| * Dans l'article "PRIER,, verbe trans." PRIER, verbe trans. A. − RELIGION 1. Prier Dieu ou absol. prier. Élever son âme vers Dieu par la prière. Prier (Dieu) seul, ensemble, souvent, matin et soir; prier à l'église, dans sa chambre, sur la tombe de qqn; prier à genoux, à haute voix; prier avec ferveur, sans relâche, du bout des lèvres, du fond du coeur; s'agenouiller pour prier. Vous croyez que c'est le pain qui vous manque? Un peu. Mais le creux est plus profond. C'est Dieu qui vous manque. Priez-le avec moi (R. Bazin,Blé, 1907, p.330).V. oraison ex. 1: 1. ... [la religion musulmane] ne consistait qu'en huit ou dix points: professer l'unité de Dieu; reconnaître Mahomet pour son seul prophète; prier cinq fois par jour...
Volney,Ruines, 1791, p.170. 2. S'adresser à Dieu dans une prière instante; s'adresser à un saint pour lui demander d'intercéder auprès de Dieu. a) Prier (Dieu ou un saint) pour qqc. Prier pour une conversion, une guérison, la paix, l'unité des chrétiens. Nous demanderons à Jeanne, vierge, sainte et martyre, de prier Dieu pour la grandeur et pour la gloire de la France! (Coppée,Bonne souffr., 1898, p.151).Je prierai seule pour les péchés du monde et d'abord pour les miens (Jouve,Paulina, 1925,p.208). − Prier Dieu (pour) que + subj. Je prie Notre-Dame de Sion, protectrice éternelle des Lorrains, qu'elle accueille (...) mon hommage (Barrès,Cahiers, t.11, 1915, p.143).Nous allons prier le bon Dieu pour qu'il nous assiste tous (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p.588). ♦ Je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte (et digne) garde. [Formule de congé, par laquelle le roi terminait ses lettres] Henri: Allez, messieurs et milords, (...) et prions Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde (Dumas père, C. Howard, 1834, iii, 2, p.270). − Prier (Dieu) de + inf. Toute la famille pria le ciel de répandre ses bénédictions sur les deux époux (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.204). b) Prier (Dieu ou un saint) pour qqn. Prier pour les affligés, les âmes du purgatoire, les défunts, les malades, les pécheurs, ceux qui souffrent, les vivants et les morts. J'estimais, en ma qualité de catholique, plus profitable et plus profond de prier pour les morts dans les églises (Bloy,Journal, 1892, p.24).Faire dire des messes et prier pour lui, ça c'est correct, tu ne peux pas faire mieux (Hémon,M. Chapdelaine, 1916, p.159). ♦ Priez pour nous. [Dans une litanie, formule par laquelle les fidèles répondent à l'invocation d'un saint] Sainte mère de Dieu, priez pour nous! Tous les saints anges et archanges, priez pour nous! (Claudel,Processionnal, 1910, p.298). B. − Demander par grâce, avec insistance et humilité ou au moins déférence (une faveur, un service). Synon. adjurer, conjurer, implorer, requérir, solliciter, supplier.Prier qqn instamment. 1. a) Littér. Prier qqn.Carmela seule s'y opposait [à une nouvelle danse]; mais le comte de San-Felice pria sa fille si tendrement qu'elle finit par consentir (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.451).J'eus beau la prier; elle ne voulut point me dire ce qu'elle faisait (Maupass.,Contes et nouv., t.1, J. Romain, 1886, p.1296). − Empl. abs. Le capitaine avait tant prié, l'avait implorée avec des paroles si douces; elle était persuadée qu'il l'aimait si violemment (...) qu'elle avait laissé prendre son coeur (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Mal d'André, 1883, p.382).On priait, discutait, réclamait. Finalement, les Allemands cédaient (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p.226). b) Prier qqn de + inf.Prier qqn d'intervenir, de rendre un service. [Un émigré] n'a point prié Pitt, ni supplié Cobourg de ravager nos champs, de brûler nos villages, pour venger les châteaux (Courier,Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1822, p.152).Je viens vous supplier de croire que je regrette profondément, cruellement, d'avoir été la cause involontaire d'une scène fâcheuse à tous égards, et vous prier de me pardonner (Bernanos,Imposture, 1927, p.428). − Vx. Prier qqn de qqc.Il descend de cheval, et la prie d'amour, et la veut emmener en France (Sainte-Beuve,Prem. lundis, t.2, 1832, p.79). 2. Loc. verb. a) Se faire prier. Ne céder qu'après de nombreuses sollicitations, de longues hésitations aux demandes d'autrui. Synon. résister, se faire tirer l'oreille (fam.).Elle aime bien se faire prier. D'abord elle ne voulut pas; puis elle se fit prier moins fort, puis elle consentit entièrement (Janin,Âne mort, 1829, p.172): 2. −Tu restes dîner avec nous? J'étais venu pour ça. Je présentai pourtant des objections. Je me fis prier (...). Mais Lanoue se reprit à insister et j'acceptai tout de suite...
