| PRÉCAUTION, subst. fém. A. − 1. Gén. au plur. (Mesure de) prudence, (de) prévoyance minutieuse que l'on observe pour éviter ou atténuer un mal, un inconvénient, un désagrément ultérieur pressenti. Synon. circonspection, prudence.Précaution indispensable, nécessaire, utile, inutile; précaution à prendre; précaution d'emploi; user de précautions; prendre des/ses précautions pour, contre qqc.; prendre des mesures de précaution; prendre d'extrêmes, de grandes, mille précautions. Je me suis demandé si, dans les postes de secours, les précautions contre les gaz étaient suffisantes, et si elles étaient bien prises par le personnel (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p.885).J'ai pris mes précautions. J'ai fait préparer des vêtements chauds (Camus, Possédés,1959, 3epart., 15etabl., p.1076): 1. ... il m'arrive d'emmener un enfant chez qui le médecin inspecteur a reconnu des symptômes de maladie contagieuse. Les précautions sont des plus strictes; la directrice fait écarter vivement les élèves, les adjointes, de l'enfant dangereux...
Frapié, Maternelle,1904, p.96. − Loc. proverbiale. Deux précautions valent mieux qu'une. Deux mesures prises par prudence et clairvoyance sont plus utiles qu'une seule. Synon. deux sûretés valent mieux qu'une (v. sûreté).Attendez, reprit Mademoiselle Pinson; je suis pleine de confiance, mais la sagesse des nations nous dit que deux précautions valent mieux qu'une (Musset, Mimi Pinson,1845, p.248). − Loc. adv. Par précaution. Les magasins sont isolés par précaution contre l'incendie; leur couverture se fait en tuiles ou en ardoises (Bourde, Trav. publ.,1929, p.311). 2. Au sing. Disposition naturelle qui entraîne quelqu'un à être prudent et prévoyant en toutes circonstances. − Vieilli. Avoir de la précaution. Agir sagement et prudemment. Madame a eu plus de précaution que nous. Il y a des personnes qui savent toujours penser à tout (Maupass., Contes et nouv.,t.2, Boule de suif, 1880, p.125). − Loc. adj. inv. Être, homme de précaution. Personne prévoyante, d'une sagesse prudente. En homme de précaution, Jean coupa un pain en deux, en mit une moitié dans le sac de Maurice (Zola, Débâcle,1892, p.196). − Proverbe. Trop de précaution nuit. La propension à une extrême prudence peut entraver le bon déroulement d'une action en cours ou à venir. (Dict. xixeet xxes.). 3. Spécialement a) Prendre ses précautions − P. euphém. [En partic. lorsqu'on s'adresse à un enfant] Prendre soin de se rendre aux toilettes avant que les circonstances ne l'interdisent momentanément. Comme il lui est arrivé déjà plus d'un malheur au lit, Poil de Carotte a bien soin de prendre ses précautions chaque soir (Renard, Poil Carotte,1894, p.19). − [Dans les relations sexuelles] Pratiquer l'acte interrompu; prendre toutes dispositions en matière de contraception. Son curé lui a dit: «Croissez et multipliez», de sorte qu'il ne prend plus de précautions (Renard, Journal,1902, p.788).Par-dessus le marché, si je ne prenais pas mes précautions, il me ferait un gosse à tous coups (Beauvoir, Mandarins,1954, p.350). b) MÉD. Médecine, remède de précaution. Ensemble des mesures thérapeutiques, mesure particulière que l'on prend pour prévenir une maladie. Synon. prévention, prophylaxie: 2. Elle vivait d'ailleurs sous la férule de la médecine de nos aïeux, et prenait par an quatre médecines de précaution à faire crever Pénélope [la jument], mais qui la ragaillardissaient.
Balzac, Vieille fille,1836, p.324. c) MUS. Accident de précaution. Notation musicale qui consiste à rappeler au-dessus de la portée qu'un accident notifié plus haut reste valable pour la suite du morceau (d'apr. Brenet Mus. 1926). d) RHÉT. Précautions oratoires. Prudence, ménagement de langage dont un orateur, un écrivain s'entoure pour ne pas risquer d'impressionner défavorablement son auditoire ou ses lecteurs. J'attends les orateurs qui soutiendront, même avec les précautions oratoires d'usage, que le patriotisme doit se fonder sur le mensonge, sur le faux, sur le crime (Clemenceau, Vers réparation,1899, p.339). − P. ext., lang. cour. Précaution (oratoire), précaution de langage. Moyens dont on use pour présenter verbalement un sujet avec le désir de ne pas choquer ni de surprendre. Le père Firion crut avoir enveloppé de toutes les précautions oratoires possibles la question qu'il voulait faire à sa fille (Soulié, Mém. diable,t.2, 1837, p.290): 3. ... la discussion devint générale, chacun donnant son avis. C'était fort convenable du reste. Ces dames surtout trouvaient des délicatesses de tournures, des subtilités d'expression charmantes, pour dire les choses les plus scabreuses. Un étranger n'aurait rien compris, tant les précautions du langage étaient observées.
Maupass., Contes et nouv.,t.2, Boule de suif, 1880p.143. B. − [Gén. précédé des prép. avec ou sans] Manière d'agir prudente et avisée, attention minutieuse que l'on apporte dans ses gestes, ses paroles, ses actes. Synon. soin, mesure, ménagement.Avec de grandes, d'infinies précautions. Voilà qu'un jour l'épouse du sacristain, (...) lui apprit avec précaution que sa nièce avait un amoureux. Il en ressentit une émotion effroyable, et il demeura suffoqué (Maupass., Contes et nouv.,Clair de lune, 1882, p.31).Dans le cercle de ses amis on admettait que le désir d'un homme pût s'exprimer sans trop de précautions, voire avec brutalité (Aymé, Travelingue,1941, p.81): 4. Rien n'est si long que de détailler une côte semée d'îles, coupée par plusieurs golfes, dont les brumes fréquentes, et les courans, toujours violens et incertains, ne permettent de s'approcher qu'avec prudence et précaution.
Voy. La Pérouse,t.4, 1797, p.210. REM. Précautionnel, -elle, adj.Synon. usuel préventif.Mesure précautionnelle. Mesure prise par prudence en prévision d'un inconvénient, d'un danger à venir. L'eau était fort rare à bord, par motif d'économie précautionnelle (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.112). Prononc. et Orth.: [pʀekosjɔ
̃]. Ac. 1694, 1718: precaution; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. [1471 d'apr. Bl.-W.3-5] 1. 1580 «disposition prise pour éviter un mal ou en atténuer l'effet» (Montaigne, Essais, I, 24, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.127); 2. 1588 «manière d'agir prudente, circonspecte» (Id., ibid., I, 28, p.190); 3. 1673 par précaution (Molière, Dom Juan, I, 1 ds OEuvres, éd. Despois et Mesnard, t.5, p.82); 4. 1726 précautions oratoires (Ch. Rollin, De la manière d'enseigner et d'étudier les belles lettres, t.2, p.296: Des Précautions Oratoires. Je donne ici ce nom à de certains ménagemens que l'orateur doit prendre pour ne point blesser la délicatesse de ceux devant qui ou de qui il parle). Empr. au b. lat. praecautio, dér. du class. praecavere «se tenir sur ses gardes, prendre ses précautions». Fréq. abs. littér.: 2863. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4504, b) 4397; xxes.: a) 3774, b) 3705. Bbg. Quem. DDL t.13 (s.v. précautionnel). |