort, et qu'il raisonnait en pure perte. À quoi bon prêcher un sourd qui tenait à son idée comme le pape au temporel? (About,Nez notaire, 1862, p.36).Dès le XIIesiècle, saint Bernard s'en prend vivement à ce goût immodéré pour les raffinements de la cuisine (...). C'était prêcher à des sourds (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p.174).V. désert II A 1 loc. a ex. de Jankélévitch. − Prêcher dans le vide. Même sens. [L'École n'est pas] l'authentique héritière du passé (...). Et c'est pourquoi elle se meurt en prêchant dans le vide (Mauclair,De Watteau à Whistler, 1905, p.63). − Prêcher d'exemple/par l'exemple. Faire soi-même ce que l'on recommande à autrui. Godeschal prêchait d'exemple. S'il professait les principes les plus stricts sur l'honneur (...) il les pratiquait sans emphase, comme il respirait (Balzac,Début vie, 1842, p.437).Il prêchait surtout d'exemple, et inspirait l'amour de la religion par sa mansuétude à supporter ses maux (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.5, 1859, p.186): 9. ... pour commander intelligemment, il faut: une grande perspicacité pour juger les individus; une idée claire des obligations à imposer aux employés; une résolution ferme de prêcher par l'exemple...
Pethoud,Organ. industr. et comm., 1931, p.87. ♦ Prêcher qqn/qqc. d'exemple (rare). Les plaisirs et le luxe sont les dieux qu'on nous prêche de parole et d'exemple (Augier,Lionnes, 1858, p.113).Avais-je le droit, professeur, de prêcher les autres d'exemple, d'engager de jeunes hommes, derrière moi, dans la voie qui était mienne? (L. Febvre,Face au vent, [1946] ds Combats, 1953, p.41). − Prêcher pour son clocher, sa paroisse, son saint. Parler dans son propre intérêt. Ne vous emportez point, beau cavalier; au moins vous ne m'accuserez pas, moi, tabellion, moi, notaire royal, de prêcher pour mon saint (Borel,Champavert, 1833, p.116).Chacun ainsi prêche pour son saint et pour son clocher (Sainte-Beuve,Chateaubr., 1860, p.319). − Prêcher sur la vendange (fam., vieilli). Parler le verre à la main au lieu de boire (d'apr. Littré). C. − Vieilli. Prêcher qqn 1. a) Lui enseigner la parole de Dieu. Prêcher la communauté; prêcher les catéchumènes; prêcher la foule; prêcher les Infidèles. [Le] divin auteur [des Évangiles] ne s'arrête point à prêcher vainement les infortunés, il fait plus: il bénit leurs larmes, et boit avec eux le calice jusqu'à la lie (Chateaubr.,Essai révol., t.2, 1797, p.162).Marie d'Agreda (...) était à la fois dans son monastère en Espagne et au Mexique où elle prêchait les mécréants (Huysmans,En route, t.2, 1895, p.150).Tous les jours il prêchait le peuple (...). Il induisait par sa parole les âmes à la pitié (A. France,Contes Tournebroche, 1908, p.73). − Empl. pronom. réfl. On nous faisait espérer quelque orateur parmi tant de prêtres, mais pas de sermon, pas même de prône (...). Le pauvre père de Place est sans voix, Mgr Affre sans forces, nous n'avons pas même eu sa bénédiction. Il faut ici, comme au désert, se prêcher soi-même (E. de Guérin,Lettres, 1846, p.490). − Au passif. [Avec adv. d'intensité] Fort prêchée par d'Andilly, vers 1638, la princesse de Guemené avait donc de fréquents regards du côté de notre monastère (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.1, 1840, p.365). b) P. anal. Enseigner à quelqu'un une doctrine, une philosophie, une manière de penser; tenter de le convaincre, d'en faire un adepte de celles-ci. Après, ç'avait été sa toquade de néo-christianisme. Il prêchait des gens au coin des rues (Aymé,Brûlebois, 1926, p.29).V. endoctriner B 1 ex.: 10. Le mouvement [révolutionnaire] faisait appel aux «âmes vivantes», leur demandait d'aller au peuple et de l'éduquer afin qu'il marche de lui-même vers la libération. Les «gentilshommes repentants» quittaient leur famille, s'habillaient de pauvres vêtements et allaient dans les villages prêcher le paysan.
