| PROPHÈTE, subst. masc. A. − RELIGION 1. Celui qui est l'interprète des dieux. La Grece n'avait-elle pas aussi son oracle de Delphes, et les Juifs leurs prophetes? Les Romains, leurs aruspices, leurs augures, interpretes des volontés des dieux? (Dupuis,Orig. cultes, 1796, p.433).Le renonçant bouddhique est, lui aussi, à sa manière, un prophète. Il apporte la promesse d'une vie absolument bonne qui peut être réalisée si le message transmis par le prophète est pris au sérieux (Boudon-Bourr.Sociol.1982, s.v. prophétisme): 1. Pour l'historien des religions, le prophète fait partie, avec le roi, le sorcier ou le prêtre, de ceux qui ont reçu le «mana», c'est-à-dire la puissance (...) certains traits de son activité l'apparentent aux devins, aux magiciens, aux derviches, aux chamanes, etc.
Encyclop. univ.t.131972, p.646. 2. [Dans la Bible] Celui que Dieu a choisi pour transmettre et expliquer sa volonté. Le prophète Élie. Les quatre grands prophètes: Daniel, Ézéchiel, Isaïe, Jérémie; barbe, visage de prophète. Les prophètes d'Israël appartiennent à la famille des «porteurs de parole» (...) qu'on rencontre aussi dans l'Ancien Proche-Orient, en Grèce, en Asie centrale (Encyclop. univ.t.131972, p.645). − En appos. Le roi prophète. Du haut de la tour de David, à Jérusalem, le Roi prophète aperçut Bethsabée se baignant dans les jardins d'Urie (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.488). − P. métaph. Aujourd'hui les prophètes crient dans le désert et nulle voix ne leur répond, car le monde est indifférent, il est sourd, il se couche et se bouche les oreilles pour mourir en paix (Sand,Lélia, 1833, p.116). 3. En partic. [Dans la relig. chrétienne] Jésus-Christ. Et le peuple disait: c'est Jésus, le prophète de Nazareth en Galilée (P. Leroux,Humanité, t.2, 1840, p.886). ♦ [Dans la relig. musulmane] Mahomet. Bonaparte, dans la pyramide, se servit du langage oriental. «Gloire à Allah! dit-il; il n'y a de vrai dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète (...)» (Staël,Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.3). − Absol. Le prophète. L'étendard, les sourates, le tombeau du prophète. 4. Loc. diverses ♦ Faux prophète. Celui qui n'est pas véritablement inspiré (synon. imposteur); p.ext., celui qui se trompe dans ce qu'il annonce. [Volney] se méfie de ce désir de savoir et de ce besoin de croire, lesquels, combinés dans la jeunesse avec le besoin d'aimer, peuvent se prendre à des idoles et à de faux prophètes: et Rousseau, selon lui, a été un faux prophète (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.7, 1853, p.421). ♦ La loi et les prophètes. L'essentiel. Aimez Dieu de tout votre coeur et votre prochain comme vous-même, ceci renferme la loi et les prophètes (Tocqueville,Corresp.[avec Gobineau], 1843, p.58).Aimer, danser et prier, en ce pays, c'est la loi et les prophètes (Toulet,Mariage Don Quichotte, 1902, p.110). ♦ Nul n'est prophète en son pays. ,,On a ordinairement moins de succès dans son pays qu'ailleurs`` (Ac.). Vous savez, mademoiselle, que nul n'est prophète en son pays (Mérimée,Colomba, 1840, p.11). B. − P. ext. 1. Celui qui annonce à l'avance un événement par voyance, par intuition. Les grands poëtes, les philosophes, les prophètes sont des êtres qui par le pur et libre exercice de la volonté parviennent à un état où ils sont à la fois cause et effet, sujet et objet, magnétiseur et somnambule (Baudel.,Paradis artif., 1860, p.343).C'était le beau Salomon Molcho, le prophète dont les prédictions vérifiées intimidaient les rois et les papes (Vogüé,Morts, 1899, p.36): 2. ... Cicéron prouve la réalité de la divination par une foule de faits qu'il rapporte à l'appui de son assertion, et surtout par la croyance universelle; il ajoute que cet art remonte à la plus haute Antiquité; qu'il n'y a pas de peuple qui n'ait eu ses oracles, ses devins, ses augures, ses prophetes...