Duhamel,Confess. min., 1920, p.66. b) [Souvent à la forme négative] ♦ Ne pas se faire prier. Accepter avec empressement. Il ne se fit pas trop prier pour accepter un bock (Billy,Introïbo, 1939, p.177).Déjeuner au lit! Je ne croyais pas que ce privilège pût appartenir à toute autre personne que Folcoche. Je ne me fis cependant pas prier et j'attaquai les brioches (H. Bazin,Vipère, 1948, p.151). ♦ Sans se faire prier. De son plein gré, volontiers. Elle chante sans se faire prier. Tu goûtes pas? Vairon, sans se faire prier, puise dans le chaudron avec son quart (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p.73).Heureux de produire son effet, Beau-Blanc répéta la nouvelle sans se faire prier (Guèvremont,Survenant, 1945, p.188). C. − [Pour présenter une demande en termes atténués ou dans des formules de politesse] 1. Prier qqn de + inf.Demander. Prier qqn d'accepter qqc., d'attendre, de chanter, de s'asseoir; prier qqn d'excuser une absence. Monsieur, je suis charmé du hasard qui me procure votre connaissance, et je vous prie seulement de m'accorder quelques jours (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p.509).Le mouvement (...) répond à un service, à une politesse, «on vient vous prier de donner un coup de main» (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p.226). − Littér. Prier que + subj.Julien ignorait ce détail, il avait prié qu'on ne lui parlât jamais de ces sortes de choses (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.475). − En partic. [Avec une nuance impérative] Prier qqn de se dépêcher, de se taire. Ce ton n'était ni dans son tempérament ni dans ses habitudes (...). Comme elle le priait sèchement d'être poli, il s'excusa (Zola,Nana, 1880, p.1392). 2. En partic. [À la 1repers.] − [En s'adressant à qqn] Je vous prie de me faire l'honneur, le plaisir de. C'est un présent que je vous prie de bien vouloir accepter de ma main (Farrère,Homme qui assass., 1907, p.104). ♦ [Avec une nuance impérative] Synon. veuille(z).Je vous prie de me laisser tranquille, de ne plus m'importuner. À l'avenir, je vous prie de ne pas rester si longtemps dehors (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p.71).Je te prie d'éteindre ce cigare (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p.156). − [Dans une formule terminant une lettre] Vous, Monsieur, je vous prie de croire à mon dévouement et à mon attachement très sincère (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.257).En attendant ce plaisir-là, je vous prie d'agréer l'assurance de mes meilleurs sentiments (Flaub.,Corresp., 1872, p.32). ♦ [Souvent avant ou après un impér., un ordre pour renforcer la demande] Laissez-moi, je vous prie; je t'en prie, écris-moi le plus tôt possible. Ne pleure pas, je t'en prie. Je n'ai déjà pas trop de courage!... (Courteline,Boubouroche, 1893, ii, 4, p.80).Stanie, taisez-vous, je vous prie. Il est correct que vous vous taisiez (Farrère,Homme qui assass., 1907, p.306). ♦ [Pour exprimer l'ordre] Que ceci ne se reproduise pas je vous prie! Du calme, je vous prie! Vous avez tort, répondit-elle; je vous en prie, pas un mot de plus (Musset,Confess. enf. s., 1836, p.335). ♦ [Après une interr., une demande pour demander une réponse] Orphée: (...) Ah! Je vous y prends, Madame. Eurydice: À quoi, je vous prie? (Crémieux,Orphée, 1858, i, 2, p.7). ♦ [Pour contredire son interlocuteur, exprimer sa réprobation] La simulation... −Je vous en prie! dit MlleChantal. J'ai agi spontanément, sottement, au petit bonheur (Bernanos,Joie, 1929, p.664). ♦ [Pour inviter son interlocuteur à poursuivre] J'ai même, à ce propos, une petite requête à vous adresser. −Je vous en prie. −Ce serait, mon compagnon Targui ayant perdu le sien, de me laisser un des deux chameaux de charge (Benoit,Atlant., 1919, p.94). ♦ [Pour répondre à une formule de politesse, éluder des remerciements] Merci. −Je vous en prie. Petypon: Après vous, je vous prie! Varlin: Pardon! (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, i, 23, p.26). 3. [Au passif ou à la forme impers., pour exprimer l'invitation, l'ordre] Tu es prié de ne pas t'inquiéter de moi (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1895, p.239).Dépêche (...) ainsi conçue: «Êtes prié venir en consultation auprès du Saint-Père qui réclame vos lumières...» (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, iii, 6, p.60).V. bâtarde ex. 10. − [Dans le style des annonces, des écriteaux] Synon. prière de + inf.On est prié de s'adresser au concierge; vous êtes priés d'assister aux obsèques qui se dérouleront le...; on est prié d'adresser toute correspondance à... «Les dames non accompagnées ne sont pas admises et sont priées d'attendre dehors,» dit un écriteau (Morand,Londres, 1933, p.134): 3. Dans votre prochain roman, vous devriez glisser un appel voilé dont le sens serait, si on le rédigeait en style d'annonce: «Mères désirant témoigner admiration M. Pierre Costals par preuves solides en le mettant en relations avec leurs filles sont priées se faire connaître...»
