| PRÉSÉANCE, subst. fém. A. − 1. Droit issu d'un privilège, créé par l'usage ou institué par une règle, de prendre place au-dessus de quelqu'un, de le précéder dans une hiérarchie protocolaire. Ordre de préséance; admettre la préséance; tenir à la préséance. L'ancienneté règle la préséance entre les membres d'un tribunal (Ac.).Les cours d'appel ont la préséance sur les tribunaux de première instance (Ac.1878, 1935).Les nonces ont encore la préséance sur tous les ambassadeurs; mais cette vieille prérogative n'est plus qu'une simple politesse (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p.338).La discorde (...) éclata entre le duc d'Orléans et le duc de Bretagne. Ils eurent querelle sur la préséance (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p.382): 1. La rumination minutieuse et tatillonne des préséances et des mérites passés avait fait jusque-là chez nous le fonds commun des méditations politiques...
Gracq, Syrtes, 1951, p.313. 2. P. anal., souvent au plur. Prérogative(s) liée(s) à la condition sociale, à l'âge, au rang etc. Préséances de table d'hôtes. Non, non! pas comme ça, répétait Rose, en replaçant son monde. Vous n'observez pas les préséances (Zola, Fécondité, 1899, p.549).Cela me rappelle ce chef de mess (...) qui pour éviter aux repas les querelles de préséance fait, une fois pour toutes, construire une table ronde, et, pour y loger cette table, une maison ronde (Morand, Paris-Tombouctou, 1929, p.27): 2. J'avais beau (...) me gaver sans les interrompre, de choux à la crème et de tartes (...) dans l'espérance qu'elles arriveraient plus vite à résoudre ces délicats problèmes de préséances familiales, elles n'en sortaient pas.
Céline, Voyage, 1932, p.471. B. − P. ext. Supériorité reconnue à quelque chose, par institution ou par habitude, dans une hiérarchie de réalités ou de valeurs. Il faut (...) éviter soigneusement toute oiseuse discussion, de vaine préséance entre ces deux éléments sociaux [ordre spirituel et ordre temporel] (Comte, Philos. posit., t. 2, 1839-42, p.33).C'est de cette philosophie même, en ce qu'elle donne au général la préséance sur le particulier, qu'André Gide fait le procès (Massis, Jugements, 1924, p.49).Mais l'aptitude de la conscience au projet nous contraint à renverser la préséance du réel sur le possible (Ricoeur, Philos. volonté, 1949, p.53). − Loc. Donner la préséance à qqn/qqc. Faire passer quelqu'un, quelque chose avant quelqu'un ou quelque chose d'autre. Mais, pardonnez-moi de donner la préséance à la question de coeur, car le second motif ressemble bien à une question de fait et aurait peut-être dû passer devant (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1851, p.162). − Au fig. L'horrible et l'abject se disputent la préséance. Les malades, après avoir épouvanté, deviennent l'objet des plus tristes dégoûts (Latouche, L'Héritier, Lettres amans, 1821, p.98). − Rare. [Avec un compl. indiquant ce qui fonde la préséance] Les plus difformes de la bande obtenaient de préférence la parole (...). D'après ces préséances de hideur, passait successivement, mêlée aux fantômes des Seize, une série de têtes de gorgones (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p.376). Prononc. et Orth.: [pʀeseɑ
̃:s]. Ac. 1694 et 1718: -seance; dep. 1740: -séance. Étymol. et Hist. 1562 précéance (Corresp. de Catherine de Médicis, 20 sept., éd. H. de La Ferrière, t. 1, p.404); 1578 preseance ([J. Lourdereau] trad. de P. Morigi, Hist. de l'orig. de toutes les relig., 35 ds Fonds Barbier). Dér., au moyen du préf. pré-*, de séance*, att. au xvies. aux sens «droit de s'asseoir, de prendre place, de siéger; place où l'on s'assied; ordre dans lequel on est assis» (cf. Hug.). Fréq. abs. littér.: 78. |