| PROSPÉRITÉ, subst. fém. A.− 1. État ou situation d'un pays, d'une collectivité ou plus rarement d'une personne dont les affaires sont bonnes, dont la réussite est manifeste. Prospérité d'un empire, d'une province, d'une commune; prospérité bourgeoise. Jaloux, d'ailleurs, comme les petites gens, la prospérité de son frère lui semblait un outrage à sa pauvreté (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 788).Le pays ne se remit jamais entièrement de la perte de sa capitale et ne retrouva pas son ancienne prospérité (A. France, Île ping.,1908, p. 418): 1. L'ordre et l'économie sont déjà des vertus dans une condition privée; mais quand ces vertus se rencontrent dans les hommes qui président aux destinées de l'État, et qu'elles font la prospérité de tout un peuple, on ne sait quel magnifique nom leur donner.
Say, Écon. pol.,1832, p. 472. − Prospérité d'une entreprise, d'une firme, d'une maison, d'un patrimoine; prospérité financière. La prospérité d'une station [touristique] irrigue forcément les cantons voisins (Jocard, Tour. et action État,1966, p. 43).Il est remarquable que la France [en 1929], le plus touché des belligérants, ait retrouvé si vite une prospérité économique éclatante malgré ses difficultés monétaires (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1966, p. 423). SYNT. a) Assurer, accroître, compromettre, construire, partager, maintenir, ruiner la prospérité; être intéressé, contribuer, travailler, nuire à la prospérité; témoigner de la prospérité (de qqn ou de qqc.); faire étalage de sa prospérité; développement, apogée, faîte, sommet, déclin d'une prospérité. b) Prospérité rapide, prompte, soudaine, durable, éphémère, illusoire; grande, haute prospérité; prospérité récente, future; prospérité brillante, éclatante, insolente, chanceuse, généreuse, déchue. c) Condition, degré, élément, facteur, gage, instrument, source, signe de (la) prospérité de qqn ou de qqc.; année, ère, époque, temps de prospérité. − P. méton., vieilli, au plur. Synon. de affaires.Des ministres corrompus et vendus à l'Angleterre, à cet ennemi du continent qui a fondé ses prospérités sur le monopole et sur nos divisions (Napoléon Ier, 1809ds Rec. textes hist., p. 159).Il se trouvait maintenant l'un des plus riches propriétaires du département. Dans le cours de ses prospérités, il avait acheté la moitié d'une terre, dont l'autre partie échut par héritage à M. de La Mole (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 201). 2. Mod., dans le domaine de l'écon., de la pol., du syndical.[P. oppos. à crise, dépression, récession] . Ascension, développement, essor économique d'une nation, d'une grande entreprise. Foyer, pôle de prospérité; mécanisme de (la) prospérité; économie de prospérité. Les revendications des salariés sont souvent dénoncées comme démagogiques ou irresponsables par les employeurs qui, à leur tour, sont accusés de défendre leurs privilèges sous le couvert de la prospérité nationale (Reynaud, Syndic. en Fr.,1963, p. 17).Ce développement [des économies productivistes d'abondance] qui a permis la prospérité américaine, la puissance soviétique et le relèvement rapide de l'Europe (Beaufre, Dissuasion et strat.,1964, p. 169). 3. Sans compl. État de paix, de stabilité, de bonheur qui est la conséquence du succès, de la richesse, de l'abondance. Aspirer à, jouir de, entrer, vivre dans la prospérité; connaître la prospérité; promettre, obtenir, faire régner la prospérité. Vers le milieu de la période que nous venons de décrire, aux approches de l'an 1300, entre l'apogée et le commencement de la décadence, dans un de ces momens solennels où la prospérité même devient mélancolique, parce qu'elle se sent toucher à sa fin (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 53).Au moment de la paix d'Amiens, tout concourait ainsi à rendre la tranquillité et la prospérité à la France (Bainville, Hist. Fr.,t. 2, 1924, p. 107).V. économe ex. 2 : 2. Le chrétien, à vrai dire, n'est jamais résigné. Sa conception de la cité vise de soi un aménagement de la vallée de larmes procurant un bonheur terrestre, relatif mais réel, de la multitude assemblée; une structure bonne et vivable de l'existence du tout, un état de justice, d'amitié et de prospérité rendant possible à chaque personne l'accomplissement de sa destinée...
