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PRUNE, subst. fém.
Fruit du prunier.
A.− Fruit d'été comprenant de nombreuses variétés, plus ou moins gros, sphérique ou ovoïde, à noyau, de couleur variable (le plus souvent violette, jaune ou verte), à la chair juteuse, agréable, que l'on consomme frais, cuit ou séché. Prune abricotée; prune d'Agen ou d'ente, de Damas, (de) (la) reine-claude; odeur de prune; prunes à l'eau-de-vie; confiture de prunes; tarte aux prunes. Il faisait très beau, tous les vergers étaient pleins de fruits : pommes, poires, prunes, qui se penchaient aux branches par-dessus les haies (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 370).[Les délicats] n'ont que l'embarras du choix : les reines-Claude (...), la prune de Monsieur (le frère de Louis XIV), la mirabelle, la quetsche (Ac. Gastr.1962) :
Un soir de septembre, elles allèrent au jardin. Un parfum de coings et de feux d'herbes traînait dans les venelles. Une prune bleue tombait sur les tuiles, roulait parmi les orties. Pourrat, Gaspard,1930, p. 121.
P. méton. Eau-de-vie obtenue à partir de ce fruit; verre d'eau-de-vie de ce fruit. Il allait acheter son tabac à la Petite Civette, rue des Poissonniers, où il prenait généralement une prune (Zola, Assommoir,1877, p. 516).De son petit panier, il tire un litre. C'est un mélange, à sa façon, de prune et de marc, vieux de trois ans (Renard, Journal,1901, p. 668).
B.− [P. réf. à la prune violette et, plus partic., à la prune de Monsieur] Empl. adj. inv., en appos. couleur (ou bleu, violet...) prune, ou p. ell., prune. D'un violet tirant sur le bordeaux. Soie, velours prune. Toilette de promenade couleur prune (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 796).Comme était Gilbert le Mauvais dans le vitrail où il passait du vert chou au bleu prune (Proust, Swann,1913, P. 171).Elle porte depuis longtemps cette bonne robe prune, rayée de mauve et de bleu (Faure, Hist. art,1921, p. 118).
[Sous la forme prune de monsieur, prune-de-Monsieur] Précipité d'un fort beau violet ou pourpre presque prune de monsieur (Berthollet, Art teint.,t. 2, 1804, p. 295).Longue redingote kaki, chaudron ou prune-de-Monsieur (Toulet, Notes art,1920, p. 24).
Empl. subst. masc. La nuance connue sous le nom de prune de monsieur (Berthollet, Art teint.,t. 2, 1804p. 330).Mordoré qui tourne progressivement au prune (Green, Journal,1937, p. 110).
C.− Loc. et expr. fam. ou pop.
Aux prunes (vieilli). L'été dernier ou l'été prochain. Pour ce qui est de mon âge, je vais avoir quarante-cinq ans... aux prunes (Feuillet, Scènes et com.,1854, p. 55).
Viennent les prunes (vieilli). L'été prochain. J'ai vingt-deux ans, viennent les prunes (Monselet, Poés.,1880, p. 161).
Pour des prunes. Pour rien. Je lui pardonne, je ne suis pas chrétien pour des prunes (Balzac, Corresp.,1819, p. 49).Si j'ai fait mettre le téléphone dans toutes les pièces, ce n'est quand même pas pour des prunes (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 16).
[Sous une forme exclam., pour indiquer une fin de non-recevoir à une demande] Des prunes! Synon. des clous! des guignes! Voir Carabelli, [Lang. pop.], s.d.
Rare. [Dans un empl. hypocor., pour désigner qqn] La Gouvernante; Remets ta chemise, ma prune, ma sorbe. Il fait froid (Audiberti, Mal court,1947, ii, p. 164).
D.− P. anal., pop.
1. Coup, horion. Synon. pêche.Le policier cogna [le Nantais (...)] deux fois, très vite. Le Nantais eut un réflexe pour se lever. Une prune au foie le courba, mains au ventre (Le Breton, Razzia,1954, p. 106).
2. Balle d'arme à feu, plus particulièrement de fusil. Synon. pruneau.Le coup part, la balle ricoche, et le chamois tombe sans savoir d'où lui vient cette prune (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 394).
3. Au plur. ,,Testicules`` (France 1907).
REM.
Prunelée, subst. fém.Confiture de prunes. (Dict. xixeet xxes.).
Prononc. et Orth. : [pʀyn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xiies. « fruit du prunier » (Audigier, éd. O. Jodogne, 51); 1846 prune à l'eau-de-vie (Balzac, Cous. Bette, p. 337); 1877 une prune « un verre d'eau-de-vie faite avec des prunes » (Zola, loc. cit.); 1904 eau de vie de prunes (Nouv. Lar. ill.); b) 1733 couleur prune (Inventaire après décès du Chevalier Roze, éd. Arnaud d'Agnel, p. 9); c) loc. 2emoit. xiies. ne preisier une prune « n'avoir aucune estime pour » (Sermons Oyez, 1295 ds Möhren Négation, p. 207); ca 1202 ne pas doner une prune « n'attribuer aucune valeur » (Renart, éd. M. Roques, 16318); 1erquart xiiies. ne valoir une prune « ne rien valoir » (Reclus de Molliens, Miserere ds Möhren, loc. cit.); 1507-08 pour des prunes « pour peu de choses; pour un maigre bénéfice » (Eloy d'Amerval, Le Livre de la Deablerie, éd. Ch. Fr. Ward, 123a); 1730-65 viennent les prunes « l'été prochain » (Caylus, Œuvres badines, t. 10, p. 529); 1848 aux prunes (Th. Gautier, Hist. art dram., V, p. 270 ds Quem. DDL t. 2); 2. a) 1ertiers xives. [date du ms.] « coup » (Renart Contrefait, éd. G. Raynaud et H. Lemaître, II, p. 243, var. ms. A); 1364 « coup de poing » (Miracles N.D., XXII, 1635, éd. G. Paris et U. Robert, t. 3, p. 366); b) 1650 « balle de fusil, d'arme à feu » (d'apr. Esn.). Du lat. pruna, plur. neutre de prunum « prune, prunelle », empl. comme subst. fém. en lat. pop.; cf. a. fr. beloce « prune sauvage » (xiiies. ds T.-L. et Gdf. Compl.), issu du lat. de basse époque bulluca, d'orig. celt., qui survit dans certains parlers du Nord et de l'Est de la France (v. FEW t. 1, p. 624a et t. 9, p. 496b). Fréq. abs. littér. : 255. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 149, b) 468; xxes. : a) 508, b) 399. Bbg. Cronenberg (A.). Die Bezeichnung des Schlehdorns im Galloromanischen. Jena und Leipzig, 1937, pp. 51-62, 70-74. − Lommatzsch (E.). Blumen und Früchte im altfrz. Wörterbuch. Z. fr. Spr. Lit. 1966, t. 76, pp. 333-334.