Dupuis,Orig. cultes, 1796, p.406. ♦ Être bon prophète. Être juste dans ses prévisions. M. Noirtier était un bon prophète, et les choses marchèrent vite comme il l'avait dit (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.137).Faire le prophète. Annoncer quelque chose. Écoute ceci, Kobus; je n'ai jamais fait le prophète, mais aujourd'hui je prédis que tu te marieras (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p.36). ♦ Prophète de malheur. Celui qui annonce des choses funestes, des événements fâcheux. Ce qu'il [La Monnais] était surtout, (...) c'était un prophète de tristesse et de malheur, un tribun sacré en face d'une société profane, un accusateur public devant une société ennemie (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.11, 1868, p.369). 2. Celui qui annonce à l'avance un événement par l'observation, l'analyse rationnelle. Je vais beaucoup mieux. Le docteur a été prophète; en deux jours tout a été presque fini (Balzac,Lettres Étr., t.3, 1846, p.338): 3. ... ce prophète [Churchill], avec son gros bon sens, son cynisme, appelant les choses par leur nom sans faire de sentiment et sans se laisser tromper par des théories préconçues ou leurrer par des idées générales, parlait au jour le jour en bon lutteur, sans jamais perdre de vue la Terre et le destin des Hommes, la clef du rêve anglais.
Cendrars,Lotiss. ciel, 1949, p.35. ♦ Prophète de.Le fils du Krüger de 1836, devenu Président du Transvaal, s'était heurté à Cecil Rhodes, prophète de l'impérialisme britannique (Maurois,Édouard VII, 1933, p.23). REM. 1. Prophète-philosophe, subst. masc.Mao fut moins ce prophète-philosophe décrit par tant de thuriféraires que, d'abord et toujours, un politicien pragmatique pour qui ce qui primait tout, c'était le pouvoir (Le Point, 13 sept. 1976, p.43, col. 2). 2. Poète-prophète, subst. masc.Les mèches explosives de nos grands poètes-prophètes n'étant devenues que récemment nécessaires (Le Nouvel Observateur, 16 févr. 1976, p.56, col. 1). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔfεt]. Ac. 1694, 1718: prophete; dep. 1740: -phète. Étymol. et Hist. 1. a) Fin du xes. «dans la Bible, homme qui, inspiré par Dieu, parle en son nom pour faire connaître ses volontés et leurs manifestations futures» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 27); b) ca 1170 faux prophète «personnage biblique qui induit le peuple en erreur» (Rois, éd. E. R. Curtius, p.158); 1694 faux prophète «celui qui se trompe dans ses prédictions» (Ac.); c) 1269-78 prophete de malaventure «celui qui prédit des choses funestes et désagréables» (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5946); 1668 prophète de malheur «id.» (La Fontaine, Fables, I, 8 ds OEuvres, éd. H. Régnier, t.1, p.83); 2. ca 1100 «personnage important qui annonce l'avenir par voie de conjecture» (Roland, éd. J. Bédier, 2255); 3. 1429 «celui qui annonce des événements à venir (en général)» (Journal d'un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, p.236); 4. 1672 le Prophète «Mahomet, pour les musulmans» (Racine, Bajazet, III, 2 ds OEuvres, éd. P. Mesnard, t.2, p.518). Empr. au lat. chrét. propheta «devin qui prédit l'avenir; prophète» (Blaise Lat. chrét.), gr. π
ρ
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φ
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τ
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ς «interprète d'un dieu; celui qui transmet la volonté des dieux; celui qui annonce l'avenir». En a. fr., le mot est souvent du fém., v. T.-L., Gdf. Compl. Fréq. abs. littér.: 1701. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3034, b) 1786; xxes.: a) 2798, b) 2003. Bbg. Quem. DDL t.18, 19. |