| PROLOGUE, subst. masc. A. − ART DRAM. 1. [Dans le théâtre gr.] Partie de la pièce qui précède l'entrée du choeur où l'on exposait le sujet. Dans le théâtre des Grecs, le prologue servait à initier les spectateurs à la marche du drame et à ses développements: il était dit par un acteur (Bouchard1878). 2. [Dans les mystères du Moy. Âge et le théâtre classique] Récitatif en prose ou en vers destiné à exposer le sujet de la pièce en honorant la personnalité à qui elle était dédiée. Jodelle, dans le prologue d'Eugène, Grévin dans celui de La Trésorière, Jean de La Taille dans celui des Corrivaux, s'attaquent aux farces et aux farceurs avec un ton de grand mépris, se vantant d'écrire pour les princes, et non pour la populace en sabots (Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr., 1828, p.209).Racine inventa le prologue où triompha Mmede Caylus, nièce de Mmede Maintenon. Le roi y est loué par la piété incarnée (Mmede Caylus était bien en chair) de ne combattre que pour la gloire de Dieu (Mauriac,Vie Racine, 1928, p.186). 3. P. méton. Comédien chargé de réciter le prologue dans le théâtre grec, les mystères du Moyen âge et le théâtre contemporain s'inspirant du théâtre antique. Toutes les têtes se tournèrent vers l'estrade. Ce fut à ne plus s'entendre. −Le cardinal! le cardinal! répétèrent toutes les bouches. Le malheureux prologue resta court une seconde fois (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p.41).Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes. Le prologue se détache et s'avance (Anouilh,Antigone, 1946, p.135). 4. P. ext. Introduction servant à présenter des événements antérieurs à l'action proprement dite dans une oeuvre théâtrale, lyrique ou cinématographique. Le soir, lecture de la pièce de Hennique, Les Deux patries, dont Daudet dit avoir donné l'idée. Un prologue très original, mais une pièce manquant de la mâle écriture nécessitée par le sujet (Goncourt,Journal, 1893, p.441).Le goût (parfois incisif) de notre époque étant favorable aux dissonances, et l'oreille d'autre part ayant perçu que même des septièmes majeures sont fort douces à l'occasion (il y a la manière: voir le prologue de Pelléas et Mélisande) (Arts et litt., 1935, p.34-12): 1. Le travail des leitmotive sera plus ou moins raffiné selon le talent du musicien et les exigences de son metteur en scène. À titre d'exemple, transcrivons ici le découpage musical du prologue d'un film capital: Hiroshima, mon amour (mise en scène d'Alain Resnais...)...
Samuel,Art mus. contemp., 1962, p.762. B. − MUSIQUE 1. Acte suivant l'ouverture dans un opéra ou un opéra-ballet du théâtre lyrique ancien où sont glorifiés, honorés des personnages ou des événements importants. L'Europe galante [1697] se compose d'un prologue mythologique (compté comme première entrée), représentant une forge, où, sous la présidence de Vénus, on forge les traits de l'amour (Brillant,Probl. danse, 1953, p.200). 2. Prélude, ouverture dans une oeuvre musicale. C'est cette doctrine [chrétienne] que Gounod a réussi à résumer dans Rédemption, ou du moins la part la plus essentielle de cette doctrine, celle qui sert de titre à son oeuvre. Un prologue et trois parties suffisent à cette tâche (Saint-Saëns,Portr. et souv., 1909, p.103).Mais quel prologue à une sonate! Beethoven sait-il bien où cela le mène? A-t-il calculé d'avance de telles dimensions? (Rolland,Beethoven, t.1, 1937, p.245). C. − Littéraire 1. Introduction, discours préliminaire d'un ouvrage où l'on expose le sujet, servant parfois d'avertissement ou de dédicace. Car, ainsi que je l'ai dit au prologue, en tout état de cause, nous ne pouvons admettre que l'humanité, de quelque façon qu'elle s'exprime, se trompe (Proudhon,Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.44).Le prologue de l'Évangile de saint Jean suggère la réponse qu'il convient de donner à cette question (Gilson,Espr. philos. médiév., 1931, p.28): 2. Quant à l'accusation portée par les Jésuites de Montferrand dans le prologue des thèses soutenues en leur collége le 25 juin 1651, Pascal y répondit lui-même par une lettre adressée à M. de Ribeyre, premier président à la Cour des aides de Clermont, qui en avait reçu la dédicace...
