| PRÉJUDICE, subst. masc. A. − 1. DR. CIVIL. Acte ou événement le plus souvent contraire au droit ou à la justice, nuisible aux intérêts de quelqu'un. Synon. dommage, tort.Causer, subir un préjudice: . Dans tous les territoires évacués par l'ennemi toute évacuation des habitants sera interdite; il ne sera apporté aucun dommage ou préjudice à la personne ou à la propriété des habitants.
Foch, Mém., t.2, 1929, p.307. − Préjudice matériel. Dommage causé aux biens, aux intérêts matériels de quelqu'un. Il vous manque même, c'est effrayant, cet instinct de justice épicière qui, à défaut de noblesse, vous eût averti du préjudice matériel que ce reportage indécent pouvait me causer (Bloy, Journal, 1892, p.54). − Préjudice moral. Atteinte portée à l'intégrité d'une personne humaine dans sa réputation, dans son honneur, dans le respect de sa vie privée. La mode est aux confessions, aux révélations indiscrètes, sans souci du préjudice matériel ou moral que ces indiscrétions peuvent causer aux survivants (Gide, Robert, 1930, p.1314). − Préjudice corporel. Atteinte portée à l'intégrité physique d'une personne. On distingue le préjudice matériel, le préjudice corporel, et le préjudice moral (Barr.1974). − Préjudice esthétique. ,,Préjudice tenant à la persistance d'une disgrâce physique chez la victime d'un accident`` (Jur. 1981). − Au préjudice de qqn. À son désavantage, contre ses intérêts. Durant lequel temps aucune hypothèque ne peut avoir lieu sur le bien chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice du créancier de la soulte ou du prix (Code civil, 1804, art. 2109, p.381).Cerbelot est moins instruit, moins intelligent que moi. Une injustice vient d'être commise à son profit, à mon préjudice (Duhamel, Journal Salav., 1927, p.72). ♦ [P. méton.] Au préjudice de son honneur, de sa réputation, de la vérité (Ac.).Le téléphone qui, tout bien pesé, avait été placé dans l'atelier, résonnait souvent, toujours au préjudice du sommeil de l'enfant (Camus, Exil et Roy., 1957, p.1634). − Loc. verb. Porter préjudice à qqn. Causer du tort à quelqu'un. Il résultait de son aveu que monseigneur d'Orléans lui avait défendu d'user d'art magique, ni de rien faire qui pût porter préjudice au roi (Barante, Hist. ducs Bourg., t.3, 1821-24, p.77).Je puis écrire ici ce qui me plaît, sans risquer de porter préjudice à personne (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p.1072). 2. PSYCHIATRIE. Délire, sentiment de préjudice. ,,Conviction d'être victime d'une machination, frustré dans un bien, un sentiment, une promotion`` (Pel. Psych. 1976). B. − Ce qui va contre quelque chose. L'ouvrage a pris de là un certain caractère religieux que je ne lui pourrais ôter sans préjudice (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.6). − Au préjudice de.Au détriment de. Tull exalte les labours au préjudice des engrais (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.33). − DR. CIVIL. Sans préjudice de ♦ Sans faire tort à, sans renoncer à, sous réserve de. Sans préjudice de mes droits. Tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen, et y faire placer des poutres ou solives dans toute l'épaisseur du mur (...), sans préjudice du droit qu'a le voisin de faire réduire à l'ébauchoir la poutre jusqu'à la moitié du mur (Code civil, 1804, art. 657, p.120). ♦ P. ext. Sans préjuger de, sans tenir compte de. Une forte aviation d'observation, de chasse et d'assaut serait organiquement attachée à ce grand corps: un groupe pour chaque division, un régiment pour le tout, sans préjudice des actions d'ensemble que mènerait l'armée mécanique de l'air en conjugaison avec celles de l'armée mécanique au sol (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.8). Prononc. et Orth.: [pʀeʒydis]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. 1283 estre en préjudice de [aucun] (Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1392); fin xiiies; fere prejudice a [aucun] (D'une seule fame qui servoit C chevaliers, 38 ds A. de Montaiglon et G. Raynaud, Rec. gén. des fabliaux, t.1, p.295); fin xiiiesans autrui prejudice (Jean de Meun, Testament, 802 ds Roman de la Rose, éd. Méon, t.4, p.41); 1342 porter prejudice a [aucun] (Jean Bruyant, Pauvreté et Richesse, 13a ds T.-L.). Empr. au lat. praejudicium «jugement préalable» (d'où le fr. prejudice, de même sens, av. 1564, Calvin ds Hug.), et «action de préjuger, de présumer» d'où le m. fr. de même sens, ca 1350, Gilles Li Muisis, Li Estas des curés... ds Poés., éd. Kervyn de Lettenhove, t.1, p.372), et «préjudice». Cf. le mot pop. a. fr. prejuise «préjudice» (xiiies. ds Gdf.). Fréq. abs. littér.: 262. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 602, b) 261; xxes.: a) 303, b) 276. |