| PROUVER, verbe trans. A.− 1. Établir, de manière irréfutable et au moyen de faits, de témoignages, de raisonnements, la vérité ou la réalité de (quelque chose). Synon. démontrer.Prouver la fausseté, l'authenticité d'un écrit; prouver une hypothèse, une proposition, une thèse. Hommes, cessez de ne prouver Dieu que par la nature matérielle (...). Et si cette nature matérielle avoit déjà accompli tous ses types, et qu'elle n'existât plus, comment prouveriez-vous donc celui qui l'a formée? (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 21).Faut-il rappeler les cas les plus célèbres [de conflits] : Anaxagore disant que le soleil est une pierre incandescente (...), Galilée prouvant le mouvement de la terre (Lévi-Bruhl, Mor. et sc. mœurs,1903, p. 44): 1. Je prouve mon domicile ici (...) de citations, de jugements, acquisitions et ventes de propriétés foncières faites en différents temps par moi, dans ce département.
Courier, Pamphlets pol.,Conseil préfect. Tours, 1820, p. 50. ♦ Prouver que.Il en sera donc réduit, une fois de plus, à prouver (...) que la levure alcoolique ne dérive pas du jus de raisin, mais de germes venus de l'extérieur, et situés à la surface du grain (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 177). ♦ Prouver combien.Ceci uniquement, mon cher ami, pour vous prouver combien l'épigraphie est science relative toujours subordonnée à la découverte d'un texte nouveau, qui contredit les données antérieures (Benoit, Atlant.,1919, p. 99). ♦ Proverbe. Qui veut trop prouver, ne prouve rien. Celui qui veut accumuler trop de preuves finit par provoquer le doute. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Empl. impers. Il est/semble prouvé que. Il est prouvé en effet que tout travail détruit, dans un organe mécanique quelconque, correspond à une chaleur créée (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai,1864, p. 62).Il semble bien prouvé que (...) le seigle, l'avoine et le chanvre, cultivés seulement dans le centre et le nord de l'Europe, sont venus de l'est (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 31). ♦ Empl. pronom. indir. Se démontrer. Se prouver qqc. à soi-même. L'homme se joue, se prouve les évidences, se gonfle du plaisir de répéter des preuves, et ne vit que comme cela! (Rimbaud, Saison enfer,1873, p. 236). ♦ Empl. pronom. à sens passif. Même sens. La confiance dont un ministre jouit, ou la défiance qu'il inspire, se prouve par la majorité qui le soutient ou qui l'abandonne (Constant, Princ. pol.,1815, p. 89). − DR. CIVIL, COMM. ET PÉNAL. Établir au moyen de preuves la réalité d'un acte ou d'un fait juridique (v. preuve I A 1). Prouver en justice; prouver par commune renommée*; prouver par tous moyens. Ni pour l'algarade chez Trochut, ni pour le coup de grillage près de l'étang, l'enquête de police n'avait réussi à prouver la culpabilité de Raboliot (Genevoix, Raboliot,1925, p. 103): 2. Avant la loi de 1899, dans le cas de dommage causé par un élève à un autre élève (...) l'instituteur (...) devait prouver qu'il n'avait pu empêcher le fait dommageable, ce qui constituait pour lui une lourde responsabilité.
Encyclop. éduc.,1960, p. 289. 2. [Le suj. désigne un fait, un raisonnement] Démontrer, révéler. Cela ne prouve rien; qu'est-ce que cela prouve? cela reste à prouver; les événements l'ont prouvé. Toutes les races possèdent une culture propre et ce seul fait nous prouve le grand âge de la civilisation humaine (Lowie, Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936, p. 18): 3. ... Cajetan, parlant de la conclusion directe et explicite des cinq preuves de l'existence de Dieu proposées par saint Thomas, remarque que ces preuves ne prouvent pas Dieu...
Théol. cath.t. 4, 11920, p. 884. − Prouver que.Les faits ont prouvé que les perspectives de Malthus étaient superficielles : la progression de la population ne se fait pas à un rythme si rapide (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1968, p. 156): 4. La culture des tissus (...) a prouvé que la cellule, extraite et placée in vitro dans des conditions adéquates, se nourrit, se divise, se multiplie et se déplace.
Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 605. − Absol. Les faits prouvent plus que les mots (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. xi). B.− HIST. Prouver la noblesse (d'une pers.). L'établir en apportant à l'appui l'ensemble de ses titres. Le nombre des degrés était fixé à quatre pour l'admission dans l'ordre du Saint-Esprit (...). Il en fallait prouver neuf d'une noblesse ancienne, et sans principe connu, pour l'admission dans l'ordre de Saint-Lazare (Grandm.1852). − Empl. pronom. passif. En Angleterre, en Irlande et en Écosse, la noblesse se prouve par des tables généalogiques, dans lesquelles sont cités les monuments qui servent de preuves (Grandm.1852). C.− Donner des marques de, manifester par son comportement, par des actes (un sentiment, une disposition de l'esprit). Synon. montrer, témoigner.Prouver son amour, son courage; cela prouve une grande méchanceté. Knock : Vous avez une situation à m'indiquer? Le Docteur : La mienne. Je vous la donne. Je ne puis pas mieux vous prouver mon admiration (Romains, Knock,1923, iii, 6, p. 19).Le premier acte envers Dieu, ma fille, est de lui prouver ta bonne volonté d'expiation (Jouve, Paulina,1925, p. 96). − Empl. pronom. réciproque. Il fut convenu entre eux qu'ils s'aimaient sans qu'ils ne se le fussent prouvé par rien de sensuel ou de brutal (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, MmeParisse, 1886, p. 732). Prononc. et Orth. : [pʀuve], (il) prouve [pru:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) α) Déb. xiies. trans. « montrer, démontrer, apporter en preuve » (Benedeit, St Brendan, 373 ds T.-L.);
β
) ca 1130 « établir la preuve » prover que dr. (Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke, § 21, 2, p. 19);
γ) ca 1265 cont. sc. prover que (Brunet Latin, Trésor, I, CXVI, 5, éd. F. J. Carmody, p. 102, 24); 1657 réfl. « être, pouvoir être démontré » (Pascal, Provinciales, XVIII ds
Œuvres, éd. J. Chevallier, p. 899 : les choses de fait ne se prouvent que par les sens); b) 1197 « (en parlant d'une chose) être le témoignage, le signe de » prover que (Helinand, Vers de la Mort, 30, 1 : 43, 3 ds T.-L.); 2. a) ca 1170 réfl. bien se prover « (d'une personne) se montrer, se conduire » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 3480); b) ca 1180 id. « (d'une chose) manifester sa réalité, se montrer » (Thomas, Tristan, 2156 ds T.-L.); fin xiies. (Brut, ms. de Munich, 3928, ibid.); 3. ca 1215 trans. « (d'une personne) manifester une qualité, un sentiment » (Aimeri de Narbonne, éd. L. Demaison, 919). Du lat. probare « éprouver, vérifier; rendre croyable, démontrer, prouver » et « trouver bon, approuver », v. probant. Fréq. abs. littér. : 7 742. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 16 688, b) 9 556; xxes. : a) 9 512, b) 7 840. DÉR. 1. Prouvable, adj.Que l'on peut prouver, dont on peut établir la vérité, la réalité. Dans sa colère, le général en chef va jusqu'à proposer l'institution d'un syndicat qui (...) pût, sur sa simple conviction, punir les délits [des fournisseurs] qui ne sont jamais prouvables matériellement (Stendhal, Napoléon,t. 2, 1842, p. 256).Le monde de l'esprit, de la foi, demeure intérieur, mystérieux, non prouvable (Green, Journal,1947, p. 106).− [pʀuvabl]. − 1reattest. ca 1265 « dont on peut faire la preuve » argumens provables (Brunet Latin, Trésor, III, 56, 6, éd. F. J. Carmody, p. 367, 24); de prouver, suff. -able*; l'a. fr. prouvable « digne de louange » (xiiies., Bible, Bibl. nat. 901, fol. 56c ds Gdf.) est une réfection du lat. probabilis « digne d'être loué » d'apr. prouver, cf. aussi probable. 2. Prouveur, subst. masc.,hapax. Celui qui prouve, qui témoigne de ses sentiments et les concrétise. Si tant de femmes, et même les plus vertueuses, sont la proie des gens habiles en amour auxquels le vulgaire donne un méchant nom, peut-être est-ce parce qu'ils sont de grands prouveurs, et que l'amour veut, malgré sa délicieuse poésie de sentiment, un peu plus de géométrie qu'on ne le pense (Balzac, Langeais,1834, p. 278).− [pʀuvœ:ʀ]. − 1resattest. ca 1350 « celui qui apporte des preuves », spéc. « celui qui défend devant les juges » (Gilles Li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 253), très rare; à nouv. 1834 (Balzac, loc. cit.); de prouver, suff. -eur2*; l'a. fr. proveor (1remoit. xiies. pruverre, cas suj., « celui qui éprouve, qui sonde » (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, VII, 9) est dér. de prouver d'apr. le lat. chrét. probator « celui qui éprouve, qui examine » (Blaise Lat. chrét.). BBG. − Verreault (Cl.). Les Adj. en -able en franco-québécois. Trav. de ling. québécoise. 3. Québec, 1979, annexe 1 § 29; 2 § 106; p. 192, 216 (s.v. prouvable). |