Sainte-Beuve,Port-Royal, t.2, 1842, p.474. 2. P. ext., dans le lang. cour. Synon. préambule, préliminaires, prolégomènes. a) Entrée en matière, précautions oratoires précédant un exposé oral ou écrit. Je te prie donc de ne point me faire d'excuses dans ta prochaine lettre, que j'attends immédiatement, et de ne pas perdre une feuille de papier en prologue et préliminaires (Flaub.,Corresp., 1840, p.66).−Ne m'interromps point et fais trêve à tes railleries, dit Rodolphe, elles s'émousseraient d'ailleurs sur la cuirasse d'une invulnérable volonté dont je suis revêtu désormais. −Voyons, assez de prologue comme cela. Où veux-tu en venir? (Murger,Scènes vie boh., 1851, p.86). − P. métaph. Ce qui annonce ou commence quelque chose. La minéralogie ne serait plus une science; ce serait un art, l'art de distinguer les minéraux, et l'on ne devrait la considérer que comme le prologue indispensable de L'Art des mines (Lapparent,Minér., 1899, p.2).Mais nous ne cessons pas de sentir que ce n'est là que le prologue d'un voyage qui ne commencera vraiment que lorsque nous pourrons prendre plus directement contact avec le pays (Gide,Voy. Congo, 1927, p.697).Tel est le sens profond de la journée du 9 thermidor, dont la proscription des enragés et du groupe cordelier apparaît, en ce sens, comme le prologue (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p.433). b) [Terme de sport cycliste] Première épreuve de certaines courses par étapes. Comme en 1984, Bernard Hinault a gagné le prologue du Tour de France, vendredi 28 juin à Plumelec. Précédant Vanderaerden de quatre secondes, Roche de quatorze secondes, et Anderson de dix-neuf secondes, il a conquis le maillot jaune −un maillot qu'il a déjà porté pendant cinquante jours depuis 1978 (Le Monde, 30 juin-1erjuill. 1985, p.9, col. 5). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔlɔg]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) [1remoit. xiies. (si l'on admet l'attribution à Philippe de Thaon) prologe «texte introductif» (Lapidaire alphabétique, 1705 ds Studer-Evans, p.259: al prologe musterum)] ca 1175 prologe (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, t.1, p.428, rubrique); déb. xiiies. prologue (Gervaise, Bestiaire, 55, éd. P. Meyer ds Romania t.1, p.427); b) [xiiies. (date ms.) fig. sanz prologele < parole > corr. en s. prologue par l'éd. «sans prévenir» (Renart, éd. E. Martin, branche Va, 825)] 1826 fig. «fait, événement qui annonce ou prépare quelque chose» (Vigny, Cinq-Mars, XIV ds OEuvres compl., éd. F. Baldensperger, t.2, p.186); c) 1666 «paroles préliminaires, dans une conversation» (Furetière, Roman bourgeois ds Romanciers du XVIIes., éd. A. Adam, p.943); 2. a) 1636 théâtre antique «partie d'une pièce qui précède l'entrée du choeur» (Monet); b) 1660 théâtre, époque mod. (P. Corneille, Discours sur le poème dramatique, I, éd. L. Forestier, p.70: notre siècle a inventé une autre espèce de prologue pour les pièces de machines, qui ne touche point au sujet, et n'est qu'une louange adroite du prince); c) 1680 mus. «partie préliminaire de certains opéras» (Rich.); 3. 1809 «première partie d'une oeuvre littéraire ou artistique présentant des événements antérieurs à l'action proprement dite» (Constant, Wallstein, p.XII). Empr. au lat. prologus «prologue (d'une pièce de théâtre); discours introductif, préambule», et celui-ci au gr. π
ρ
ο
́
λ
ο
γ
ο
ς «prologue d'une pièce de théâtre, partie de la pièce qui précède la première apparition du choeur; exposition préparatoire du sujet», comp. de π
ρ
ο- «devant, avant» et -λ
ο
́
γ
ο
ς (v. élém. formant -logue). Fréq. abs. littér.: 152. |