Maritain, Human. intégr.,1936, p. 149. B.− 1. Vieilli ou littér. Situation favorable, bonne fortune, état heureux d'une personne au physique comme au moral. Au lieu des vœux de prospérité et des promesses de bon avenir, je ne vous apporte qu'un cœur plein de tristesse et de découragement (Hugo, Corresp.,1821, p. 340).Le petit [un enfant] qui, jusqu'ici, était maigre et pâle a tourné tout d'un coup vers la prospérité et le coloris (M. de Guérin, Corresp.,1835, p. 229): 3. Le chiffre sept indique une période musicale, une phrase qui module et se résout dans le temps, qu'il s'agisse de mener à terme une expérience de prospérité, spirituelle ou physique, ou, au contraire, de dépérissement et de misère.
Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 78. − P. méton., le plus souvent au plur. ♦ Synon. de bienfaits, bénédictions.Je jouis de la vie comme si je possédais toutes les prospérités de la terre (Staël, Corinne, t. 1, 1807, p. 25).À la tombée de la nuit il ne manquait jamais de me souhaiter des prospérités dont la liste était longue (About, Roi mont.,1857, p. 208): 4. Le croyant attend du sacré tout secours et toute réussite. Le respect qu'il lui témoigne est fait à la fois de terreur et de confiance. Les calamités qui le menacent, dont il est victime, les prospérités qu'il souhaite ou qui lui échoient, sont rapportées par lui à quelque principe qu'il s'efforce de fléchir ou de contraindre.
Philos., Relig., 1957, p. 32-6. ♦ Périodes ou moments favorables; jours heureux. Tout allait pour le mieux, rien ne semblait devoir troubler le cours de ces prospérités, lorsqu'un événement inattendu vint se jeter à la traverse (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 103).Moins facile à couvrir que M. Delcassé, M. Hanotaux avait eu des prospérités plus courtes et était tombé de moins haut (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 226). 2. P. anal. [À propos des animaux ou des végétaux] Croissance harmonieuse et/ou abondante. Quand on a assaini des marais, canalisé les cours d'eau, drainé les couches inférieures d'un territoire, toutes choses qui sont la conséquence d'une civilisation avancée, d'une agriculture savante, on a amoindri d'autant les conditions nécessaires à la prospérité des forêts (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 340).Le facteur éclairement est, pour les algues benthiques comme pour les algues pélagiques, un élément essentiel de la distribution et de la prospérité des espèces (J.-M. Pérès, Vie océan,1966, p. 85). 3. En partic. a) [À propos d'une pers.] Qqf. p. plaisant. Visage, figure, mine de prospérité. Visage, expression du visage d'une personne en bonne santé ou à qui la nourriture ne fait pas défaut; visage gai, enjoué, coloré. Avec un visage de prospérité il se voit dans le marasme. Il me montre des mains beaucoup moins maigries que les miennes et s'écrie : « Vous voyez bien que je me meurs! » (Staël, Lettres jeun.,1790, p. 413).C'est vous, Ernest?... ça vous réussit de faire la guerre, dites donc. Vous avez une mine de prospérité! (Bourget, Sens mort,1915, p. 41). b) [À propos d'une chose] Bel aspect de ce qui est abondant ou respire l'abondance. Synon. opulence, richesse.J'ai revu mes chères boutiques, dans leur prospérité du matin (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 40).Ils avaient acheté en Normandie une ruine pittoresque, mais peu à peu, cet endroit ravissant, perdu dans les pommiers, avait pris un air de prospérité avec son pigeonnier dans la cour, faisant tourelle (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 159). Prononc. et Orth. : [pʀ
ɔspeʀite]. Ac. 1694, 1718 : prosperité; dep. 1740 : -spé-. Étymol. et Hist. 1remoit. xiies. prosperitet « état de ce qui prospère, bonheur, heureuse situation, bien-être » (Psautier Oxford, 36, 7 ds T.-L.). Empr. au lat. prosperitas, -atis, dér. de prosper (v. prospère). Fréq. abs. littér. : 1 072. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 094, b) 1 000; xxes. : a) 876, b) 855. Bbg. Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 297. |