| PRÉVOIR, verbe trans. A. − Voir, juger et éventuellement annoncer qu'une chose arrivera (par clairvoyance, intuition ou par induction, raisonnement logique, calcul, mesure, connaissance scientifique). Synon. s'attendre à, augurer, prédire, présager, prophétiser, pressentir, pronostiquer.Prévoir l'avenir, les événements futurs; prévoir une bataille, la date des éclipses, la famine, la guerre, l'orage, la tempête; prévoir les conséquences et les effets de qqc. Je prévis enfin les maux qui devoient accabler mon malheureux pays (Genlis, Chev. Cygne, t.1, 1795, p.228).Les prélats du quinzième siècle (...) ne prévoyaient certainement pas plus Luther et Calvin que les gens de cour ne prévoyaient la révolution française (Guizot, Hist. civilis., leçon 11, 1828, p.34).Tout le mouvement de l'air était du sud au nord et ça laissait prévoir de la grosse pluie (Giono, Baumugnes, 1929, p.107): 1. Du premier jour, Picquart prévit l'épouvantable crise et adjura ses chefs de la conjurer en faisant justice de la trahison, en exposant aux yeux de tous l'impartiale vérité. Ses chefs refusèrent de l'entendre.
Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.201. ♦ Prévoir que... Je prévois, à mon grand regret, madame, qu'il ne me sera pas possible d'aller cette semaine à Cernay (Lamennais, Lettres Cottu, 1819, p.37). ♦ Il est à prévoir que..., tout fait prévoir que... Il était, d'ailleurs, à prévoir que les Allemands porteraient la lutte au-delà de la Méditerranée (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.89).Dans les premiers jours de décembre, tout fait prévoir que la 1rearmée ne pourra s'emparer de Colmar sans de nouveaux et durs combats (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p.138). ♦ Il est aisé, il est facile de prévoir que... Les munitions nous manquaient et de cela seul il était aisé de prévoir que nous devions tous périr sous le feu des paysans, quand nous ne pourrions plus les repousser (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1806, p.723).Il était facile de prévoir que le gouvernement allait être contraint de faire des élections (Maurois, Ariel, 1923, p.62). ♦ Rien n'arrive comme on le prévoit. Décidément, rien n'arrive comme on le prévoit; ce n'était pourtant pas trop mal machiné (Huysmans, Là-bas, t.1, 1891, p.251). B. − Envisager (des possibilités). Prévoir toutes les réponses, toutes les solutions, des exceptions. Ils ne savent rien, ils ne prévoient rien, ils n'ont ni plan, ni idées, ni hasards heureux (Zola, Débâcle, 1892, p.110).Vous prévoyez toujours le pire! Au moins ne le dites pas, si vous le prévoyez. On fait venir les choses, quand on en parle comme ça (Montherl., Fils personne, 1943, iv, 1, p.335). − Empl. abs. On est toujours surpris par les circonstances, le hasard, la maladie ou la mort; même par l'incendie ou tel autre accident. À quoi bon se fatiguer à prévoir, quand l'imprévu est infini? (Amiel, Journal, 1866, p.297). C. − Disposer, organiser d'avance, décider pour l'avenir. Prévoir un repas en l'honneur de qqn. Tout a été prévu. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'arrivera rien que vous n'ayez réglé, prévu et ordonné de toute éternité (E. de Guérin, Journal, 1838, p.145).Le planning, envisagé à cette date et qui sera miraculeusement respecté, prévoit la fabrication de la bombe en trois ans (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p.35): 2. La notion d'une vigoureuse résistance ne devait pas exclure du reste, pour le commandement, le devoir de prévoir et d'organiser, pour le cas d'un échec, une ou plusieurs lignes de repli, comme aussi d'améliorer les organisations défensives existantes...
Foch, Mém., t.2, 1929, p.64. ♦ Comme prévu. Comme on l'avait pensé, organisé, déterminé par avance. Le plan Marshall a pris fin, comme prévu, avec l'année fiscale américaine 1952-53, le résultat cherché ayant été accompli (Univers écon. et soc., 1960, p.40-5). − Empl. abs. Gouverner, c'est prévoir. (Dict. xxes.). REM. Prévoyable, adj.Qui peut être prévu. Synon. vieilli de prévisible.J'étais d'avis que l'on gardât la cocarde tricolore: (...) en conservant des couleurs qu'avaient légitimées tant de triomphes, on ne préparait point à une révolution prévoyable un signe de ralliement (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.630). Prononc. et Orth.: [pʀevwa:ʀ], (il) prévoit [-vwa]. Conjug., v. voir sauf fut.: je prévoirai et cond. je prévoirais. Ac. 1694, 1718: prevoir; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist.1. 1284 [ms.] «concevoir, imaginer d'avance ce qui doit arriver» (Brunet Latin, Trésor, [ms. BN fr. 12581], éd. P. Chabaille, p.369); 2. a) 1537 [éd.] «envisager les événements à venir et prendre les mesures, les précautions nécessaires» (J. Marot, Sur les deux heureux voyages de Genes et Venise, Lyon, F. Juste, fol. 63 ro); b) α) 1669 «disposer, organiser d'avance» (Racine, Britannicus, IV, 4, 1391 ds OEuvres, éd. P. Mesnard, t.2, p.322);
β) 1960 comme prévu (Univers écon. et soc., loc. cit.). Empr. au lat. praevidere «voir auparavant, apercevoir d'avance, prévoir» (de prae-, v. pré- et videre, v. voir), francisé d'apr. voir. L'a. fr. employait, de préférence à prévoir, le verbe pourvoir* au sens de «concevoir, envisager». Fréq. abs. littér.: 2535. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3264, b) 2643; xxes.: a) 3427, b) 4518. |