Camus,Homme rév., 1951, p.205. − Au passif. Je n'ai besoin ni d'être prêché, ni d'être converti, je vous le répète; j'agis de conviction et de sentiment (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.119).Il tenta de haranguer la foule. L'écouta-t-on seulement? Les hommes s'entre-disaient qu'ils étaient tout prêchés et qu'ils savaient ce qu'ils avaient à faire (Pourrat,Gaspard, 1930, p.82). 2. Faire la morale à quelqu'un, le sermonner. Le remords avait enfoncé trop souvent ses dents aiguës au coeur de Bettina pour qu'elle épargnât les avis à sa soeur. (...) jamais elle n'avait manqué de prêcher Modeste, de lui recommander une obéissance absolue à la famille (Balzac,Modeste Mignon, 1844, p.45).Que nos précieux sens s'émoussent par l'effet de l'âge, il ne faut pas nous en effrayer plus que de raison. J'écris «nous» mais c'est moi que je prêche (Colette,Fanal, 1949, p.7). − Empl. pronom. réfl. Ce n'était pas la peine de quitter Mimi, si tu dois toujours vivre avec son ombre. Après ça, dit-il en souriant, au lieu de prêcher les autres, je ferais mieux de me prêcher moi-même, car j'ai encore de la Musette plein le coeur (Murger,Scènes vie boh., 1851, p.277). − Au passif. [Avec adv. d'intensité] . Ninon fut si bien prêchée qu'elle était en proie à une infinité de scrupules touchant la manière d'élever sa progéniture (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p.37). 3. Loc. fam. usuelles − Prêcher un converti. V. converti III. − Prêcher un convaincu. Même sens. Même à prêcher des convaincus, il est, dans la prédication, un élément de détresse. La communication profonde veut le silence (G. Bataille,Exp. int., 1943, p.144). REM. Prêchant, -ante, part. prés. en empl. adj.a) Qui prêche (en chaire). Le clergé enseignant, le clergé prêchant, le clergé journaliste, pamphlétaire, le clergé fabricant, commerçant, exploitant le ciel et la terre, gouvernant les hommes, aux fins de sa domination (Clemenceau,Iniquité, 1899, p.152).b) Qui défend une thèse, une manière de voir. En ce temps l'anecdote n'existait pas en peinture. L'idée (...) de prêcher avec un tableau était absolument inconnue. Or, la série des médecins [de Steen] est une comédie continue, parlante, prêchante (Estaunié,Rom. et prov., 1942, p.195).c) Moralisateur. Le même public, qui demandait à La Chaussée et à Diderot du théâtre attendrissant et prêchant, fit un bruyant succès à la peinture larmoyante de Greuze (Hourticq,Hist. art, Fr., 1914, p.276). Prononc. et Orth.: [pʀeʃe], [-pʀ
ε-], (il) prêche [pʀ
ε
ʃ]. Ac. 1694 et 1718: prescher; dep. 1740: prêcher. Étymol. et Hist. 1. Ca 980 «instruire quelqu'un, l'évangéliser» (Jonas, éd. G. de Poerck, vo7, p.42, 135: cel populum habuit pretiet); fin xes. «tenir des discours pour essayer de convaincre quelqu'un» (St Léger, éd. J. Linskill, 213: prediat); 1269-78 «faire des recommandations, des remontrances à quelqu'un» (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4599: Ainsint Reson me preescheit, Mes Amors tout enpeescheit); 2. fin xes. absol. «prononcer des discours, des sermons, évangéliser» (St Léger, 185: preïer); 1398 iron. (Lettre de rémission ds Du Cange, s.v. praedicamentum: que vous ayés de ce Prechiet); av. 1714 prêcher d'exemple (Fén., Socrate ds Littré); 1771 prêcher dans le désert (Volt., Lett. Richelieu, 3 juin, ibid.); 3. 1remoitié xiies. trans. «annoncer (la parole de Dieu)» (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, LV, 10: el Seignur preecherai le sermun). Francisation du b. lat. eccl. praedicare «enseigner une doctrine, annoncer l'évangile» dep. Tertullien ds Blaise Lat. chrét., en lat. class. «proclamer, publier; vanter» et «annoncer; dire», comp. de prae «devant» et dicare «proclamer solennellement» duratif de dicere «montrer par la parole, dire». Fréq. abs. littér.: 1526. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2635, b) 2324; xxes.: a) 1822, b) 1896. DÉR. 1. Préchailler, verbe intrans.,fam. Faire de médiocres sermons sans grande conviction. Sur le duc de Rohan par Chateaubriand: «... Il préchaillait à la brune, dans des oratoires, devant de jeunes dévotes (...)» (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.739).− [pʀ
ε
ʃ
ɑje], [-a-], (il) -aille [-ɑ:j], [-aj]. − 1reattest. 1805 (Id., Corresp., t.1, p.213); de prêcher, suff. -ailler*. 2. Prêcherie, subst. fém.Discours moralisateur, pontifiant. Il est bien intéressant (...) de constater qu'en cette année 1871 (...), malgré tant d'années de civilisation, malgré tant de prêcheries sur la fraternité des peuples, malgré tant de traités pour la fondation d'un équilibre européen, la force brute (...) peut s'exercer et primer comme au temps d'Attila (Goncourt,Journal, 1871, p.709).Chez l'un et chez l'autre, existait un fonds de vulgarité (...) mais le milieu avait fait Boulanger plus aristocrate, à cause des chevaux, des camaraderies, des attitudes étudiées, et Bouteiller plus sacerdotal à la suite de tant de prêcheries sur le devoir philosophique (Barrès,Appel soldat, 1900, p.222).− [pʀ
ε
ʃ
ʀi]. − 1resattest. a) ca 1323 «prédication» (Dit des Mais ds A. Jubinal, Nouv. rec. de contes, t.1, p.188: preecherie) −xviies. av. 1630 (Aubigné, Sancy, I, 9 ds Hug.: prescherie), puis 1871 (Goncourt, loc. cit.), b) 2emoitié xviies. «action de réprimander, comme par une espèce de sermon» (La soeur Angélique de Saint-Jean à Mmede Sablé ds Sainte-Beuve, Port-Royal, t.5, p.606); de prêcher, suff. -erie*. BBG. −Gougenheim (G.). Chercher et fouiller. In: [Mél. Harmer (L.C.)]. London-Toronto-Wellington, 1970, pp.22-23. |