Montherl.,Démon bien, 1937, p.1334. D. − Vieilli. Prier qqn à.Inviter dans les termes requis par la politesse. 1. Prier qqn à + subst.Je fus prié à un banquet musical (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.63).Comme je ne pouvais sortir, notre amie pria «G. M.» au thé (Blanche,Modèles, 1928, p.242). 2. Prier qqn à + inf.Et l'après-midi, au bureau de l'hôtel, il trouva la carte du Duc, qui était venu en personne pour le féliciter et le priait à déjeuner le lendemain (Montherl.,Bestiaires, 1926, p.442).On nous pria respectueusement à boire (Vercel,Cap. Conan, 1934, p.229).V. machine II B 1 b ex. de Radiguet. − Absol. Au jour fixé, vers six heures, madame de Noirville avait préparé un dîner somptueux et prié les personnes les plus honorables de sa société pour bien accueillir sa petite voisine (Balzac,OEuvres div., t.2, 1830, p.190). Prononc. et Orth.: [pʀije], (il) prie [pʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 881 «invoquer Dieu» (Eulalie, 26 ds Henry Chrestomathie, p.3: preier); 1472 part. prés. subst. priant «représentation d'une personne qui prie» (Doc. ds Mém. Sté de l'Hist. de Paris, t.2, p.364 n2: auquel corset sont devant et derrière l'ymaige de Dieu et de mons. S. Jaques avec deux prians); 1551 «statue funéraire qui représente une personne en prière» (Doc. ds Artistes et monuments de la Renaissance, éd. M. Roy, t.1, p.174); 2. ca 980 «demander» (Jonas, éd. G. de Poerck, vo31: acheder co que li preirets); 1176-81 je vos an pri formule pour demander de façon plus ou moins pressante à une personne de faire quelque chose (Chrétien de Troyes, Chevalier charrete, éd. M. Roques, 141); ca 1170 se faire prier (Id., Erec, éd. M Roques, 1232: cil gaires preier ne s'an fist); 1671 sans se faire prier (Pomey); 3. 1400-05 prier de «inviter à» (Froissart, Chron., éd. G. T. Diller, p.895, 29-30); 1671 prier à + inf. (Pomey). Du b. lat. precare (vies. ds Blaise Lat. chrét.), du class. precari «prier, supplier», dér. de prex, precis «demande; prière(s)» att. seulement à l'acc. et au datif dans la lang. préclass. L'inf. prier et les autres formes accentuées sur la terminaison ont été refaites d'après les formes accentuées sur le rad. Prier en empl. intrans. a supplanté orer* au xves. Fréq. abs. littér.: 11313. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 19973, b) 18806; xxes.: a) 16228, b) 11231. DÉR. Prieuse, subst. fém.,rare. a) Femme qui a pour fonction de prier.
α) [Relig. non chrét.] [Deux amants] se rendaient (...) au temple somptueux de Vénus Physizoé. Là, des prêtresses, dirigées par une prieuse mitrée, adressaient d'abord pour eux des oraisons aux dieux (Nerval,Voy. Orient, t.1, 1851, pp.87-88).
β) [Dans certaines communautés relig. chrét.] Synon. de béguine.Ces béguines ou prieuses, au bout de dix ans d'une vie commune, obtiennent ce qui est l'objet de leurs voeux (...), l'aparté dans l'habitation (Michelet,Chemins Europe, 1874, p.266).b) Vx et région. (Ouest). Femme qui assure une permanence de prière auprès d'un défunt entre le décès et la sépulture. Ce fut un peu avant Pâques que le père Corbier mourut (...). Les prieuses arrivèrent dès huit heures (...). Arrivées à la maison elles se jetaient à genoux, sans une parole, autour de celle qui dirigeait la prière (E. Pérochon,Nêne, [1920], pp.120-121 ds R. Ling. rom. t.42 1978, p.116).− [pʀijø:z]. − 1reattest. 1851 (Nerval, loc. cit.); de prier, suff. -euse, v. -eur2*; cf. le m. fr. prieur «celui qui invite aux funérailles» 1426 (27 août, Tutelle de Annette, Miquelot et Loyset le Cat, Arch. Tournai ds Gdf.) [déjà en a. fr. prieur «celui qui prie» mil. xiiies.-xves., ibid.], et prieresse «celle qui vient prier, qui invite aux funérailles» 1390 (10 déc., Tut des enfants Garin Loterielle, Arch. Tournai ds Gdf. −1412, ibid.: priresse) [déjà en a. fr. 1ertiers xiiies. preieresse «celle qui prie» (Joies Nostre Dame, Richel 19525, fo94cds Gdf.)]. BBG. −Jessen (H.). Pragmatische Aspekte lexikalischer Semantik. Tübingen, 1979, p.54; pp.142-145. _Landin (E.). Ét. sur les constr. de certains verbes exprimant la prière, la hâte et la nécessité en fr. Thèse, Uppsala, 1938, pp.2-59. _Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.107-108. _Rickard (P.). Prier and its constructions from Old to early Modern French. Vox rom. 1982, no41, pp.133-157. |